Lundi 16 septembre, le gouvernement a mis en place un numéro vert pour lutter contre les habitats insalubres et les marchands de sommeil."Un coup de com", selon Zohra Boukenouche, membre du Collectif du 5 novembre. Les plus démunis risquent de ne pas téléphoner, de peur de se retrouver à la rue.
Depuis le lundi 16 septembre, il existe un numéro vert pour lutter contre les habitats insalubres et les "marchands de sommeil": le 0 806 706 806.
Mise en place par le gouvernement sous l'impulsion de Julien Denormandie, ministre du Logement, cette mesure vise à combattre les propriétaires qui exploitent la détresse de personnes fragilisées, avec très peu de revenus, ou en situation illégale.
Un "coup de com" après le drame de la rue d'Aubagne, un numéro "inutile", se désole Zohra Boukenouche, membre du Collectif du 5 novembre.?Ce matin j’annonce la création d’une plateforme d’accompagnement pour tous les locataires victimes de marchands de sommeil, d’un propriétaire peu scrupuleux et pour tous les locataires qui ont un doute sur la salubrité de leur logement.
— Julien Denormandie (@J_Denormandie) September 16, 2019
L’état vous accompagne ? @BFMTV pic.twitter.com/eS16IZ2Wvh
"Un numéro vert c’est bien, mais à quoi sert-il si derrière il n’y a pas tout un dispositif d’accompagnement avec des moyens financiers et humains ?"
Au bout du fil, des membres de l'Agence départementale d'information sur le logement (Adil) sont là pour conseiller les locataires ou les propriétaires.
"On les connaît déjà ces conseils, assure Zohra Boukenouche. Les personnes sont suivies par des associations qui travaillent sur le logement insalubre, elles ont déjà ces informations-là. Elles ont fait les démarches, elles ont fait des signalements à la mairie, à la préfecture, aux services d’hygiène."
Le problème ne serait donc pas le signalement, mais le relogement. Très long, et compliqué : "La mairie n’a pas construit assez de logements sociaux", complète Zohra Boukenouche.
Les personnes en logements insalubres seraient donc freinées au lieu d'être encouragées : "Elles se disent : 'Si je signale, je risque de me retrouver à la rue'", et donc elle n'appeleront pas."
"Les personnes très pauvres ne vont pas se mettre en danger en dénonçant leur marchand de sommeil, puis galérer pendant des mois dans des hôtels…"
Le jackpot des "cafistes"
Les marchands de sommeil qui investissent dans ces logements insalubres s'enrichissent grâce aux allocations des locataires, qu'ils récupèrent directement, a révèlé une enquête réalisée par La Marseillaise en avril 2019.Les agents immobiliers jouent un grand rôle dans ce business, et séduisent les marchands de sommeil en évoquant la très grande rentabilité de ces appartements insalubres proposés à la vente à des prix très réduits (25.000 à 35.000 euros).
"Il y a quelque chose d’incohérent, de schizophrène, martèle Zohra Boukenouche. Les propriétaires ne se rendent pas compte que leur patrimoine perd de la valeur. C’est étonnant. Quand on a un bien, on essaie de le maintenir pour qu’il garde sa valeur. Même pour les marchands de sommeil. Sinon, c’est détériorer son bien soi-même."
Marseille, capitale du mal-logement ?
Plus qu'un numéro de téléphone, le Collectif du 5 novembre attend des accompagnements, pour apprendre par exemple les gestes d’entretien, pour pouvoir s’approprier leur logement et que le propriétaire, de son côté, s’engage à entretenir son bien. "Ce seraient des solutions plus pérennes".A Marseille, la situation est particulièrement alarmante. Depuis l'effondrement des immeubles de la rue d'Aubagne le 5 novembre 2018, la situation n'a guère évolué.
"Ca continue comme si de rien n’était, se désole Zohra Boukenouche. Il y a des dispositifs qui existent, mais c’est une volonté politique de laisser pourrir les choses."
"C’est comme si Marseille était une ville du tiers-monde en voie de développement. On est dans des travaux de partout mais des travaux d’apparence pas des travaux sérieux pour mettre fin aux marchands de sommeil."
Selon les chiffres de la Fondation Abbé Pierre, il y aurait 600.000 logements tenus par des marchands de sommeil en France. A Marseille, plus de 40.000 habitats sont considérés comme "indignes".
Selon ce même rapport, l’immense majorité de ces logements (31.500) sont "habités par des locataires qui n’ont pas les moyens de vivre ailleurs et paient des loyers démesurés par rapport à la qualité du logement qu’ils occupent".
Le Taudis-Poly, jeu sur le mal logement à Marseille
Pour sensibiliser les habitants de la cité phocéenne, l'association Didac'Ressources a créé un monopoly un peu particulier : le Taudis-poly. Pensé par Fathi Bouaroua, spécialiste dans le domaine du logement et militant Emmaüs, cette version cynique du célèbre jeu de société a pour but de sensibiliser à cette question du mal logement.L'idée lui est venue à la suite d'une phrase prononcée par une femme membre du Collectif du 5 novembre, criant sa colère en décembre 2018 devant la mairie de Marseille : "Il va falloir qu'ils arrêtent de jouer avec nos vies au Monopoly".
Bidonville, HLM insalubre, co-propriété dégradée, hôtel meublé... Tous les cas de logements indignes sont présents sur le plateau du jeu afin de donner les clés pour comprendre et lutter contre les abus des marchands de sommeil.