Mardi 17 septembre, quatre ministres sont venus à Marseille pour dévoiler le nouveau plan national anti-drogue. La mesure phare? Le décloisonnement des informations et des renseignements entre les différents services de police et de justice, via la création d'un nouvel office spécial, l'Ofast.
La visite ministérielle a commencé dans la cité Campagne Lévêque dans le 15e arrondissement de Marseille avec les élus locaux.
Pourquoi cette cité en particulier ?
Le préfet de police des Bouches-du-Rhône, Olivier de Mazières, a indiqué qu'"elle faisait partie des dix cités où la présence policière est la plus soutenue depuis le 1er janvier 2019. Des renforts policiers sont arrivés depuis 2012 et les CRS ont passé 132 jours dans cette cité depuis cette date."Campagne Lévêque est représentative de ces cités marseillaises construites en 1960. 3 200 personnes y vivent dans 805 logements. C'est "l'une des cités à Marseille les plus fortement impactées par le trafic de drogue," a souligné le préfet de police.
Le 11 juillet 2018, des hommes armés et cagoulés, en mode commando, s'étaient introduits dans la cité et avaient dégradé des centres sociaux et des locaux commerciaux.
Cette "descente" faisait suite à une opération policière menée la veille. Preuve d'une tension constante dans ces quartiers.
Marseille, ville expérimentale ?
Lors de cette visite, la sénatrice des Bouches-du-Rhône, Samia Ghali, en a profité pour soulever la question des budgets alloués dans ces quartiers paupérisés."Moi, j'en appelle à toutes les collectivités aussi, qui pour certaines ont retiré leurs aides aux centres sociaux. Car, chaque fois que l'on retire une aide à ces centres, on aide au développement de la délinquance dans ces quartiers," a déclaré la sénatrice.
Christophe Castaner a indiqué que Marseille avait servi d'exemple pour établir ce plan national, après une expérimentation menée depuis des années.
"Marseille qui nous accueille est confrontée à des difficultées réelles et est confrontée également à des dynamiques, des intelligences de territoires, des gens, des hommes et des femmes totalement engagés et qui apportent des réponses," a-t-il expliqué.
"C 'est notamment à partir d'un travail d'expérimentation en profondeur qui a été fait dans la lutte contre la drogue ici à Marseille que nous avons développé un plan national que nous présentons aujourd'hui."
Sur quoi repose ce plan anti-drogue?
Dans l'expérimentation menée à Marseille, le décloisonnement des informations de terrains entre les différents services (douane, police, gendarmerie, etc.) aurait montré ses effets positifs dans la lutte anti-drogue.C'est ce constat-là notamment qui a servi de base à l'élaboration du plan annoncé ce mardi.
Les habitants de ces quartiers semblent résignés. Pour eux, aucun plan ne parviendra à stopper ce trafic. "La solution ? Elle est où ? Aux acteurs de terrains, mais ces acteurs de terrains, on ne leur donne plus de moyens pour travailler," explique un ouvrier dans le bâtiment.
Des jeunes dans une voiture semblent encore plus pessimistes : "La drogue est inarrêtable maintenant qu'elle est autant installée. Et elle achète une certaine paix sociale. Et puis si la drogue est légalisée, un autre trafic prendra sa place, c'est comme ça, c'est triste, mais cela a nourri des familles depuis des générations".
Une mère de famille déplore : "Ces quartiers manquent de transports, de travail, d'équipements sportifs, de bibliothèques, nous sommes abandonnés ici."
Une représentante des habitants de Campagne-Lévêque s'est entretenue avec Christophe Castaner et l'a interpellé aussi sur l'état du bâti: "L'état est déplorable et c'est une des premières sources d'insécurité."
Le ministre de l'Intérieur, l'a mise en relation directe avec le président du bailleur social 13 Habitat. Ces visites servent aussi à cela.
55 mesures dans le plan anti-stupéfiants
Une des mesures phare, c'est la création de l'"Ofast" en lieu et place de l'Office central pour la répression du trafic illégal de stupéfiants (Ocrtis) qui datait de 1953 et devait s'adapter aux nouvelles technologies et méthodes, a annoncé le ministre de l'intérieur.La nouveauté, c'est la mutualisation totale des moyens. Police, gendarmerie, douane et magistrats feront partie de l'Ofast. 150 enquêteurs y seront dédiés et cet office aura une place dans la coopération internationale. Elle disposera de 16 antennes métropolitaines.
"C'est un sujet de confiance entre les quatre différents ministères représentés aujourd'hui à Marseille". Christophe Castaner souhaite que l'Ofast soit pleinement opérationnel au 1er janvier 2020.
"La France ne sera pas leur terrain de jeu."
C'est le message que sont venus proclamer les ministres lors de cette visite à Marseille.
Améliorer la collecte et le partage des renseignements, Marseille fait figure d'exemple dans ce domaine.
"Ici, il y a quatre ans a été créée la première cellule de renseignements opérationnels contre les stupéfiants, la CROS, Laurent Nunez était alors au cœur de cette initiative", a martelé le ministre de l'Intérieur.
"L'idée était simple et pourtant très inhabituelle, dans la lutte contre les drogues, mettre tous les acteurs autour d'une table pour qu'ils partagent les informations dont ils disposent."
Selon le ministre de l'Intérieur, les résultats étaient au rendez-vous. Le nombre de trafiquants écroués aurait augmenté de 15 %.
Marseille : laboratoire des initiatives
"Si nous sommes venus à quatre ministres, c'est parce que Marseille est loin de l'image que l'on veut en donner. Le nombre de règlement de compte est en baisse. Marseille est le laboratoire des initiatives pour la lutte contre les stupéfiants.""Fort du succès remporté ici, nous avons décidé d'augmenter le nombre de CROS. Il y en aura 28 dans les grandes aires urbaines. Ces CROS devront toutes être opérationnelles d'ici la fin de l'année."
Combattre mieux et sanctionner plus durement
Le ministre a annoncé qu'une action systématique va être menée afin d'agir pour "frapper là où cela fait mal", s'en prendre au patrimoine des dealers.La garde des Sceaux Nicole Belloubet a annoncé la mise en place en 2020 d'une amende forfaitaire de 200 euros pour l'usage de stupéfiants. Une expérimentation devrait débuter dès le mois de décembre.
Pour combattre les trafics, un numéro spécial sera également mis en place pour inciter les habitants à dénoncer les lieux de trafic.