"On est face à des gens qui n'ont pas intégré la notion de risque", les plongeons sauvages parfois mortels toujours nombreux à Marseille

Les plongeons sauvages depuis la Corniche Kennedy font régulièrement des victimes à Marseille. Une pratique interdite, mais que la municipalité voudrait légaliser et encadrer.

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Quiconque connaît Marseille les a déjà vus s'élancer au-dessus du rebord de la Corniche Kennedy. La pratique est interdite, mais tous les étés, des plongeurs en recherche de sensations fortes font le saut de l'ange depuis la célèbre route panoramique longeant le littoral marseillais... Quitte à y laisser leur vie.

Ce dimanche 28 juillet, en plein après-midi, un homme âgé de 26 ans a été retrouvé inconscient après avoir sauté depuis le pont de l'Anse de la Fausse Monnaie. Une réception manquée. L'homme a atterri sur des rochers immergés, 15 mètres plus bas. En arrêt cardiaque à l'arrivée des secours, le plongeur a été transporté à l'hôpital de la Timone.

Son pronostic vital était engagé.

Une dizaine d'interventions par an

Les marins-pompiers de Marseille interviennent une dizaine de fois chaque été sur ce type d'opération. L'incident est parfois bénin, parfois, comme cette fois-ci, les conséquences sont très graves. En 2022, au même endroit, au niveau du pont la Fausse Monnaie, un adolescent de 14 ans avait été secouru après un saut raté. Quelques jours plus tard, un autre plongeur d'une quarantaine d'années avait été moins chanceux et y avait laissé sa vie.

"C'est une activité dangereuse, martèle David Gaidet, chef des opérations du Bataillon des marins-pompiers de Marseille (BMPM). On estime que sauter dans l'eau, d'une hauteur d'une dizaine de mètres, génère contact avec eau à 50km/h." Les risques sont multiples : "Si on se réceptionne mal, on peut perdre connaissance et se noyer. Il y a également le risque d'atteintes traumatiques graves sur le squelette : des fractures et blessures graves".

C'est une zone compliquée, dangereuse. Parfois, il n'y a pas suffisamment de fond pour absorber la hauteur du saut.

David Gaidet, chef des opérations du Bataillon des marins-pompiers de Marseille

France 3 Provence-Alpes

Le commandant rappelle que 18 sauveteurs côtiers surveillent la ville tous les jours à Marseille. Des marins-pompiers spécialistes du littoral, postés sur les quatre casernes de Marseille, prêts à secourir soit les nageurs, soit les plongeurs, comme cela a été le cas dimanche.

Une pratique interdite depuis 2006...

Il n'est pas rare d'assister à ces sauts périlleux l'été à Marseille. Les plongeurs s'élancent du trottoir où touristes et Marseillais se promènent toute la journée. Un arrêté municipal les proscrits pourtant depuis 2006. "Les plongeons sont formellement interdits sur tout le littoral de la commune, en particulier le long de la Corniche Kennedy, de l'ensemble des quais, estacades, enrochements et digues", peut-on lire dans le recueil des actes administratifs de la ville de Marseille.

En 2017, la sortie du film Corniche Kennedy, adapté du roman de Maylis de Kerangal avait fait réagir l'ancien maire de Marseille, Jean-claude Gaudin. "Je souhaite condamner le film de Dominique Cabrera tourné bien que la ville de Marseille lui ait refusé son autorisation, avait-il déclaré dans un communiqué. "En présentant à l'écran ces sauts et ces plongeons comme véritables exploits, il incite malheureusement les jeunes à adopter ce type de comportement au péril de leur vie". 

"Malgré les efforts de prévention, portées de manière forte par les médiateurs, la police municipale, les médias et nous, nous touchons à une limite, note le chef des opérations du BMPM. Une frange de la population que l'on n'arrive pas à toucher. Une frange insensible aux messages de prévention."

... Que veut légaliser la mairie

Pour Hervé Menchon, adjoint EELV en charge du littoral, l'interdiction n'est pas la solution. "On est face à des gens qui n'ont pas intégré la notion de risque. Quand on dit : 'C'est interdit', pour certains, au lieu de rendre visible le danger, on le masque derrière un discours. Je suis pour la légalisation de cette pratique, explique-t-il. Depuis 2020, je souhaite qu'on reconnaisse cette pratique comme faisant partie de la carte postale de Marseille. Son patrimoine immatériel. "

L'élu souhaite créer des lieux de plongeons "pour une pratique sécurisée et respectueuse de l'environnement". "Il faut que les personnes puissent obtenir le droit après avoir passé un test, une initiation, après avoir reçu un enseignement dédié à cette pratique, sur la nage, la connaissance de la profondeur de l'eau, la sécurité, les courants..." Hervé Menchon propose notamment de s'appuyer sur les fédérations de plongeurs, de nage.  

"Si c'est encadré, plutôt que de rester dans l'ignorance à cause de l'interdit, on diminuera le nombre d'accidents, j'en suis persuadé. C'est tout le contraire de l'encouragement à la prise de risque."

Cette pratique fait partie de la Ville, de la carte postale. Il faut que ça ne soit pas plus seulement une question de défi et de prise de risque.

Hervé Menchon

Hervé Menchon réaffirme son engagement pour créer ces zones de sécurité avant la fin du mandat : "Nous avons eu des priorités jusqu'à maintenant, comme sécuriser la bande des 300 mètres, transformer le système balnéaire estival... mais il est hors de question qu'on termine ce mandant sans avoir accompli la feuille de route." 

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