Signature d'une convention territoriale lors de l'assemblée générale des buralistes à Antibes dans les Alpes-Maritimes pour aider ces commerces de proximité confrontés aux marchés parallèles et au trafic. Une action qui complète le plan Colbert à l'échelle nationale.
La cigarette ne fait plus recette, du moins, la traditionnelle, celle achetée chez son buraliste.
C'est le constat des patrons de tabac, au niveau national comme au niveau local : 1 paquet sur 2 n’est pas issu du réseau officiel.
Sur le marché de la contrebande, un paquet de cigarettes est vendu 5 euros quand il coûte au minimum 11 euros depuis le 1er mai.
Ce dimanche 11 juin, une convention a été signée à Antibes au Casino Joa La Siesta, pour lutter contre la vente illicite de cigarettes entre la fédération des buralistes des Alpes-Maritimes et les représentants de l’État.
"La cartouche est à 55 euros, contre 110 en France"
Un marché parallèle qui représenterait 450 millions d'euros, soit 3 à 6 milliards de cigarettes qui s’évanouissent en fumée chaque année.
Pour le président des buralistes des Alpes-Maritimes Pierre Romero, c'est autant d'argent qui manque dans les caisses de ces commerces de proximité.
Car, malgré les nombreuses campagnes de prévention pour arrêter de fumer et le prix du paquet qui ne fait qu'augmenter, le nombre de fumeurs stagne : 12 millions de personnes continuent à fumer en France.
En 5 ans (entre 2017 et 2022), les taxes sur le paquet ont augmenté de 50 %. Ce qui encourage de nombreux fumeurs des Alpes-Maritimes à aller s'approvisionner en Italie.
Un fumeur croisé dans un bar-tabac à Vintimille fait un constat simple : "la cartouche est à 55 euros, contre 110 en France". Une différence de prix due aux taxes. Dans d'autres pays, comme la Turquie et l'Algérie, c'est encore moins cher pour s'en griller une : la cartouche est achetée 20 euros.
"Sur internet, on ne sait pas ce qu'il y a dedans"
Mais le danger vient surtout du marché parallèle.
Lorsque vous achetez des cigarettes en dehors du circuit officiel, vous ne savez pas qui fabrique les cigarettes. Et encore moins comment ni avec quoi.
Interrogé sur France Bleu Azur, Pierre Romero explique :"dans les cigarettes de contrebande, vous avez des insectes, des déchets qui viennent se compacter et alimenter la mafia."
Croisé dans un bureau de tabac de Villeneuve-Loubet ce week-end, un consommateur prudent explique : "acheter en Italie, pourquoi pas, mais acheter sur internet, non parce qu'on ne sait pas ce qu'il y a dedans."
Au micro de France 3 Côte d'Azur, Philippe Coy, président de la Confédération nationale des buralistes affirme que "des mafias s'organisent".
Le président souhaite aller plus loin sur le plan judiciaire, il voudrait un renforcement des sanctions pénales : "aujourd'hui, la pénalisation n'est pas assez élevée et dans le cadre de la loi douanes qui est actuellement en débat au Sénat, il y aura aussi une augmentation de l'emprisonnement de 1 à 3 ans en cas de vente ou d'achat illégal."
Cette convention locale a pour but d'attaquer le problème des deux côtés.
Le consommateur qui achète un volume de cartouches trop important et le vendeur qui revend de la contrebande.
Plan Colbert : 700 kg de tabac ont été saisis en une semaine
Du 31 mai au 6 juin, une vaste opération, le plan Colbert, a été menée au niveau national. Un bilan relayé par l'AFP.
Le ministre délégué chargé des Comptes publics, Gabriel Attal, fait état de plus de 1.100 infractions et saisies relevées (contre 600 en moyenne) par les 5.172 agents mobilisés (dont 2.866 douaniers) en une semaine.
Plusieurs endroits stratégiques ont été ciblés : aéroports, péages routiers, épiceries de nuit, bars à chicha, marchés.
Sur les 712 vols contrôlés dans les 11 aéroports métropolitains, 700 kg de tabac ont été saisis, soit 9 millions de cigarettes saisies principalement aux frontières, 150 points de deal (sur 525 identifiés) ont été évacués en zone urbaine et 43 commerces (sur 450 identifiés) feront l'objet d'une fermeture administrative.
L'idée, c'est bien de resserrer les mailles du filet avec des actions coups de poing menées par différents services. Contactée, Samantha Verduron explique :
L'objectif du plan national c'est de renouveler ce type d'opération. On fait déjà des opérations conjointes en zone urbaines. Sur le secteur routier, secteur sur lequel les douanes sont les seules à agir, on associe la PAF (police de l'Air et des Frontières) et la gendarmerie.
Samantha Verduron, cheffe du pôle d'orientation des contrôles à Nice
Des contrôles plus nombreux et plus poussés.
Généralement, les douaniers se concentrent sur les marchandises mais là les contrôles se déroulent en présence des comités départementaux anti-fraude (CODAF), des représentants du ministère de l'intérieur et de la justice.
Dans les Alpes-Maritimes, 74 kilos de tabac illégal ont été saisis en une semaine.
Ces opérations sont menées sous l’autorité du préfet Bernard Gonzalez dans le département.
Elles se concentrent près de la frontière italienne : La Turbie mais aussi toutes les voies de contournement par la corniche.
Des cigarettes qui contiennent des produits nocifs (en plus de la nicotine) ont-elles été saisies ? La cheffe du pôle d'orientation des contrôles nous répond : "on ne s'attarde pas sur le contenu... à partir du moment où c'est de la contrebande on peut avoir de la très mauvaise qualité et toutes sortes de produits qui sont dangereux pour la santé".
Concernant le nombre de cartouches, que l'on peut rapporter d'un pays de la zone euro en France, la législation a été renforcée.
Auparavant, on pouvait revenir avec 4 cartouches, comme le précise la législation européenne.
Mais depuis 2020, en France, c'est une seule cartouche par personne.
Des agents formés pour la lutte contre la cybercriminalité
Sur internet, aussi le trafic augmente. Il y aurait actuellement 10.000 buralistes sur le Net.
Là aussi, la lutte va s'intensifier car c'est devenu le principal concurrent des buralistes.
Qu'ils soient frontaliers ou pas, les patrons assistent à une chute des ventes de 40 % de leurs paquets de cigarettes.
Samantha Verduron précise que des agents vont être formés à la cybercriminalité. Dès que les informations seront recoupées et enrichies par d'autres renseignements, les douaniers devront trouver les établissements de revente et intervenir.
Des mesures appréciées par les patrons de tabac qui avaient d'ailleurs alerté les autorités sur le risque de contrebande dès 2016.
C'était au moment du changement de l'emballage des cigarettes, lors de la mise en œuvre du paquet neutre, le 1er janvier 2017.
Pierre Romero, également patron d'un tabac à Antibes, réagit : "Je suis relativement optimiste.(...) On aura des rendez-vous réguliers avec les différents services."
La guerre contre la cigarette illégale est bel et bien déclarée.