En quatre semaines de confinement, le collectif marseillais, Massalia Couches System, a déjà fourni 1400 colis bébés aux familles les plus démunies de la ville. Au fil des jours, les besoins sont intarrissables. Le collectif en appelle à la responsabilité des pouvoirs publics.
C'est une véritable plateforme logistique, installée boulevard de la Liberté, dans le 1er arrondissement de Marseille. Ici, une poignée de bénévoles constitue des colis par centaines.
Comme son nom l'indique, le collectif Massalia Couches System (MCS) vient en aide aux plus petits, en fournissant notamment des couches et du lait infantile.
Car depuis le début du confinement, l'urgence alimentaire et sanitaire s'est vite faite sentir, dans une ville où 25% de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Plus de 2000 bébés dans le besoin
Et les produits infantiles sont très vite remontés dans la liste des besoins urgents des familles. Grâce à l'impulsion d'Emmaüs et d'Aouf, une plateforme d'entraide locale, créée à la suite des effondrements de la rue d'Aubagne, Massilia Couches System, s'est constituée il y a environ quatre semaines.Depuis, le MCS a aidé plus de 1500 familles, soit 1800 bébés. Certains ont quelques jours à peine, d'autres ont déjà trois ans.
"Un paquet de couches coûte 6 euros, 16 pour les grands formats. Alors les familles qui n'ont plus de rentrées financières avec le confinement, et qui ont des bébés à la maison, ne peuvent plus faire face" explique Fathi Bouaroua, co-président de la communauté Emmaüs Pointe Rouge.
"Et la liste ne fait que s'allonger au fil des jours. Aujourd'hui, on a identifié plus de 2000 bébés. Ce n'est qu'un cinquième des besoins de la ville" constate Grégory Colpart. C'est l'un des bénévoles d'Aouf et de MCS.
Des colis personnalisés, pour tenir deux semaines
Sur chaque colis, le nom d'un enfant et un petit coeur dessiné, pour apporter un peu de douceur.A l'intérieur, des couches, du lait infantile, des lingettes pour la toilette, mais aussi des petits pots pour l'alimentation solide des bambins, et des protections hygiéniques pour la maman.
Et c'est une quarantaine de bénévoles, qui se relaient quatre jours par semaine pour faire tourner cette plateforme : les familles sont identifiées par les collectifs d'habitants, très actifs un peu partout dans la ville. Des bénévoles organisent des collectes dans les supermarchés, une cagnotte en ligne a également été ouverte.
Elle permet d'acheminer des couches d'un fournisseur breton, et du lait infantile d'une entreprise de Manosque. Les deux fournisseurs ont accepté de baisser leur tarif pour le collectif.
"Hier, nous avons passé commande de 330 boîtes de lait 1er, 2ème et 3ème âge. Cela fait plus de 3000 euros" explique Grégory Colpart. "Sans cette générosité, ce ne serait pas possible" ajoute-t-il.
Les colis sont constitués boulevard de La Liberté et la distribution dans les différents quartiers de la ville est assurée par les collectifs d'habitants (Maison-Blanche, Frais Vallon, Castellane, MacDo de St Barthelemy...)Jour 15 pour le Massalia Couches System : on reçoit + trie + prépare + livre : record de 150 colis bébé hier ! pour Grand Canet, CHO3, Kallisté, Bourrely, La Castellane, le Marché Rouge etc. ? et sortie de notre site web : https://t.co/0S9zYSmpyy #Merci #Marseille #COVID19 pic.twitter.com/CIayA2gTZU
— aouf (@aouf_asso) April 29, 2020
En bref, une petite organisation bien rôdée, qui fonctionne grâce à l'énergie de tous ces bénévoles.
Une lettre ouverte aux pouvoirs publics
C'est pourquoi le Massalia Couches System, a décidé d'interpeler les pouvoirs publics."Depuis le début, nous n'avons pas été aidés, nous n'avons rien reçu des institutions" explique Gregory Colpart. Par contre, nous sommes régulièrement contactés par les Maisons Départementales de la Solidarité, ou les hôpitaux de l'AP-HM, qui nous adressent des mamans dans le besoin."
Nous n’avons reçu aucune aide de la part des collectivités locales. Notre réseau d’entraide est devenu la béquille d’institutions publiques absentes et aveugles
dénonce une lettre ouverte aux collectivités.
"Ce n’est pas à nous d’assumer la Protection Maternelle et Infantile (PMI)" explique Gregory Colpart. "On a vu des situations de détresse et avec nos petits bras, on s'est juste auto-organisés. Aux collectivités de prendre leurs responsabilités".
120.000 euros en chèques d'accompagnements, distribués par les Maisons des Solidarités
Suite à notre demande d'interview, le Département des Bouches-du-Rhône indique que les Maisons des Solidarités peuvent remettre "sur évaluation sociale, des chèques d'accompagnements personnalisés", permettant aux familles d'acheter des produits alimentaires, mais aussi des produits de puériculture.
La collectivité indique que depuis le confinement, ces chèques ont été remis "à plus de 1.500 foyers, et représentent un montant de 120.000 euros".
Le Département ajoute également que "le partenariat avec les associations des Bouches-du-Rhône fonctionne toute l'année", à travers notamment des "subventions versées aux associations". D'après la collectivité, l'aide sociale globale versée cette année s'élève à 550 millions d'euros.
Le 11 mai, date probable du déconfinement, la question se pose de la continuité de l'action de Massalia Couches System :
"les besoins étaient là avant le confinement, ils ont augmenté pendant, et ils seront toujours importants après".
Mais Grégory Colpart n'a de cesse de le répéter : "Massalia Couches System n'est pas un service public".
Emmaüs estime qu'il faudrait encore 60.000 paquets de couches d'ici le 11 mai, pour aider les familles marseillaises dans la précarité.