"Je ne sais pas ce qui s’est passé dans ma tête" : devant la justice, les jeunes émeutiers peinent à s'expliquer après la mort de Nahel

De nombreux mis en cause ont défilé devant le tribunal correctionnel de Marseille, mardi. Récit d'une journée entre incompréhensions et peines de prison ferme.

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Une moyenne d’âge de 22 ans. A la suite des violences à Marseille liées à la mort de Nahel, 17 prévenus ont été jugés, mardi 4 juillet, en comparutions immédiates devant le tribunal correctionnel de Marseille. Des audiences, consacrées aux émeutes et aux pillages des jours précédents. La très grande majorité des mis en cause sont soupçonnés d’avoir participé d’une manière ou d’une autre aux violences qui ont frappé la cité phocéenne.

Parmi eux, une seule femme, âgée de 18 ans. La justice lui reproche d’avoir participé au pillage du magasin Sephora en plein centre-ville. Elle a été interpellée par les policiers en possession de 30 masques de beauté. Avant de commencer l’interrogatoire de la prévenue, la présidente montre des photos du magasin dévasté. "Pourquoi êtes-vous allée en centre-ville ?", lance-t-elle. La lycéenne, vêtue d’un sweat noir, les cheveux attachés, répond : "J’ai vu ce qui se passait à la télé, j’ai été tentée par l’effet de groupe, par le monde qu’il y avait dans le magasin…"

"Je voulais faire comme les autres"

Une réponse qui ne convainc pas la présidente : "Vous êtes lycéenne, quand il y a des émeutes, les gens ont peur. Pourquoi êtes-vous allée en ville ?" "Mes amis m’ont forcée à y aller, répond la mise en cause. J’ai ce qu’il faut, chez moi, j’ai besoin de rien. J’ai été débile, je regrette."

Mais, la présidente décide de poursuivre : "Aujourd’hui, c’est les résultats du bac, vous êtes en gestion administrative, pourquoi être allée à ces émeutes ?" "Je voulais faire comme les autres. J’ai reçu un appel sur Snapchat…, souffle l'étudiante qui veut faire une formation pour être assistante RH (Relations Humaines). C’était la nuit, mes collègues m’ont pris un Heetch (service de transport comme Uber). Un de mes collègues m’a dit : "Viens avec moi, je vais voler. Je suis venue, pour ne pas le laisser seul, il a 16 ans."

Une peine de 6 mois de prison

La Métropole Aix-Marseille Provence s’est constituée partie civile dans ce dossier. L’avocat de la collectivité indique aux juges que le montant de la remise en état de la ville après les émeutes s’élève à 240 000 euros. Maître Pierre Bruno, réclame 1 000 euros de dommages et intérêts.

La Procureure de l’audience, rappelle, la gravité des faits, le caractère exceptionnel des événements qui ont touché Marseille. La magistrate s’adresse à la jeune femme : "Il faut assumer pleinement la responsabilité de ses actes et cette participation à un acte de pillage dans des circonstances inédites et exceptionnelles." La représentante de l’accusation requiert huit mois de prison dont trois ferme.

L’avocate de la défense indique au tribunal que sa cliente a 18 ans et qu'elle est en plein dans la génération connectée, qu'elle ne se dédouane pas de ses responsabilités, et qu’elle a un projet d’avenir dans les relations humaines.

Après délibération, la jeune femme est reconnue coupable des faits reprochés et condamnée à six mois de prison qu’elle devra purger avec un bracelet électronique, à son domicile. Elle devra verser 1 000 euros à la Métropole Aix-Marseille Provence au titre du préjudice moral. Elle est libérée sur le champ et devra aller voir un juge d’application des peines.

 "Là, on atteint un niveau catastrophique"

Dans le box, apparaît un grand gaillard. Il a été interpellé dans la nuit du 30 juin au 1er juillet avec 168 paquets de cigarettes, 10 briquets et un kit de cigarette électronique. Le jeune homme de 21 ans est soupçonné de vol par effraction au préjudice d’un tabac situé dans le 2e arrondissement de Marseille.

La présidente décrit la scène devant l’établissement : "Là, on atteint un niveau catastrophique. Une pelleteuse a éventré la devanture du commerce, la police est intervenue pour interpeller tous les voleurs et les a poursuivis. Vous, monsieur, vous êtes tombé… le gérant a évalué son préjudice à 120 000 euros. Vous êtes en formation informatique et sans casier judiciaire."

