Mort de Bernard Tapie : la politique à Marseille, ses amis et ses ennemis

C'est à Marseille que Bernard Tapie a fait ses premiers pas en politique, en 1988. Introduit par Defferre, protégé par Mitterrand, il sera tour à tour député, eurodéputé, conseiller et ministre, avec le soutien de certains socialistes locaux mais surtout contre eux.

Bernard Tapie doit sans doute sa carrière politique au foot. Et à Gaston Defferre.

C’est lors d’un dîner donné par Mikhaïl Gorbatchev à l'ambassade d'URSS, le 4 octobre 1985, que l’industriel parisien fait la connaissance d’Edmonde Charles-Roux, l’épouse du maire de Marseille.

L'invitation d'Edmonde Charles-Roux

"Qu'attendez-vous pour venir sauver l'OM?", lui aurait-elle glisser. Apparemment, juste un appel du pied. 

"Le satellite Bernard Tapie est sur la rampe de lancement, il ne reste plus qu’à le lancer sur l’orbite de l’Olympique de Marseille, avec comme fusée Gaston Defferre", annonce le présentateur du journal télévisé régional Jean-François Jolival, sur l’antenne de FR3, lors de la préparation de l'accord négocié par Gaston Defferre, alors ministre de l'aménagement du territoire. 

Bernard Tapie rachète le club pour un franc symbolique. "Si j'ai choisi Marseille, c'est parce que c'est à mes yeux la première ville de football en France", expliquera-t-il.

"C'est aussi parce que je crois pouvoir compter sur l'aide de Gaston Defferre qui a toujours soutenu son club".

Après la mort de Gaston Defferre, Bernard Tapie reste proche d'Edmonde Charles-Roux. Il est présent à ses obsèques le 23 janvier 2016 dans la cathédrale de La Major à Marseille.

Le protégé de François Mitterrand

Dans les années 80, Bernard Tapie est partout. Dans le business et à la télé. On le croise aussi dans les couloirs de l’Elysée. François Mitterrand est assez fasciné par cet aventurier touche-à-tout, batailleur et bateleur, que lui a présenté le publicitaire Jacques Séguéla.

Pour les législatives de 1988, le président socialiste cherche des têtes nouvelles parmi "des personnalités non issues de la classe politique". Il lui donne sa chance à Marseille, où le Front national a fait un score record au premier tour de la présidentielle.

Imposé par le sommet de l’Etat, le parachutage de l’homme d’affaires fait grincer bien des dents parmi les socialistes marseillais.

Bernard Tapie n'obtient pas le point de chute souhaité. Il atterrit dans la 6e circonscription des Bouches-du-Rhône, réputée imprenable. Il se retrouve opposé à un ténor de la droite locale, l'UDF Guy Teissier. Ce dernier l’emporte par 84 voix, mais l’élection est invalidée par le Conseil constitutionnel. 

A la partielle de janvier 1989, le PS local se range derrière le protégé de l'Elysée. Ce n'est pas de gaieté de coeur. Mais si Tapie perd, c’est la mairie qui risque d'échapper à la gauche en mars. Cette fois, Bernard Tapie gagne. Il fait son entrée à l’Assemblée.

Ministre éphémère

Pierre Bérégovoy se lie avec Bernard Tapie au début des années 80, quand le "sauveur d’entreprises" vole au secours de la société Ski Look installée à Nevers, ville dont Pierre Bérégovoy est le maire.

En avril 1992, ce dernier voit en lui un "sauveur des banlieues", il propose son nom au président, contre l’avis d’une majorité de dirigeants socialistes. A 49 ans, Bernard Tapie, auréolé de ses succès footballistiques devient ministre de la Ville.

Débarqué un mois plus tard pour cause de démêlés judiciaires dans l’affaire Toshiba, puis réintégré après un non-lieu, Bernard Tapie reste, en tout, moins de cinq mois au gouvernement.

Il compte parmi les ministres les plus éphémères de la Ve République.

Ennemi juré de Jean-Marie Le Pen ​

Bernard Tapie se lance à la conquête de la région Provence Alpes Côte d'Azur à la tête de la liste de gauche Energie Sud.

Considéré comme un arriviste par certains socialistes locaux, vu comme un imposteur par d’autres, la candidat s’impose à tous quand il s’agit d’aller à l’affrontement avec Jean-Marie Le Pen, qui séduit déjà 14 % des électeurs en cette année 1992.

"Tout ce qui est bon pour l'OM est bon pour le PS", déclarait alors Pierre Mauroy, premier secrétaire du Parti socialiste.

La campagne électorale est extrêment tendue. Tapie s'en prend aux électeurs du Front national qu'il qualifie de "salauds".

Mais le novice en politique ne convainc pas. Il finit troisième du scrutin, avec un peu plus de 22 % des suffrages, permettant tout juste à la gauche de limiter les dégâts.

Adversaire de Robert Vigouroux​

"Jamais Bernard Tapie ne sera maire de Marseille", claironne Robert Vigouroux quand il lance sa campagne pour les élections municipales de 1995. 

"Il désire être président de la République, mais je ne suis quand même pas son escalier", dira Robert Vigouroux.

L'ancien patron de l'OM se serait bien vu dans le fauteuil de maire de la deuxième ville de France, capitale du football. Mais il doit renoncer à ses ambitions, une fois encore, à cause des affaires. 

Aux municipales de 2014, la rumeur s'emballe à nouveau. Renaud Muselier, qui a longtemps espéré devenir un jour le "dauphin" de Jean-Claude Gaudin, semble alors presque espérer l'entrée en lice de cette "personnalité exceptionnelle".

Un Marseillais sur deux séduit par Tapie

"Il y a un espace pour une nouvelle offre politique dynamique. Il l’a très bien compris Tapie. Je suis sûr qu’il l’a vu", déclare-t-il sur France 2. Les sondages affirmaient alors qu'un Marseillais sur deux serait prêt à voter pour lui.

Pourtant, Bernard Tapie renonce à la mairie de Marseille. Et il le fait par amour. "Cela fait 40 ans que je suis avec ma femme, je suis l'homme le plus heureux de la terre et je ne voudrais à aucun moment lui faire revivre ce qu'elle a vécu à cause de la politique", confie-t-il.

Cela n'empêche pas le même Bernard Tapie de claironner quelques mois plus tard par le biais d'une interview au JDD : "J'ai décidé de revenir en politique".

L'ancien président de l'OM se voit le mieux placé pour combattre le FN qui continue de grimper. On lui prête même des vues sur la présidentielle de 2017....

Mais Bernard Tapie, rattrapé par la maladie et les affaires, ne fera pas de grand retour sur le devant de la scène politique.

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