La vaccination de la 3e dose s'accélère à Marseille. Mais dans la file d'attente du vaccinodrome, on s'inquiète de devoir être contraint de faire le Moderna, au lieu du Pfizer. Efficacité, risques... on fait le point.
"Pfizer sinon rien". Muriel, 65 ans, vient faire sa 3e dose de vaccin au parc Chanot, le nouveau vaccinodrome de Marseille. Une dose de rappel avec le même vaccin que ses deux premières injections.
Pourtant, bientôt, les centres de vaccination de la région pourraient proposer uniquement le Moderna, même pour les vaccinés au Pfizer. Muriel n'est pas au courant, et se réjouit d'y échapper. "C'est Pfizer sinon rien. Je ne la fais pas", répond-elle, catégorique.
José ne savait pas non plus. "Je fais bien de le faire aujourd'hui", lance le retraité de 72 ans derrière son masque et son écharpe, bravant le froid et le mistral ce jeudi matin.
"Déjà qu'on est forcé de se faire vacciner, ça fait beaucoup. Je crois qu'il est moins efficace en plus", râle un quadragénaire le pas pressé. "Et ça marche quand même si j'ai fait mes deux premières doses de Pfizer ?"
Sylvie, elle, ne comprend pas pourquoi Moderna pourrait "remplacer" le Pfizer. "Il est moins cher ? Ils ont des doses à écouler ?"
Moderna imposé en Paca ?
C'est un communiqué de Sophie Joissains et relayé par France Bleu Provence qui a soulevé ce point.
"L'ARS Paca a imposé de nouvelles directives aux centres de vaccination de la région : le remplacement du vaccin Pfizer par le vaccin Moderna. Le vaccin Pfizer étant désormais réservé à la médecine de ville", affirme la maire d'Aix-en-Provence.
Une nouvelle directive en place à à compter du 27 décembre, rapporte Sophie Joissains. Ce n'est pas tant la question de l'immunité mais de la "compréhension des administrés", qui inquiète l'édile qui craint devoir gérer "l'incompréhension du public, voire sa colère".
En réponse, la ville d'Aix-en-Provence a choisi d'interrompre temporairement les prises de rendez-vous téléphoniques en ligne sur Doctolib, "jusqu'à la réorganisation de l'offre vaccinale au sein du centre de vaccination d'Aix-en-Provence".
Sophie Joissains explique avoir écrit au préfet de Région, Christophe Mirmand, "afin de lui demander des explications sur ce changement de vaccin".
"Il n'est pas envisageable que les équipes mobilisées soient en première ligne pour gérer l'incompréhension du public, voire sa colère", écrit l'élue.
Contactée, l'ARS Paca ne nous a pas encore confirmé l'information. Question logistique ? Manque de dose de Pfizer ? Pas d'explication, donc, pour l'instant.
Moderna moins efficace que Pfizer ?
Comme l'explique le ministère de la Santé, le vaccin Pfizer et le vaccin Moderna sont "très proches" : "Ils s’appuient sur la même technologie – celle de l’ARN messager – et présentent une efficacité comparable, proche de 95% selon la Haute Autorité de santé (HAS). La HAS considère par ailleurs que les deux vaccins ont des profils de tolérance similaires".
"Ils sont quasiment identiques, atteste Sandrine Sarrazin, chargée de recherche Inserm au Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy. Ils ne présentent que de toutes petites différences à la marge. Il n'ont pas tout à fait la même molécule d'ARN et surtout, le dosage est différent. Le Moderna a trois plus d'ARN que le Pfizer".
Mêmes effets secondaires ?
Le Pfizer contient en effet 30 microgrammes d'ARN contre 100 pour le Moderna. "Les effets secondaires immédiats sont identiques : mal au bras, fièvre, état grippal…". Même constat pour les effets secondaires indésirables : chocs anaphylactiques en cas de réaction allergique à un des composants ou myocardites/péricardites, une inflammation du cœur.
La HAS note dans son avis du 8 novembre que les études montrent une "légère supériorité" du vaccin Spikevax (Moderna, NDLR) en matière d'efficacité. En revanche, le vaccin Comirnaty Pfizer présenterait des risques plus faibles de myocardite, en particulier pour les personnes de moins de 30 ans.
"Ces deux vaccins peuvent être utilisés quel que soit le vaccin utilisé dans le cadre du premier schéma vaccinal, mais le vaccin Pfizer-BioNTech est recommandé pour les personnes de moins de 30 ans", confirme le ministère de la Santé.
Cela est lié au dosage d'ARN plus fort dans le vaccin Moderna. "Cela touche davantage les jeunes hommes, mais il faut insister, c'est très très rare, bien plus rare que faire une péricardite suite à une vraie infection virale, rappelle Sandrine Sarrazin. C'est un effet secondaire classique de l'activation du système immunitaire. On est sur du principe de précaution +++".
Deux doses Pfizer + une dose Moderna ?
En octobre dernier, le vaccin Moderna était suspendu dans le cadre de la 3e dose. "Les annonces de diverses autorités sanitaires ont mis en lumière les inconnues qui demeurent sur la dose et la population cible pour le rappel par Spikevax", déclarait la HAS.
Ce n'est plus le cas, et ce depuis le 8 novembre. La dose de rappel peut être effectuée par Moderna et Pfizer, quel que soit le vaccin utilisé pour les premières doses reçues. C'est ce que l'on appelle la vaccination hétérologue, changer les vaccins entre les différentes injections.
Moderna pourrait même être recommandé. C'est ce qu'explique Sandrine Sarrazin. "En matière d'immunologie, il n'y a aucun problème". Cela pourrait même être bénéfique : "C’est très intéressant parce que la plupart du temps ça permet d’augmenter l’éventail d’anticorps que l'on fabrique. On ne peut pas le prédire mais ça se teste".
Cela n'augmente pas le taux d'anticorps, mais pourrait nous donner des armes pour lutter contre différents virus. "C'est très intéressant dans le cas d'un variant", glisse l'immunologue.
"Il y a tout intérêt à prendre le Moderna si on a déjà eu le Covid", conclut Sandrine Sarrazin.
Deux fois plus de vaccination avec Moderna ?
Le Moderna est désormais administré en demi-dose pour la dose de rappel. 50 microgrammes d'ARN au lieu de 100. "Ca a été testé et c'est tout aussi efficace", assure Sandrine Sarrazin.
Cela présente en avantage de taille, en cette période d'accélération vaccinale pour contrer la 5e vague de l'épidémie de Covid-19 : "On peut faire deux fois plus de vaccination avec le même nombre de doses".
Alors pourquoi Moderna hérite-t-il de cette mauvaise réputation ? "C'est peut-être une confusion entre AstraZeneca et Moderna..." Un amalgame, un manque d'information... Et pourtant. Moderna et Pfizer sont "quasiment des copies conformes", martèle l'immunologue.
"C'est comme si on prenait une baguette de pain chez Paul ou chez Bannette. C’est toujours une baguette de pain qui fait le job, qui fait la bonne tartine".