Des nuages de poussière et de l'amiante près d'une école à Marseille, ça tousse pour la rentrée

Un chantier de démolition dans le 3e arrondissement de Marseille dégage une épaisse poussière, qui vient se déposer dans la cour d'une école élémentaire voisine. Problème, le diagnostic a relevé la présence d’amiante. De quoi inquiéter les parents d'élèves, à une semaine du déconfinement.

A grands coups de pelleteuse, les engins grignottent des pans entiers de ces vieux immeubles situés rue Guichard dans le 3ème arrondissement de Marseille. Neuf immeubles au total doivent être démolis pour un projet de construction de logements sociaux.

Le mardi 28 avril, jour de fort vent, un grand nuage de poussière se dégage du chantier. Les travaux ont débuté la veille, avec dix mois de retard. Ils devaient démarrer en juillet 2019, pendant les vacances scolaires.

Jéremy Enaut, parent d'élève, habite à quelques mètres de là, il a filmé ce jour-là les travaux : "Tout le quartier est inondé de poussière, c’est effrayant", témoigne-t-il, dans une vidéo postée sur Facebook.

La poussière, ce n'est pas tant le problème que l'amiante qu'elle contient. Selon un diagnostic, ces immeubles en contiennent, de l’aveu même de la Soleam, la société d'aménagement marseillaise en charge du projet. 

"Lors des dernières réunions avec la Soleam, on nous avait dit que toutes les précautions seraient prises… Là, il y a bien une grue qui projette de l’eau, mais tout part en direction de l’école !" explique Jéremy Enaut. "Les grilles sont recouvertes de poussière, il y en a dans la cour, partout…"
 

On a le choix entre la peste et le choléra : le covid et le cancer !

Les deux enfants de Jérémy, ainsi que sa petite fille, sont scolarisés à l’école Félix Pyat. Le groupe scolaire est situé à peine à une quinzaine de mètres du chantier.

Pour ce papa, "hors de question de mettre mes enfants à l’école le 11 mai. Entre le manque de protection du Covid, et les risques liés à l’amiante ! On a le choix entre la peste et le choléra : le covid et le cancer."

Selon lui, la majorité des parents d’élèves refuse également que leurs enfants reprennent le chemin de l’école.

"Il y a eu exactement le même problème l'année dernière au collège Versailles. Dans le 3ème arrondissement, on se sent complètement délaissés" se désole Jérémy Enaut.

Droit de retrait des enseignants

Les enseignants du groupe scolaire Félix Pyat sont tout aussi inquiets. Eux qui doivent faire face à une reprise des cours sur fond d’urgence sanitaire liée au coronavirus. Il n'en fallait pas plus pour les mobiliser.
Pierre Sallard, syndiqué SNUIPP, est l’un d’entre eux. Il explique que l’équipe pédagogique s’est réunie à deux reprises, et qu’ils feront valoir leur droit de retrait :

"Nous avons saisi le CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité et des xonditions de travail) et prévenu les agents municipaux, qui doivent dès lundi effectuer le ménage dans l’école, pour préparer la rentrée. Eux aussi doivent prendre leurs précautions."

Dans ces conditions, l’enseignant confirme que "personne ne voudra rentrer dans les locaux le 11 mai, en plus des risques liés au covid."

Il n’y a pas plus d’amiante ici qu’ailleurs

Contacté par téléphone, Gérard Chenoz, le président de la Soleam se veut rassurant. Il admet que des fibres d'amiante ont bien été diagnostiquées dans les immeubles, "mais en très faible quantité, moins de 1%".
Mais selon l'aménageur foncier, "les poussières issues du chantier ne sont pas nécessairement chargées d’amiante."

Gérard Chenoz reconnaît que l’inquiétude des parents est compréhensible. "Toutes les précautions sont prises" par l’entreprise chargée de la démolition, assure-t-il. "On enlève les gravas au fur et à mesure, et on essaie d’avancer au maximum avant la reprise du 11 mai."
Cependant, le chantier de démolition doit durer "un mois et demi à deux mois", précise Gérard Chenoz, soit exactement le temps scolaire restant…

La maire des 2ème et 3ème arrondissements de Marseille, Lisette Narducci, a écrit au président de la Soleam, pour qu'il "respecte ses engagements", à savoir effectuer les travaux hors temps scolaire. Elle demande "une suspension de la démolition jusqu'à l'été, et la mise en place d'un calendrier précis."

Pour Gérard Chenoz, à l'inverse, "il faut avancer, car le confinement a bloqué les entreprises". Et d’ajouter "qu’il n’y a pas plus d’amiante ici qu’ailleurs. On en trouve même parfois dans les écoles !"

Un triste constat que partage l’AVALE 13, l’"Association des victimes de l’amiante dans les locaux de l’Education". Selon elle, 85% des établissements scolaires en France, seraient amiantés.

L'association a été sollicitée par les enseignants de l’école Félix Pyat. A la vue des vidéos du chantier, sa présidente est sans appel : "C’est ahurissant ! inimaginable !"

Nathalie Laclau a immédiatement saisi le service juridique de l’association : "C’est scandaleux ces manières de faire ! Ici on fait tout à l’envers !" . Selon la présidente de l'AVALE 13, le chantier est effectué "en dépis du bon sens, contre toute obligation légale." 

"Avant de démolir, il faut identifier les parties contenant de l’amiante, les isoler, les évacuer. Et ensuite vient le temps de la destruction", explique-t-elle.

"Sur les photos du chantier de Félix Pyat, on voit bien les bennes, identifiées comme pouvant contenir de l’amiante. Ce ne sont pas des déchets ordinaires !"

Mais selon le président de la Soleam, les immeubles de la rue Guichard, en situation de péril, étaient "trop dangereux pour procéder à l'évacuation d'éléments amiantés".

Un bilan humain considérable pour les maladies de l'amiante

Depuis le 1er janvier 1997, l’amiante est interdite dans toute construction. Depuis cette date, l’amiante est réglementée par le Code de Santé Publique, le Code de l’Environnement ainsi que le Code du Travail, pour protéger travailleurs et usagers. 

L'inhalation de poussières d'amiante peut provoquer de graves pathologies pulmonaires, comme le cancer du poumon.

Malgré l'interdiction de l'amiante, il en reste encore beaucoup dans les bâtiments anciens, notamment dans les toitures, ou les planchers. Il faudra des dizaines d’années pour venir à bout de ce matériau.

En France, 35.000 personnes sont mortes d'une maladie de l'amiante entre 1965 et 1995, et entre 50.000 et 100.000 décès sont encore attendus d'ici 2025 (source Sénat).
 
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