"Je me suis dit que ce n'était pas possible, en fait" : la liste d'avocats "à éliminer" suscite l'indignation, dans les tribunaux

Liste d'avocats "à éliminer" : entre sidération et colère, la profession se mobilise pour dénoncer la publication haineuse d'un site d'extrême droite, qualifiée d’ "appel au meurtre". Des actions "apolitiques" étaient menées ce vendredi dans les tribunaux provençaux, à deux jours second tour des législatives.

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Il a résonné comme une alerte générale. L'appel à la mobilisation des organisations professionnelles a été lancé à 10 h 30 ce vendredi au sein du barreau d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), rassemblant, moins de deux heures plus tard sur les marches du palais de justice, des avocats et magistrats sous le choc. "On en a marre des gens qui se cachent, c'est pour ça que nous avons voulu nous montrer", déclare l'ex-bâtonnier Benoît Porteu de la Morandière, en référence aux auteurs anonymes d'un "appel au meurtre, suscitant un émoi profond de la profession".

Publiée mercredi 3 juillet sur le site d'extrême droite Reseau-libre.org, une liste d'avocats "à éliminer", agite le monde judiciaire. Sont inscrits dans cet article intitulé "liste (très partielle) d’avocats à éliminer", 98 noms d'avocats, désignés comme "les factieux". L'auteur de l'article appelle à "envoyer dans un fossé ou dans un stade ces avocats [qui] déclarent déjà ne pas respecter le verdict des urnes en cas de victoire du RN. L'article qualifie de "pourritures" les avocats signataires, la veille dans Marianne, d'une tribune contre le Rassemblement national.

"Incitation à la haine" et "appel au meurtre" 

L'inquiétude est le sentiment qui domine parmi les avocats mobilisés ce vendredi, face à ce qu’ils qualifient d'incitation à la haine et d'appel au meurtre. Pour Benoît Porteu de la Morandière, "cela ne peut avoir d'autre qualification puisqu'ils appellent à "éliminer", avec l'image très explicite d'une guillotine. En réponse au bâtonnier de Paris, Pierre Hoffman, un autre post indique que ce serait bien que ce soit le premier à qui on coupe la tête". 

Une extrême violence que dénonce également le porte-parole de l'Union des jeunes avocats aixois. "Le but est clairement de choquer, de heurter et d'effrayer," explique Guillaume Mas, "mais nous avons l'envie de montrer qu'on est unis, qu'on est là et qu'on n'a pas peur." Le porte-parole local de l'UJA assure que les avocats resteront "debout et solidaires" face à ces menaces, "bien qu'aucun confrère du barreau d'Aix ne figure sur cette liste noire".

Nous sommes les vigies des libertés fondamentales, garants des piliers de la démocratie. Notre profession jouera son rôle jusqu'au bout et éternellement, quoi qu'il advienne.

Benoît Porteu de la Morandière, ex-bâtonnier du barreau d'Aix-en-Provence

France 3 Provence-Alpes

Guillaume Mas affirme que les jeunes avocats, pratiquant peut être avec plus d'aisance les outils numériques, ont immédiatement riposté en inondant les réseaux sociaux de messages de dénonciation.

Entre choc et incrédulité

Pour Camille Friedrich, présidente de la section aixoise du SAF (Syndicat des avocats de France),  la découverte de cet article haineux a été "tout d'abord un choc et je me suis dit que ce n'était pas possible, en fait !". La représentante syndicale ne cache pas son inquiétude pour les professionnels autant que pour les justiciables.

Va-t-on pouvoir continuer à défendre tout un chacun, à défendre les droits et libertés fondamentaux, les valeurs d'une société démocratique, encore dans un État de droit ?

Camile Friedrich, Syndicat des Avocats de France

France 3 Provence-Alpes

L'avocate pénaliste assure qu'une réponse judiciaire se prépare, au travers des plaintes déposées par les avocats visés nominativement, mais aussi par les organisations syndicales.

Réseau libre, auquel nos confrères de Street Press ont consacré une enquête début 2024, déplorait dejà que "ces vermines en robe noire" aient porté plainte en 2001 contre un autre site d'extrême droite, SOS racaille, qui avait lui aussi, publié une liste d'avocats accusés de "défendre la racaille anti-France". 

Comme ses confrères, Benoît Porteu de la Morandière se défend de faire de la politique, à quelques heures du deuxième round des élections législatives. "Ce n'est pas la question du second tour, c'est le problème d'une ambiance générale et des extrémités auxquelles sont en train d'arriver à un certain nombre de personnes".

Sur X (ex-Twitter), Éric Dupond-Moretti, a condamné "avec la plus grande fermeté la publication". Le garde des Sceaux estime que "ceux qui veulent la mort de nos libertés commencent toujours par s’en prendre aux avocats. Je ne les laisserai jamais faire".

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