"On se sent abandonnés" : un quartier de Marseille attend une école depuis 20 ans, on vous explique cette polémique

Une école prévue depuis plus de 20 ans qui n'est toujours pas construite, des élèves délocalisés, un car de ramassage scolaire qui ne passe pas, voilà le quotidien des parents, des élèves et des enseignants de la ZAC de la Capelette à Marseille dans le 9ᵉ et 10e arrondissement de Marseille. La tension est palpable ce vendredi 12 avril.

Plus de 200 élèves sont concernées par l'imbroglio autour de l'école de la ZAC de la Capelette (9e et 10e arrondissements de Marseille). Prévue depuis plus de 20 ans, cette école censée accompagner la création de ce nouveau quartier en 2000 n'a jamais vu le jour. Depuis, une école temporaire a vu le jour, mais a fermé ses portes... car installée en zone inondable. Délocalisés, les élèves sont soumis aux aléas d'un service de ramassage scolaire défaillant. Début avril, les parents d'élèves ont appris que la future école, prévue pour septembre 2024, "ne serait pas opérationnelle avant décembre 2024, au mieux". Dénonçant un abandon total de la municipalité, ils se rassemblent vendredi 12 avril pour organiser la riposte. 

France 3 Provence-Alpes revient sur 20 ans de galère.

Un projet titanesque 

L'aménagement de La Capelette est un grand projet porté par le département et la métropole, confié en 1993 en concession à la Soleam. Lors de la création de la ZAC de la Capelette, près de 2000 logements sont construits, et des infrastructures sont prévues, dont une école... qui n'a jamais vu le jour.

Le quartier de la Capelette s’étend sur environ 90 hectares et compte 5 400 habitants.

"La première fois qu'on a entendu parler de l'aménagement de la Capelette, c'était au début des années 2000, il y a une génération qui est passée, on a des parents qui auraient dû aller dans cette école-là et qui ont maintenant leurs propres enfants à scolariser", dénonce le collectif des écoles marseillaises.

Après des années d'attente, les parents d'élèves ont eu gain de cause et une école temporaire voit le jour en 2017.

Une école temporaire installée en zone inondable

Cette école temporaire a coûté près de 3,5 millions d'Euros et est installée sur les bords de l'Huveaune près du collège Louise Michel. C'est l'école Capelette-Curtel.

"Elle a été mise en place en 2017, parfaite pour les familles qui habitent à proximité. C'est une école en Algécos, mais comme ce sont des petits effectifs, c'était parfait", indique le collectif des écoles de Marseille.

Cette école bénéficie d'un permis de construire particulier.

"Quand ils ont construit cette école provisoire, comme ils n'étaient pas sur leur foncier, la ville avait fait un permis de construire précaire avec autorisation préfectorale d'une durée de vie limitée à cinq ans".

Entre-temps, un plan de prévention des risques naturels d'inondation (PPRI), établit que cette école temporaire est installée dans une zone inondable, en aval de l'Huveaune.

Une décision préfectorale

En mars 2022, la décision de la préfecture tombe. Le permis de construire précaire n'est pas renouvelé en raison des risques trop importants d'inondation. L'école figure sur la zone rouge.

En juin 2022, l'école provisoire de la Capelette-Curtel ferme ses portes, laissant plus de 200 élèves sur le carreau.

"L'intérêt général aurait dû être de faire une dérogation et de mettre des équipements de sécurité pour prévenir le risque", fait remarquer le collectif des écoles marseillaises, soulignant que "le risque d'inondation est certain, mais le risque d'avoir une crue soudaine est nul car l'Huveaune vient depuis Aubagne, on a le temps de la voir venir la crue, donc d'évacuer".

Malgré la mobilisation des parents d'élèves et des enseignants, les pétitions, les élèves ont été délocalisés à plus d'un kilomètre de leur lieu de vie et de leur ancienne école, "surchargeant une autre école".

Une délocalisation qui ne passe pas 

De l'école Capelette-Curtel, les élèves sont accueillis à la rentrée 2022-2023, "après de nombreux travaux", dans l'école Parc Dromel, "déjà bien remplie dont la directrice n'est autre que Sophie Guérard, (adjointe chargée de la place de l'enfant dans la ville)", souligne le collectif.

