A Marseille, un centre de vacances accueille des SDF. Depuis le 4 mai, 150 personnes sont hébergées et soignées dans ce complexe trois étoiles. Une mise à l’abri des plus précaires en pleine crise sanitaire. Le projet est porté par trois associations marseillaises.
Des éclats de rire résonnent. Des enfants font du vélo. Un peu plus loin dans le jardin des parents discutent. Un jeune homme assis sur une chaise fume en écoutant de la musique.
Depuis le 4 mai 2020, cent cinquante personnes sont hébergées au Village Club du Soleil. Un complexe hôtelier trois étoiles à Marseille. Une parenthèse enchantée pour ce public précaire.
Certains vivent dans la rue, d’autres dans des squats.Ils ont été mis à l’abri pendant le confinement. Maladies chroniques, troubles psychologiques, addictions, beaucoup ont une santé fragile.
Mikaël vit dans la rue depuis douze ans. Sa démarche est hésitante. Il tape à la porte chambre 145. Le jeune homme a rendez-vous pour un dépistage du VIH.
Dans la chambre improvisée en cabinet médical, il est accueilli par Jihane El Meddeb. Elle est chargée de projet pour l’association Nouvelle Aube.
Je me shoote à la cocaïne. Je ne veux pas contaminer mes proches.
L’association accompagne les SDF dans leur parcours de soin. "Tu sais comment ça va se passer ?", demande Jihane.
"Oui, je fais le test tous les trois mois", répond timidement Mikaël. Le prélèvement ne dure que quelques secondes. Le résultat est rapide.
" Je me shoote à la cocaïne. C’est important pour moi de faire le dépistage. Je ne veux pas contaminer mes proches. J'ai des addictions", explique Mikaël.
"Je suis tombé dans la drogue lorsque j’ai perdu mon travail de chef cuisinier. Après, j'ai perdu mon appartement. Tout s’est enchainé". Mikaël s’arrête brusquement. Mal à l’aise, il quitte la pièce, sans un regard.
Jihane travaille depuis 2010 au contact des SDF. "Nous, qui ne sommes pas des soignants au départ avec une formation et une habilitation de l’ARS, on peut pratiquer ces tests. C’est très important. On peut dépister plus de personnes qui n’iraient pas forcément dans un système de santé plus classique".
Ici, on s’occupe du bien-être des enfants.
Face à l’urgence sanitaire, la jeune femme a monté une équipe médicale sur le site. Elle a été aidée par Just et Yes we Camp, deux associations marseillaises. Depuis quelques semaines, quatre soignants interviennent dans le centre d’hébergement.
Sophia Bellulo est pédiatre. Deux fois par semaine, elle vient réaliser des consultations. Les rendez-vous s’enchaînent toute l’après-midi. La petite Inès 17 mois est auscultée. Elle est ensuite pesée et mesurée.
Sarah, la maman d’Inès a dû fuir en urgence son domicile pendant le confinement. La jeune femme était victime de violences conjugales. "C’est génial. Ici, on s’occupe du bien-être des enfants. Je ne sais pas où je serai dans quelques semaines. Je préfère que ma fille soit vaccinée. Comme ça c’est fait. "
On a souvent recours au système D
C’est au tour de cette famille d’Europe de l’Est d’être prise en charge par la pédiatre. Les parents et leurs quatre enfants vivent en France depuis quatre mois. Ils viennent de Serbie. Les enfants âgés de 6 à 11 ans n’ont pas de carnet de santé. Ils ne parlent pas français.
Pour tenter de se faire comprendre, la pédiatre fait des grands gestes. Elle articule, appuie sur certains mots. Elle finit par prendre son téléphone. L'application de traduction du portable servira d'interprète.
"C’est pas toujours facile d’instaurer un dialogue. On a souvent recours au système D. On travaille dans des conditions pas très confortables. J’essaie de proposer un bilan complet de l’enfant en fonction de son âge", explique Sophia Bellulo.
"Si la personne a des droits, je peux lui proposer des vaccins. Je peux lui donner aussi un carnet de santé français. Je tente d’expliquer aux parents le parcours de soin de l’enfant. Je leur explique aussi comment le surveiller sur le plan médical", précise la pédiatre.
En période post-confinement, c’est une course contre la montre pour les associations.
"On souhaite que l’Etat prenne le relais. On souhaite qu’il nous aide à trouver un logement plus pérenne pour ces personnes précaires", insiste Jihane, chargée de projet de l’association Nouvelle Aube.
"C’est un enjeu de santé publique. Un logement, c’est souvent la clé de tout pour se sentir mieux et prendre soin de sa santé".
A Marseille, plus de 14 000 personnes vivent dans la rue et peinent souvent à avoir un accès aux soins.