Lundi 11 septembre, des "bloqueurs" se sont interposés physiquement au chantier de construction d’un lotissement, dans une forêt de Fuveau dans les Bouches-du-Rhône. Depuis, ces militants et riverains se relaient et résistent corps et âme pour sauver ce morceau de nature. Luna et Maxime racontent leur engagement.
Depuis le 11 septembre, des riverains "sentinelles" et des militants écologistes se donnent rendez-vous tous les matins près du golf de Fuveau, où 20 hectares de forêt sont menacés de destruction par un projet immobilier.
Le dossier, vieux de 20 ans, a été contesté de nombreuses fois devant la justice tour à tour par la municipalité de Fuveau, les riverains ou des associations nationales. Si certaines de ces actions courent toujours, les travaux de déboisement ont pu débuter fin 2022, pour permettre à 132 villas de standing de sortir de terre.
L'ANB (Association nationale pour la biodiversité), le Groupement national de surveillance des arbres et Extinction Rebellion ont donc décidé d'occuper le terrain pour défendre les 43 espèces protégées qu'abrite cette pinède. Les hommes bloquent la machine, en s'enchaînant aux engins de chantier, sous la surveillance des gendarmes. Depuis une semaine, ils ont trouvé le soutien de nombreux citoyens engagés, tandis que le propriétaire de la forêt et instigateur du projet affirme vouloir porter plainte contre ce blocage. Luna et Maxime sont passés à l'action, ils expliquent pourquoi.
"On met notre corps en travers de la marche du monde"
Maxime a consacré deux jours, dans son emploi du temps d'entrepreneur, pour passer à l'action de terrain. Cet habitant de Fuveau, se dit révolté par le fond du projet qu'il résume ainsi : "Un mec qui veut détruire des dizaines d'hectares pour faire des villas de luxe et gagner 80 millions d'euros, c'est anachronique". Pour lui, face au promoteur, un rapport de force devenait l'ultime moyen de sauver cette bulle de biodiversité à deux pas de chez lui. Père de famille de 42 ans, Maxime pense à ses enfants quand il "entre en résistance" et "met son corps en travers de la marche du monde (...) au nom de l'intérêt général".
Luna est sur la même longueur d'ondes. Elle vient tout juste de terminer ses études de logistique humanitaire. A 22 ans, elle a décidé de rejoindre le groupe aixois d'Extinction Rébellion à l'automne dernier. "Il y a quelques mois, les riverains sont venus nous voir" raconte-t-elle "et on a réfléchi comment passer à l'action pour empêcher les travaux de se faire" sachant "que l'on avait le droit de notre côté." La jeune militante s'est rendue assidûment toute la semaine sur le chantier pour s’enchaîner aux pelleteuses. Cette bloqueuse reconnaît que la situation est dangereuse et éprouvante, mais "qu’il n'y a plus le choix" face à l’immobilisme des autorités.
La désobéissance civile non violente
Comme de nombreux militants de son groupe, Luna a reçu une formation à la désobéissance civile non-violente et se dit préparée mentalement. "On s'enchaîne avec des armlocks avant l'arrivée des ouvriers", explique-t-elle, décrivant sommairement le système : "un tuyau en PVC nous enchaîne deux par deux, on s'installe sur les engins, dans des endroits où l'on ne peut pas nous tirer et on attend".
L'étudiante explique que ce mode d'action a canalisé la révolte qu'elle ne savait pas exprimer auparavant. Maxime, lui, ajoute : "nous sommes la nature qui se défend".
Pas éco-anxieux, mais éco-lucides
Luna et Maxime ont en commun ce qui les anime : l’urgence à agir. Face aux récents épisodes météorologiques, "signes du dérèglement climatique" , Maxime se dit "éco-lucide, bien plus qu'eco-anxieux". Il constate avec effroi que 70% des animaux sauvages ont disparu de la planète en 40 ans, "le temps de ma vie ! C'est plus possible" et "comme la forêt n'arrive pas à crier, eh bien, on le fait pour elle." Luna assure "qu'il n'y a plus le temps " et qu’il faut miser sur des changements locaux pour faire avancer la protection du vivant. "Remporter des victoires, cela permet d'avoir moins peur de l'avenir", confie la jeune fille. En revanche, Maxime se dit inquiet de "constater l’impuissance des élus face à des acteurs privés comme c'est le cas à Fuveau, il faut tirer le signal d'alarme".
Vous avez dit éco-terrorisme ?
A Fuveau, Maxime et Luna saluent tous les deux l'apaisante bienveillance des riverains, mais aussi celle des ouvriers du chantier, du promoteur lui-même et des gendarmes sur place. "On ne rêve pas de violence et ils le savent", souligne Maxime, qui rejette le terme d'écoterrorisme, employé par le Ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
Les deux bloqueurs apportent leur propre définition : " un écoterroriste est celui qui détruit la nature et continue à vouloir l'exploiter et la maltraiter. Nous, nous sommes des gardiens de la biodiversité, des sentinelles du bon sens et de la préservation des écosystèmes."