Né de la désillusion post-Covid, un collectif d'infirmiers libéraux en colère monte en puissance en marge des syndicats

En quelques semaines, le collectif Infirmiers en colère s'est structuré grâce aux réseaux sociaux. Semée en Provence, leur grogne s'est répandue comme une trainée de poudre à travers toute la France. "Urgence revalorisation" clament ces professionnels.

Tout a commencé en décembre 2022 à Carry-le-Rouet dans les Bouches-du-Rhône. Ils sont un noyau dur d'infirmiers libéraux bien décidés à laisser s'exprimer leur ras-le-bol. Les réseaux sociaux vont leur offrir une formidable caisse de résonnance. Non loin de là, sur la commune d'Eguilles, Gaëlle Cannat, infirmière diplômée d'Etat depuis vingt ans, décide de les rejoindre mi-janvier pour leur donner un coup de main et met en ligne leur pétition. Le Collectif IDEL en colère est né. IDEL, comme Infirmier Diplômé d'Etat Libéral. 

Un collectif asyndical

En quelques jours, des milliers de professionnels s'agrègent autour d'une lettre ouverte. "Les revendications me parlaient toutes", raconte Gaëlle. "Nous sommes une profession peu syndiquée et avons souvent l'impression que les syndicats n'œuvrent pas pour nous. On s'est tus trop longtemps, aujourd'hui, il est temps que l'on s'occupe de nous et de nos problèmes."

Revalorisations financières et retraites

Gaëlle Cannat décrypte "les origines du mal-être" chez les infirmiers libéraux. Exclus du Ségur de la santé, privés de prime Covid bien qu'ayant joué le jeu de la vaccination, malmenés par les vagues successives de l'épidémie, les professionnels se heurtent à une réforme des retraites démoralisante sur fond d'inflation et de décadence du système de santé. "Avant même la réforme, nous atteignons la retraite à taux plein à 67 ans et aucune pénibilité n'est reconnue. Pourtant, on porte, on soulève des personnes, on fait des horaires décalés. C'est indécent d'imaginer aller au-delà."

Financièrement, les infirmiers libéraux se disent exsangues et dénoncent en priorité des tarifs qui ne sont plus en adéquation avec le coût de la vie et l'inflation. "Des indemnités de transport de 2,50 euros par trajet, quelle que soit la distance, quand on fait beaucoup de domiciles, ça ne couvre pas la hausse des carburants", explique Gaëlle Cannat.

Autre urgence portée par le collectif, la revalorisation des actes.

"Enlever des points de suture, ça prend un quart d'heure, mais cela nous permet de toucher deux euros net ! Qui travaille pour deux euros ?"

Gaëlle Cannat, infirmière libérale membre du Collectif IDEL en colère

Un cri du cœur

Valérie Dargent, infirmière libérale depuis onze ans dans le secteur de Martigues, se retrouve pleinement dans le coup de gueule poussé par le collectif.

"On sort épuisés de cette crise sanitaire. Applaudis à 20 heures pendant des mois, comment sommes-nous considérés aujourd'hui ?" Comme de nombreux soignants, Valérie a été piquée au vif par une émission de télévision de grande écoute venue écorner selon elle l'image d'une profession déjà en mal de reconnaissance "Le Cash Investigation qui dénonçait les abus des soignants fraudeurs a mis le feu aux poudres, parce que cela a suscité des amalgames. J'ai vu des infirmiers craquer, s'effondrer suite à ce reportage."

"On travaille comme des malades, on met nos vies entre parenthèses, on trime face à l'inflation, on part en retraite à 67 ans et des patients viennent nous dire qu'on est des nantis ? Trop c'est trop !"

Valérie Dargent, infirmière depuis 25 ans

Par ailleurs, la désertification médicale devient cruciale dans l'exercice de son métier au quotidien. "Sur mon secteur, une quinzaine de généralistes vont partir à la retraite d'ici deux ans. Par effet boule de neige, on doit pallier le manque de suivi parce que nous sommes en première ligne, face au patient et que l'on ne peut pas le laisser sans soin."

Le malaise semble général mais diffus, les idées éparpillées. Les IDEL en Colère veulent tenter de structurer leur mouvement pour porter une parole claire auprès du gouvernement. Même si le risque est de se diluer dans le brouhaha de la rue, en fureur aujour'dhui contre la réforme des retraites. Valérie veut espérer que ce "cri du cœur" des infirmiers sera, enfin, entendu.

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