Le propriétaire de trois appartements situés dans un immeuble sous arrêté de péril à Marseille, mais loués sur Airbnb, a été mis en examen pour mise en danger de la vie d'autrui et placé sous contrôle judiciaire, a-t-on appris mercredi auprès du parquet.
Il en fallait bien plus pour empêcher un propriétaire de louer ses trois appartements. L'immeuble, situé rue Molière à Marseille, à quelques encablures du Vieux-Port, est sous arrêté de péril depuis le 28 avril 2017.
L'arrêté avait été notifié aux propriétaires le 3 mai. Mais depuis cette date, le propriétaire de trois appartements continuait pourtant à les louer à des touristes de passage, via la plateforme Airbnb, a précisé le procureur de la République de Marseille, Xavier Tarabeux.
Mercredi, une information judiciaire a été ouverte pour "mise en danger de la vie d'autrui et non-respect d'une interdiction d'habiter et d'utiliser des locaux". L'enquête a été confiée à la Sûreté départementale.
Le propriétaire, âgé d'une soixantaine d'années, a été présenté à un juge d'instruction. Le parquet avait requis son placement en détention provisoire mais seul un contrôle judiciaire a finalement été décidé, moyennant une caution de 20.000 euros.
"Nous appliquons une tolérance zéro pour ce type de comportement, a réagi jeudi Airbnb France dans un communiqué. "Dès que nous avons pris connaissance de ces faits voilà plusieurs semaines, nous avons supprimé l'hôte et ses logements de la plateforme."
La plateforme de location en ligne indique avoir lancé "la vérification immédiate des sept millions de logements disponibles". Airbnb estime que toutes ses annonces auront été vérifiées d’ici le 15 décembre 2020.
Un exemple parmi combien d'autres
Un autre dossier du même type avait été ouvert par la justice marseillaise mi-novembre. Le copropriétaire d'un autre immeuble sous arrêté de péril, rue d'Anvers, dans le 13e arrondissement, a en revanche été placé en détention provisoire.Lui aussi passait par des plateformes de location provisoire pour deux appartements qu'il y possédait.
Depuis le drame de la rue d'Aubagne et la mort de huit personnes dans l'écroulement de deux immeubles, le 5 novembre 2018, plus de 330 arrêtés de péril grave et imminent ont été pris par la Ville de Marseille et 3.200 personnes évacuées de quelque 370 immeubles.
Le drame de la rue d'Aubagne avait mis en lumière le phénomène du logement indigne et insalubre à Marseille, où 100.000 personnes vivent dans des "taudis", selon la Fondation Abbé Pierre.
Logement à Marseille, une "crise humanitaire"
Le rapport annuel du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées*, publié le 21 novembre, dénonce en matière de mal-logement une "continuité de défaillances systémiques des dispositifs et des acteurs publics"."D'une crise du logement, la situation aujourd'hui à Marseille s'apparente à une véritable crise humanitaire", ajoutent les rapporteurs, rappelant que 40.000 logements indignes ont été recensés à Marseille dès 2015.
Au-delà du drame de la rue d'Aubagne, les rapporteurs se penchent notamment sur le logement social, partant du constat que l'accès au logement privé est "de plus en plus sélectif", notamment à cause du développement des locations touristiques.
Un total de 77.477 demandes de HLM sont en souffrance dans la métropole Aix-Marseille-Provence, selon le rapport.
*Le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées est un organisme rattaché à Matignon et présidé par Marie-Arlette Carlotti, par ailleurs élue d'opposition (PS) à la mairie de Marseille.