Coronavirus : des clusters familiaux dans les quartiers Nord de Marseille, des médecins lancent l'alerte

Trois familles dans une même tour ont toutes été contaminées par le Covid-19. Des médecins lancent l'alerte pour protéger les populations, à une semaine seulement du début du déconfinement.

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"Des clusters familiaux dans les quartiers nord !". Ce cri d’alerte a été lancé lundi par le Dr. Annie Levi-Mozziconacci, médecin à l'Hôpital Nord et conseillère municipale d'opposition.

"Aujourd’hui, ce sont des foyers familiaux, demain ce seront des immeubles entiers qui seront touchés", s'alarme-t-elle.

Alors que le nombre de cas baisse quotidiennement et que se profile la date du déconfinement, cette annonce de nouveaux clusters fait frémir dans ces quartiers défavorisés de Marseille.

C'est en faisant un croisement de leurs fichiers avec ceux de l'IHU Méditerranée Infection, que ces médecins des quartiers Nord ont découvert des cas de contamination familiale, et dans la foulée, les clusters.

"Trois familles habitant dans la même tour sont touchées", explique le Dr. Slim Hadiji. "Il s'agit d'une famille de six personnes au rez-de-chaussée, dont seul le plus petit âgé de 10 ans ne présente pas de symptômes. Les deux autres familles de quatre et cinq personnes habitent dans les étages sur le même palier. Toutes sont malades".

Ces familles se sont-elles contaminées ? A cette question, le médecin répond : "Elles ont pu se contaminer en tant que voisins de palier, ou par les ascenseurs". Aussi, les médecins réclament des mesures d'urgence pour stopper les risques de contamination. "Notre volonté est d’organiser un parcours de soins pour les habitants malades, et protéger les autres", indique le Dr Lévi-Mozziconacci.

"Il faut identifier les malades et les personnes contact. On a besoin dans certains cas, de confiner les sujets dans d'autres lieux car leurs appartements sont trop petits. Il faut casser la chaîne de transmission".

NordCovid, l'opération de dépistage massif

Le déferlement de la maladie du Covid-19 en mars dernier a rapidement interrogé les services médicaux et sociaux qui oeuvrent dans les quartiers défavorisés de Marseille.

Les cités abritent une population dense, demeurant dans des apartement souvent exigus. Qu'allait-il advenir de ces familles au contact de l'un des virus les plus contagieux du monde ?

Dès le 17 avril, un projet de dépistage massif voit alors le jour : NordCovid, en référence aux quartiers Nord.

Il associe l'hôpital Nord de l'AP-HM, la maison médicale de Malpassé, le Château en santé du Parc Kallisté, les médecins et soignants des quartiers Nord. L'association Médecins Sans Frontières (MSF) coordonne l'ensemble.

" Nous avons mis notre expérience des crises humanitaires au profit de la situation", explique Aloys Vimard, coordinateur du projet pour MSF.

"Nous avons l’habitude de mettre en place des dispositifs de réduction des risques et de prise en charge des masses. Nous servons de support et de facilitateur à ce projet".

3% de cas positifs ces derniers jours

Deux tentes sont alors adossées au Château en santé du Parc Kalliste et à la maison médicale de Malpassé, pour organiser le dépistage massif des cas symptomatiques.

Chaque jour, plus de cinquante personnes viennent se faire tester. Les analyses sont envoyées au laboratoire de biologie de l'Hôpital Nord, où sont hospitalisés les cas les plus graves. Au tout début, le nombre de cas positifs était élevé et a fait craindre une situation dramatique.

Mais très vite, le chiffre s'est stabilisé. Jusqu'à atteindre aujourd'hui une moyenne tout à fait normale de 5%, identique à celles de Marseille et des Bouches-du-Rhône.

Ces 15 derniers jours, la situation s'est encore améliorée. "Sur les derniers 300 tests effectués, nous n'avons eu que 3% de cas positifs", précise Aloys Vimard.

"Beaucoup ne sortent même pas une heure par jour"

Que s'est-il passé ? Le confinement est sans doute la réponse. "Le confinement a été extrêmement bien respecté dans les quartiers nord, poursuit Aloys Vimard. Je suis impressionné".

"Ce week-end, on a fait du porte à porte pour nous assurer que l’information sur le dépistage, passait bien. Nous étions deux équipes. Chacune d’elles frappaient à la porte d’une famille", précise le coordinateur MSF.


"Lorsque les gens ouvraient en même temps, c’était frappant de les voir heureux de revoir leurs voisins de paliers. On avait l'impression qu'ils se redécouvraient. Beaucoup ne sortent même pas une heure par jour.
Nous avons constaté énormément de souffrance psychologique due au confinement".


Malgré tout, les clusters familiaux prouvent que le virus continue à circuler. Et la date du déconfinement approche.

"Là nous sommes dans une situation d'urgence: j'ai envoyé une lettre à la préfète à l'égalité des chances le 20 avril, nous sommes début mai et nous n'avons pu mettre personne à l'abri, déplore le docteur Levy-Mozziconacci. On attend du gouvernement une note et un budget".

La préfecture a donné une réponse par voie de communiqué, précisant "une volonté d'accompagner la démarche d'isolement des personnes malades (...) mais nous attendons des instructions nationales sur la mise en œuvre et la prise en charge de tels dispositifs pour pouvoir donner une réponse favorable définitive en termes d'orientation de ces publics".
Alors que MSF et la conseillère municipale affirment avoir fait une demande d'isolement pour trois personnes dans un centre dédié, l'Agence Régionale de Santé répond n'avoir été sollicitée que pour une seule.

"Nous avons proposé une solution pour le centre d’hébergement de la rue Estelle, mais la personne a préféré s’isoler chez un proche", explique Philippe De Mester, le directeur général de l'ARS Paca. 

"Quant aux deux autres demandes, il y avait une jeune fille mineure. Cela ne dépend pas de nous, mais du service social à l'enfance du Conseil départemental".


L'Agence Régionale de Santé accompagne le projet NordCovid depuis le début. Son directeur se dit "prêt à aider même financièrement. Nous sommes favorables à un projet permettant de détecter les cas précoces. Mais pour l'instant, je n'ai pas encore reçu de dossier".

Anoys Vimard, le représentant de MSF regrette "les lourdeurs administratives entre l’ARS, les services de cohésion sociale, le Conseil départemental… Tout le monde est de bonne intention, mais la mise en route est longue. Il s'agit pourtant d'une situation d'urgence !"
 
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