La justice a condamné deux propriétaires de logements insalubres à Marseille. Ils sont accusés d'avoir perçu les loyers d'appartements pourtant déclarés insalubres et soumis à un arrêté de mise en sécurité.
Le dossier du mal-logement à Marseille est immense. Rue d'Aubagne, effondrement d'immeubles, marchands de sommeil : les délogés sont nombreux, des habitants ont perdu la vie, d'autres vivent dans l'angoisse. Mercredi 17 janvier 2024, deux propriétaires d'appartements insalubres ont été condamnés par la justice à 18 mois de prison avec sursis et 10 000 euros d'amende pour perception indue de loyers et menaces afin d'évincer un locataire.
En 2021, l'immeuble du 38 rue du Bon Pasteur à Marseille a été frappé par deux arrêtés de mise en sécurité et un arrêté d'insalubrité, en moins de quatre mois. Le système électrique était anarchique et non sécurisé, il y avait des nuisibles dans les parties communes et les poutres de la charpente étaient dégradées. Le bâtiment a été évacué en septembre 2021, à la suite de deux incendies.
Lorsque de tels arrêtés sont publiés, les locataires n'ont plus obligation de payer leurs loyers et doivent d'être relogés. Or, deux propriétaires ont perçu des loyers et l'un d'entre eux aurait menacé un locataire.
Arrangements financiers
La première condamnée est une jeune médecin urgentiste, à l'époque en poste en Mayotte. Elle a perçu des loyers pendant quatre mois en dépit de l'arrêté de péril qui incombait à l'immeuble dans lequel elle avait acheté quatre appartements en 2017 pour un total de 150 000 euros.
"Je ne savais pas que je ne devais pas les percevoir", s'est défendue la propriétaire à l'audience du 3 novembre 2023. Elle avait attendu une décision de justice pour rembourser ses locataires, des réfugiés politiques, à qui elle avait proposé un arrangement financier pour qu'ils acceptent de résilier le bail, de sorte qu'elle n'ait plus l'obligation de les reloger.
Menaces de mort
Le deuxième propriétaire condamné est un "free-lance dans l'immobilier", indique l'AFP. Il a menacé et intimidé deux de ses locataires pour les déloger. Une mère de deux enfants, dont une fille handicapée, qui a indiqué au tribunal avoir vécu du harcèlement dès lors qu'elle avait cessé de payer son loyer. Et un homme qui a fui à Lyon par peur. Il rapporte avoir été menacé par deux hommes cagoulés en juin 2021, qui lui auraient exigé le versement de son loyer. Il déclare aussi que son propriétaire lui aurait dit : "je vais te tuer, je vais t'amener aux Goudes, je vais te jeter là-bas".
Le tribunal a dénoncé une "supériorité de la recherche du profit sur l'humain" et constaté que ces deux infractions "s'inscrivent dans un contexte marseillais où l'habitat insalubre atteint des quartiers entiers, permettant à des personnes d'acquérir des appartements à bas prix et d'en faire des rendements financiers attractifs", rapporte l'AFP.
À Marseille, 26% de la population vit avec des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. 40 000 logements sont indignes, d'après le rapport Nicol. Et 1 000 personnes vivent dans des bidonvilles d'après la Dihal.