"Les glacières ont remplacé les valises" : viande, produits d'hygiène, huile... face à l'inflation, des Marseillais font leurs courses en Espagne

Avec l'inflation, boucler le budget "courses" devient de plus en plus dur pour les ménages qui ont perdu beaucoup de pouvoir d'achat. Des familles entières sont prêtes à prendre le car très tôt le matin depuis Marseille et faire des heures de route direction la frontière espagnole pour traquer les petits prix.

Nassima, Stéphanie, Abdel ne se connaissent pas et pourtant, ils ont en commun un même but : faire leurs courses aux prix les plus bas. Retraités, familles nombreuses, étudiants, chacun a une bonne raison de vouloir boucler son budget au plus juste et garder ce qui reste pour la fin du mois. C'est pour cela qu'ils ont choisi de voyager en car, jusqu'à la frontière espagnole. Ces nouveaux voyages alimentaires ont remplacé les traditionnelles expéditions pour l'alcool et les cigarettes, détaxées.

Face à cet engouement, les compagnies de transports réfléchissent très sérieusement à augmenter les rotations pour cette destination. Ce dimanche 16 juin, France 3 a fait le voyage express en une journée Marseille-Le Perthus-Marseille. 

Un phénomène qui prend de l'ampleur

Marseille, 5h du matin. Le début d'un long trajet vers l'Espagne. 700 km aller/retour, les 78 places du car de la compagnie de transport locale ont trouvé preneurs. D'ailleurs, il faut réserver tôt son voyage, car devant le succès de ces voyages, le car affiche toujours complet." Depuis quelques mois, les bus classiques ont pris un étage, mais cela ne suffit pas, il y a des listes d'attente", confie Térence Vidal de la compagnie Azur Évasion. En effet, la compagnie a augmenté la capacité de transport de 57 à 78 places par car et pourtant , il y a parfois jusqu'à trois semaines d'attente, alors que la compagnie propose un trajet par semaine.

À 39 euros par personne, les places partent très vite lorsqu’elles sont mises en vente. Mais les habitués le savent et sont organisés. " Moi, je viens une à deux fois par mois", confie Stéphanie, une retraitée marseillaise.

"Franchement, c'est un plaisir, déjà ça me fait voyager, et puis en France, c'est hors de prix. Je vais mieux maintenant, car je réalise des économies", explique la dynamique retraitée, dont le mari est décédé. "Je n'ai que mes revenus, ça me permet de mieux vivre". 

"Les gens savent ce qu'ils viennent acheter et donc les courses sont rapidement faites, parfois en  une demi-heure tout est bouclé pour certains", explique Jean-Jacques le chauffeur de bus.

Les visages lui sont familiers, "ils viennent, une fois par mois, voire deux fois par mois, ce sont surtout des sodas, des produits ménagers, de la lessive", constate le chauffeur de bus. "C’est nouveau depuis quelque temps, avant les gens venait pour aller au resto et faire quelques courses, de l'alcool et des cigarettes surtout. À présent, ce sont des courses du quotidien".

Et parmi les produits du quotidien, c'est la viande qui arrive en tête des produits les plus achetés.

"C’est bien simple, on se dit que les glacières ont remplacé les valises dans les soutes du car", fait remarquer Terence Vidal.

Et le constat est le même chez Segura, basée à Arles, une autre compagnie de car de tourisme." C’est vrai que la viande est aujourd’hui ce qu’on ramène le plus. Mais aussi les produits cosmétiques ou ménagers", confirme Célia, employée de ce voyagiste.

Pour Jean-Jacques, le chauffeur, " Ça allait quand c'était l'hiver, les gens venaient avec les glacières vides et les remplissaient de viande et de pain de glace, mais avec l'été, j'ai bien peur que la chaîne du froid soit rompue" . 

Des économies de 50 à 70% 

De la viande, du pain de mie, de l’huile d'olive, de la lessive, les prix affichés sont beaucoup plus bas qu'en France, alors, les 39 euros du trajet sont vite rentabilisés selon les voyageurs.

Dans les rayons, d'une grande surface, à la Jonquera et au Perthus, sous retrouvons Abdel, ce père de deux enfants venu depuis Marseille en famille, avec ses belles-sœurs. Dès le premier magasin, la note affiche de belles réductions selon lui " là déjà, j'ai fait entre 40 et 60 euros d'économie, mais je vais aller dans d'autres magasins". Dans son chariot, trois bidons d'huile de cinq litres, mais aussi de l'huile d'olive," à 20 euros en France par exemple, et la même affichée dans ce magasin à 15 euros", détaille ce père de famille. Et la comparaison est faite sur tous les produits de son chariot de la même façon. Certains dans les rayons sont le téléphone à la main, en mode calculatrice, comme Jean-Claude " on regarde le prix au kilo, pour être sûr de faire la bonne affaire".

À regarder de plus près le panier de Stéphanie, il n'est pas énormément rempli, mais pour elle " oui je réalise de vraies économies, comme pour le riz, le chocolat, les biscuits, le fromage et puis la viande, elle est beaucoup moins chère et bien plus goûteuse, donc ça vaut le coup de venir", explique la retraitée d'origine espagnole, pour qui parler la langue est un plus.

Pour la vendeuse du service boucherie d'un des commerces du Perthus, Kadija, le phénomène se confirme, il y a plus de Français, " il y a toujours eu des Français qui venaient, soit sur la route des vacances, soit les frontaliers, et maintenant oui, il y a de plus en plus de Français, car ici c'est beaucoup moins cher en France". 

Abdel, nous explique qu'il va dépenser entre 500 et 1000 euros, et qu'il est déjà venu le mois dernier, pour un montant à peu près similaire, "et là, on va en avoir pour quatre à cinq mois".

Nassima, mère au foyer, elle, divise par deux son budget courses du mois :

"Ici j'en ai pour 200 euros. En France, j'en aurais pour 400 euros, donc le budget est tenu et on peut garder un peu d'argent". Dans les rayons, elle a acheté de la lessive, des produits ménagers, des produits d'hygiène, pour elle, ses enfants et le bébé. C’est déjà son deuxième voyage par ce biais."Je pourrais venir tous les jours si je pouvais, j'en ai entendu parler par les réseaux sociaux, et c'est mon mari qui m'a conseillé de venir, c'est tellement avantageux" . Avec sa cousine, qui l'accompagne et qui est étudiante, elles assurent vouloir revenir en août pour d'autres courses.

Avec Pierre Vaireaux / FTV

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