Cheveux courts, grand, les épaules larges et vêtu d’un tee-shirt noir, l’homme de 21 ans commence par avancer : "J'ai passé 48 heures en prison, ce sont les pires jours de ma vie. J’allais rentrer chez moi, un copain m’a appelé vers minuit quarante, il m’a dit : 'tu as des gros bras, il faut que tu viennes.'"

"Comme un imbécile, je suis venu, j’ai pris le sac. J’ai été naïf et stupide."

un mis en cause

lors des comparutions immédiates

La présidente rappelle que le mis en cause vit chez sa mère et suit une  formation de développeur web. 

La procureure de l’audience souligne la particulière gravité des faits reprochés au prévenu et lui reproche une tentative de diluer sa responsabilité. "On l’a appelé, il passait par là, allait s’acheter à manger après une journée de révision… Il y avait une pelleteuse dans le magasin…, égraine-t-elle. Il faut qu’il prenne la mesure de ce qu’il s’est passé dans des circonstances très graves. Une peine de prison ferme est nécessaire pour faire cesser tout risque de réitération." La représentante de l’accusation réclame huit mois de prison dont trois ferme, avec maintien en détention au vu des circonstances exceptionnelles de commission de cette infraction.

Son avocate a beau avancer qu'il a reconnu sa responsabilité dès le début de la garde à vue et qu'il n’a jamais été condamné, le jeune homme est reconnu coupable des faits reprochés et condamné à huit mois de prison dont deux ferme, avec maintien en détention. 

"Je ne sais pas ce qui s’est passé dans ma tête"

Après une courte suspension entre dans le box un jeune garçon mince cheveux bouclé avec une moustache duveteuse et tee-shirt noir, apprenti carrossier. La présidente énumère les faits reprochés au jeune homme : "Vous êtes soupçonné de violences volontaires sur un fonctionnaire de la police nationale commis le 30 juin. Vous avez jeté à deux reprises un pied de chaise sur un véhicule de police et d’avoir donné un coup de pied à la tête d’un policier…Le 30 juin, vers 18 heures dans le 2e arrondissement de Marseille, les policiers interviennent sur un bus en feu. Face à une foule hostile, les policiers se retirent du lieu. Un scooter avec la plaque masquée se lance à la poursuite de la voiture de police, le conducteur jette sur le véhicule un pied de chaise et le plateau. Une course poursuite s’ensuit les fonctionnaires de police parviennent à vous interpeller non sans difficulté, vous êtes coincé dans une impasse, vous essayez d’escalader un mur, vous vous retournez et montez sur la voiture de police, les policiers sortent et vous donnez un coup de pied à la tête du fonctionnaire… Pourquoi ?"

L’apprenti carrossier tente de se défendre : "Ce soir-là, je faisais des livraisons pour le faire de l’argent de poche… de base, je devais rentrer chez moi, je ne sais pas ce qui s’est passé dans ma tête."

La présidente tente de pousser la discussion plus loin : "On aimerait comprendre. Vous roulez avec un scooter, avec une plaque dissimulée. Vous jetez des projectiles contre la vitre d’un véhicule de police. Expliquez-vous, c’est le jour pour le faire ?"

"J’ai fait ça, avec tout le monde, c’était l‘effet de groupe qui m’a tenté."

un mis en cause

lors des comparutions immédiates

 

L’avocate du policier blessé demande 1500 euros de réparation. La procureure de l’audience prend la parole : "A 18 ans, un premier passage à l’acte d’une gravité particulière, dans des circonstances particulières. Il est bien seul. On le voit sur les images de vidéo surveillance. Il essaie d’échapper aux policiers, il se débat, saute sur la voiture, il donne un coup de pied au visage d’un policier. Dans ce contexte particulier, on agit en toute impunité contre les policiers. Je demande une peine d’une sévérité et d’exemplarité. Dix huit mois de prison dont huit ferme et maintien en détention."

"Soit fort"

L'avocat du jeune apprenti plaide l’immaturité de son client qui reconnait les faits. Les juges ont reconnu la culpabilité de l’apprenti et l’ont condamné à douze mois de prison dont six ferme avec maintien en détention et devra verser 800 euros au policier dans un premier temps. Une audience civile, pour l’indemnisation, a été fixée plus tard.

Au moment où les policiers emmènent le jeune garçon vers les geôles du palais de justice, son père s’approche, lui montre le poing et dit : "Soit fort !" Selon le parquet de Marseille, deux autres audiences exceptionnelles en comparutions immédiates sont prévues mercredi 5 juillet.

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