"On ne voit pas les mêmes molécules" : comment les cigarettes de contrebande sont disséquées dans ce laboratoire unique en France

Les cigarettes saisies par les douanes sont analysées dans un laboratoire unique en France, à Marseille. Son rôle : identifier les contrefaçons. Un processus scientifique très précis auquel France 3 Provence-Alpes a pu assister.

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C'est un lieu tenu secret à Marseille. Un laboratoire unique en France. Tous les jours, dans ce bâtiment d'aspect quelconque, des scientifiques en blouse blanche dissèquent des cigarettes. Sur la devanture, aucune indication, ou presque. Une plaque mentionnant le "laboratoire de Marseille". Ce lieu dépend du ministère de l'Économie et des finances. Il s'agit de l'un des 12 laboratoires d'analyse des douanes françaises, nommé service commun des laboratoires. On y teste aussi bien les jouets de Noël, le miel, l'huile d'olive, les stupéfiants, mais aussi le tabac de contrebande. Direction le troisième étage.

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"Mettre en évidence des suspicions de contrefaçon"

Nous poussons une porte et comprenons immédiatement que nous sommes au bon endroit. Il y flotte une forte odeur de tabac et de cannabis mélangé. C'est une grande salle dans laquelle se trouvent au moins dix machines disposées sur des paillasses. Des tubes à essais, des béchers. Et de nombreux ordinateurs. C'est ici que sont décortiquées les cigarettes.

Vincent Lacaziau est responsable du domaine scientifique de l’analyse des stupéfiants des tabacs au laboratoire de Marseille. Il s'apprête à nous détailler, étapes par étapes, le travail de son équipe. "Le rôle de ce laboratoire, c'est de mettre en évidence, ou non, des suspicions de contrefaçon par rapport à des paquets authentiques", nous explique-t-il.

Les douaniers nous envoient des échantillons, et en retour, nous produisons un rapport qui indique la suspicion de contrefaçon, ou non, sur l’échantillon présenté.

Vincent Lacaziau, responsable du domaine scientifique de l'analyse des stupéfiants au laboratoire de Marseille


France 3 Provence-Alpes

Sur le chariot préparé par Vincent Lacaziau pour illustrer son explication, sont disposés une dizaine de paquets de cigarettes. Tous des Malboro rouge.

Parmi ces paquets, des cigarettes authentiques issues de contrebande, d'autres de la contrefaçon. Car il faut bien distinguer les deux. La cigarette de contrebande a été fabriquée légalement par l’industrie du tabac mais est revendue sur le marché parallèle. La cigarette de contrefaçon a été fabriquée par des organisations criminelles, des ateliers clandestins, en toute illégalité, mais se présente dans un emballage semblable aux marques des fabricants légaux.

C'est le rôle de ce laboratoire de les distinguer. Pour repérer les "fausses", les scientifiques suivent un protocole précis s'articulant autour de trois étapes. D'abord l'analyse du paquet, ensuite la cigarette et enfin le tabac.

Observation du paquet

Le scientifique compare en premier lieu deux paquets de Malboro rouge. "La première chose que l'on peut observer, c'est la présence d’une vignette fiscale. On remarque également une définition du logo qui n’est pas la même, nous explique Vincent Lacaziau. On observe des différences de couleur au niveau du rouge".

L'étude du paquet ne s'arrête pas à l'aspect extérieur. Le scientifique éclate le paquet et l'aplatit. "Cela nous permet de vérifier plusieurs choses : les dimensions d’ouverture, mais aussi les points de colle. Ils ne sont pas positionnés au même endroit, ils sont plus industriels sur les paquets authentiques, plutôt grossiers sur cette contrefaçon", détaille-t-il, le paquet à la main.

Pour la deuxième étape, le responsable nous conduit vers une petite salle au bout du couloir. Le paquet y est pris en photo à plat, puis analysé à l'ordinateur. Le logiciel nous permet de travailler pixel par pixel pour voir si le rouge se retrouve uniformément sur le paquet. Ici, il y a une assez bonne uniformité, ce qui laisse penser qu'il ne s'agit pas d'un paquet de contrefaçon". 

"Dans un deuxième temps, nous comparons la composition de ce rouge par rapport au rouge que l’on retrouve sur les paquets authentiques. Ce travail-là, nous le faisons sur toutes les couleurs qui sont référencées sur le paquet".

Dissection de la cigarette

Pour cette deuxième étape, le laboratoire va d'abord vérifier la présence du dispositif d'auto-extinction. Il s'agit d'un anneau de papier inséré à deux ou trois endroits du cylindre. Le papier est moins micro-perforé, ce qui a pour conséquence de freiner la circulation de l'air. "Ce dispositif permet de lutter contre les feux de forêt en arrêtant la consumation de cigarette lorsque la personne qui la fume ne tire pas dessus. C’est obligatoire dans l’union européenne depuis 2011", note Vincent Lacaziau.

Dans un deuxième temps, les scientifiques vérifient la taille et la composition du filtre. "Celui-ci est bien défini pour chaque modèle et chaque marque de cigarettes".

C'est à présent l'heure de la dissection. La cigarette est étendue sur la paillasse. Vincent Lacaziau se munit d'un scalpel et l'ouvre dans le sens de la longueur. Le tabac est alors étalé sur une feuille blanche. "On peut avoir ici une première approche à l'œil nu, mais ces indices ne participent pas à l'établissement de notre rapport. Ici, le tabac ressemble assez bien à ce qu'on doit retrouver sur une cigarette authentique", note-t-il. Ce sont les machines qui vont ensuite parler.

Etude chimique du tabac

Ultime étape, l'analyse chimique du tabac. "Nous allons vérifier les différentes molécules volatiles ainsi que les minéraux et les métaux qui sont contenus dans le tabac, puis nous les comparons à une base de données, décrit-il. Sur deux échantillons différents, on ne voit pas les mêmes molécules, et les quantités sont différentes".

Nous ne saurons pas ce que contiennent les cigarettes de contrefaçon, c'est une information que ne révèle pas le laboratoire. En 2013, les chercheurs avaient retrouvé des excréments d'animaux, des fibres textiles ou encore du plastique. Les scientifiques ne s'exprimeront pas sur ce point aujourd'hui. 

Production d'un rapport transmis à la douane

L'analyse du paquet de cigarettes touche à sa fin. Toutes les informations ont été rentrées dans la base de donnée du laboratoire. Les scientifiques peuvent désormais produire un rapport étayé.

Pour un paquet authentique, il n'y a qu'une seule façon de faire. Pour une contrefaçon, il y a 1000 voies différentes. C’est pour ça qu’on vérifie un maximum de données.

Vincent Lacaziau


France 3 Provence-Alpes

"C'est un travail très minutieux. Nous nous efforçons d'avoir un maximum de recul possible sur notre échantillon et de produire un rapport le plus complet possible". In fine, le rapport est envoyé aux services douaniers qui ont sollicité l'analyse avant d'être exploité à des fins judiciaires. Mais cela n'est plus déjà plus du ressort du laboratoire de Marseille.

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