Les parents font le test, "à pied, il faut plus de 30 min sans enfants pour s'y rendre et 50 minutes avec les enfants. Comble de l'ironie, en longeant l'Huveaune, le fleuve qui peut donc déborder par temps de pluie. Mais ce n'est pas grave, car là, ce sera la responsabilité des parents et non de la mairie", s'agace le collectif. La mairie prend les choses en main et après un appel d'offre, confie le transport des élèves de la première année de maternelle au CM2, à l'entreprise Nap (Nouveaux autocars de Provence), "à raison de deux rotations le matin et trois le soir."

Et ironie de la situation : "Il a été décidé que le point de rassemblement pour attendre le bus au départ et à l'arrivée se fait devant leur ancienne école, c'est une sorte de supplice", indiquent les parents d'élève.

Un ramassage scolaire défaillant

Seulement ce qui devait être parfait sur le papier, se révèle plus compliqué au quotidien, des rotations du matin ou du soir sont supprimées sans que les parents soient au courant. Et l'entreprise choisie par la municipalité, Nap, fait faillite. Le repreneur est l'entreprise Flixbus, et les problèmes s'accumulent.

"Certains matins, comme ce matin, le bus ne vient pas du tout, ou c'est le soir... Les parents se retrouvent dans des situations compliquées, ils sont au courant au dernier moment, devant lâcher le travail pour aller chercher les enfants", déplore le collectif de parents. Bien que les enfants ne soient pas seuls, "il y a des avec accompagnateurs, des agents municipaux qui ne sont pas formés, qui ne sont pas des éducateurs".

Les parents d'élèves disent ne plus avoir de contact avec la mairie, "qui ne répond plus, qui ne trouve pas de solutions pour pallier ces défaillances, on se sent abandonnés".

Les parents d'élèves ont l'impression "d'être dans une guerre entre la métropole et la mairie, où chacun se renvoie la balle." Les parents racontent que la mairie de Marseille les enjoint d'écrire un mail à la métropole, en charge selon elle des transports, "alors que le ramassage incombe à la ville", détaille le collectif des écoles.

Dans les communes rurales, le transport scolaire incombe au département, "dans ce cas précis d'école délocalisée, cela incombe à la mairie", insiste le collectif, rappelant que dans le cadre du plan Marseille en grand, "d'autres écoles, une quarantaine sont ou vont être dans le même cas, pendant la rénovation ou la construction des nouvelles écoles prévues".

La future école livrée aux calendes grecques

Les habitants de la Capelette en ont marre. "Ce sont les parents, les habitants, les contribuables, tout le monde trinque dans cette histoire et surtout les propriétaires. Il y a beaucoup de primo-accédants qui ont acheté sur plan des logements dans lesquels on leur promettait des terrains sportifs, une école, toutes les infrastructures et au final, ils se retrouvent avec rien du tout", déplore le collectif, ajoutant que "de nombreuses personnes ont décidé de quitter les lieux". 

Selon le collectif, "les enseignants ont fait remonter tous ces problèmes, car tout le monde est à bout, les enfants arrivent stressés à l'école, cela se ressent sur leur concentration, leur travail, les parents sont à bout de nerfs, cette situation met à cran tout le monde".

Et la dernière nouvelle qui vient de tomber cette semaine, n'est pas de nature à calmer les esprits. "On vient d'apprendre que la livraison de la nouvelle école, prévue en septembre 2024 est repoussée, en décembre 2024, au mieux", désespère ce père de famille, membre du collectif des écoles marseillaises.

L'équipe municipale a envoyé un mail aux parents pour leur annoncer la nouvelle et leur ont donné rendez-vous la semaine prochaine pour une réunion d'information à ce sujet. Mais la coupe est pleine, ce vendredi 12 avril, à 16h30, les parents se rassemblent devant l'école temporaire, vers le collège Louise Michel, pour une vente de gâteaux au profit de l'association des parents d'élèves et aussi pour organiser la riposte à une semaine des congés de printemps.

Selon le collectif, "ils n'en ont rien à faire de l'école publique, tout est fait pour l'école privée dans cette ville, on le voit bien. Mais c'est un autre sujet..." 

Contacté, Pierre-Marie Ganozzi, n'a pas pu répondre à nos questions, mais la mairie par la voie de son service presse nous a indiqué qu'"une réunion doit se tenir la semaine prochaine entre les services compétents de la ville et le prestataire de service des transports pour faire un point sur la situation. À l'issue de laquelle, la municipalité reviendra vers les parents d'élèves pour détailler les accords mis en place pour la suite de l'année".

D'autre part, la mairie confirme la livraison de la nouvelle école "au dernier trimestre de 2024", sans pour autant donner une date précise.

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