Mineurs transgenres : "Le vote du Sénat reflète un positionnement réactionnaire et binaire", fustige une association marseillaise

Portée par Les Républicains, la proposition de loi qui interdit les traitements hormonaux et les chirurgies aux moins de 18 ans a été adoptée au Sénat dans la nuit de mardi à mercredi. Alors que le texte fait polémique, à Marseille, l'association Transat plaide pour un meilleur accompagnement des mineurs transgenres.

Le Sénat a adopté mardi 28 mai un texte visant à encadrer les transitions de genre avant 18 ans, une initiative des Républicains farouchement condamnée par la gauche et des associations, et finalement désapprouvée par le gouvernement. 

La proposition de loi de la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio, adoptée à 180 voix contre 136, prévoit notamment l'interdiction pour les mineurs des traitements hormonaux et le contrôle strict des prescriptions de "bloqueurs de puberté", ces molécules qui permettent de suspendre le développement des caractères sexuels secondaires (poitrine, voix, pilosité) relevant du genre auquel l'enfant ne s'identifie pas.

L'objectif ? "Eviter aux mineurs en questionnement de genre de ne pas regretter des traitements médicaux ou de chirurgie de réassignation sexuelle suite à un mauvais diagnostic", a affirmé l'auteure du texte, suscitant les protestations de la gauche. Le sujet est épidermique et déchaîne régulièrement passions et fantasmes.

Pour France 3, Lee Ferrero, qui a fondé l'association d'entraide pour les personnes transgenres Transat, fait le point sur la situation des mineurs transgenres en région Paca.

France 3 Provence-Alpes : Le Sénat a adopté mardi un texte visant à encadrer les transitions de genre avant 18 ans. Comment prenez-vous ce vote ? 

Lee Ferrero : Ce n'est pas une surprise. Le Sénat est réputé pour son conservatisme, nous sommes donc surtout mobilisés pour que le texte ne passe pas à l'Assemblée nationale. C'est une proposition profondément transphobe qui va à l'encontre des droits de l'enfant. Les bloqueurs de puberté peuvent être utilisés dans le cadre par exemple de puberté précoce. Des traitements existent pour les pubertés tardives. Pourquoi ces mêmes solutions poseraient-elles souci pour les mineurs transgenres ?

Ce vote du Sénat n'est juste qu'une partie immergée de l'iceberg et reflète un positionnement réactionnaire et binaire. De plus, il s'appuie sur de la littérature non scientifique en évoquant de potentiels regrets qui ne sont en réalité que très minoritaires.

Quelle est l'histoire de Transat ? 

Nous existons depuis 2018 face au constat qu'aucune association en région Paca ne portait les questions et enjeux transgenre de manière audible pour le grand public avec une éthique de l'accompagement. Jusqu'à alors, le tissu associatif trans était essentiellement informel avec des liens d'entraides mais sans aucune structure.

À Transat, notre ADN est le dialogue pour lutter contre des discriminations ordinaires à l'encontre des personnes transgenres qui relèvent surtout de l'ignorance et de la maladresse. Avec de l'information, de l'empathie et de la communication, on peut résoudre cela.

Dans quelles mesures êtes-vous confronté dans la région à l'accompagnement de mineurs trans ?

Au début, nous accompagnions une centaine de personnes. Désormais, le tissu associatif s'est développé dans la région et beaucoup d'informations sont disponibles sur Internet donc nous sommes un peu moins sollicités. On reste très mobilisés sur la formation des professionnels du social et du médical. C'est là où il existe encore un vrai manque. 

Justement, trouvez-vous que le personnel médical en région Paca soit alerté sur ces questions ? 

Il est encore difficile de trouver des médecins pour les personnes transgenres majeures alors les mineurs… On est encore dans la psychiatrisation de ces adolescents. Afin d'avoir accès aux bloqueurs de puberté, le mineur concerné doit vraiment avoir un discours binaire et stéréotypé sur sa manière de vivre son genre. Aucune chirurgie irréversible n'est proposée avant 14 ans et c'est bien normal. Néanmoins, les autres traitements comme l'hormonothérapie ou les bloqueurs de puberté sont réversibles. Pourquoi vouloir les interdire uniquement pour les mineurs transgenres ?

Ils permettent juste à l'adolecent de faire des choix éclairés sans la pression de modifications corporelles non souhaitées et d'éviter une prise en charge médicale plus complexe. Les recommandations internationales insistent sur le fait qu'un médecin traitant peut accompagner l'hormonothérapie. Ils ne sont que très peu à le faire - une dizaine à Marseille par exemple, même si on progresse doucement.

La version du texte voté au Sénat va être examinée à l'Assemblée nationale. Le texte est désapprouvé par la majorité présidentielle. Comment voyez-vous la suite de la mobilisation ?

Effectivement, il est peu probable que le texte passe à l'Assemblée nationale. Il serait peut-être temps de s'allier avec des associations de défense des droits de l'enfant. Les adolescents transgenres ou non binaires ont beaucoup plus de risque que les adolescents cisgenres d'avoir des pensées suicidaires ou de tenter de s'enlever la vie.

Parce que ces mineurs n'ont pas accès facilement à des bloqueurs de puberté, ils commencent fréquemment des hormonothérapies seuls ce qui pose des problèmes de santé publique. Les hormones ne sont pas dangereuses pour la santé, adultes et enfants cisgenres en utilisent pour différentes raisons médicales. On est en plein fantasme et on donne du crédit politiquement à des choses qui relèvent de l'idéologie. 

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