Les réactions se multiplient après les propos de Frédéric Veaux dans le Parisien. Le directeur général de la police nationale a apporté son soutien au policier incarcéré suite à une plainte pour violences policières sur un jeune de 21 ans à Marseille en marge des émeutes début juillet.
Il ne s'est pas exprimé après sa rencontre avec les policiers en colère à Marseille le samedi 22 juillet. C'est dans un entretien publié par Le Parisien ce lundi 24 juillet que le directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux, est revenu sur la mise en examen de quatre policiers de la BAC et le placement en détention provisoire de l'un d'eux. Ils sont poursuivis pour violences sur un jeune homme de 21 ans, Hedi, en marge des émeutes, à Marseille début juillet, suite à la mort de Nahel à Nanterre (Hauts-de-Seine). France 3 Provence-Alpes vous explique pourquoi les propos du patron de la police suscitent l’indignation.
Qu’a déclaré le patron de la police ?
"Le savoir en prison m'empêche de dormir", a déclaré Frédéric Veaux. Il faut se donner les moyens techniques et judiciaires pour que ce fonctionnaire de police retrouve la liberté". Le DGPN désapprouve cette mise en détention. "Je considère qu'avant un éventuel procès, un policier n'a pas sa place en prison, même s'il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail".
"Mais la justice ne cède jamais à la pression médiatique ou de la rue, elle traite les dossiers. L'émotion et la colère passées, il faut se donner les moyens techniques et judiciaires pour que ce fonctionnaire de police retrouve la liberté", a-t-il ajouté.
L'ancien préfet de police de Marseille (2015-2017) et actuel préfet de police, a soutenu sur Twitter la position de Frédéric Veaux. "Je partage les propos du DGPN. Fier d’avoir été préfet de Police des Bouches-du-Rhône et aujourd’hui à la tête des 30 000 policiers de Paris et de l’agglomération parisienne", a-t-il écrit.
Dans quel contexte arrivent ces propos ?
Les policiers ont exprimé leur colère dès la mise en examen de leurs collègues de la BAC et le placement en détention de l'un d'entre eux, jeudi, alors que les trois autres étaient remis en liberté sous contrôle judiciaire avec interdition d'exercer.
Une cagnotte lancée par l'Amicale des policiers de la BAC a lancé en ligne le jour même en soutien aux quatre policiers mis en examen. Elle a récolté 40 000 euros, avant d'être provisoirement suspendue par la plateforme, après plusieurs signalements des internautes.
En parallèle, un syndicat a lancé un appel au code 562, le service mininum et plusieurs centaines d'agents se sont mis en arrêts-maladie. Aucun chiffre n'est donné officiellement mais le mouvement se répercute dans certains commissariats. Seules les urgences sont traitées et les dépôts de plainte ne sont pas tous pris.
Quelles sont les réactions ?
Pour la Nupes, ce soutien ne passe pas. Jean-Luc Mélenchon, ex-député LFI des Bouches-du-Rhône, s'est insurgé sur Twitter. "Alors ? Darmanin, Macron et "l'arc républicain" refusent d'appeler la police au calme et au respect de la loi ? Donc ils les encouragent à "faire la guerre" aux "nuisibles" ? Écœurant. L'État ridiculisé."
Manuel Bompard, qui a repris le fauteuil de Jean-Luc Mélanchon à l'Assemblée pour la 4ᵉ circonscription des Bouches-du-Rhône renchérit sur Twitter : "Propos inacceptables. Mais le ministre de l’Intérieur se mure dans le silence."
Colère aussi exprimée par le député insoumis marseillais Hendrick Davi pour qui "Frédéric Veaux ferait mieux de démissionner". "Le directeur général de la police estime donc que les policiers ne sont pas soumis aux mêmes règles que les autres citoyens. En général, le juge ne décide pas d’une détention provisoire sans de solides raisons…"
Si cette prise de parole du DGPN fait autant réagir, c’est parce qu’il s’agit d’un "évènement majeur", analyse le chercheur Sebastian Roché, spécialiste des questions de délinquance et de la police, sur le même réseau social. "En s’en prenant – en tant que fonctionnaire – au fonctionnement des institutions, il introduit un coin dans l’autorité de l’État. Et pas un petit", commente-t-il.
"Un haut fonctionnaire en activité pourrait ainsi défier la séparation des pouvoirs, et conseiller à l’autorité judiciaire son comportement. Quelle justification à cette tactique ? On va entendre les plus hautes juridictions judiciaires et administratives s’exprimer très vite."
Le président du tribunal judiciaire de Marseille, Olivier Leurenta rappelé dans un communiqué que "l'indépendance de la justice est un principe constitutionnel et une garantie essentiel dans un Etat de droit." Il appelle à plus de "mesure" et de "sérénité" pour que "l'institution judiciaire puisse poursuivre ses investigations."
Les deux principaux syndicats de magistrats ont, eux, jugé "gravissimes" les propos du patron de la police nationale. "Le DGPN, sous la tutelle du ministre de l'Intérieur, fait pression sur l'autorité judiciaire dans une affaire individuelle. Gravissime. Strike pour l'indépendance de la justice, la séparation des pouvoirs et l'égalité devant la loi. Le Président de la République doit réagir", a tweeté lundi le Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche).
Les propos du patron de la police nationale sont "scandaleux" et "gravissimes dans un état de droit", a également réagi Cécile Mamelin, vice-présidente de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire). "C'est stérile et dangereux. On attend une réaction au plus haut niveau de l'Etat pour remettre les pendules à l'heure", a-t-elle encore déclaré.
L'Union des Jeunes Avocats du Barreau de Marseille quant à lui "s'oppose à la cration d'une exception prise sous le coup de l'émotion qui conduirait à une rupture du principe d'égalité" devant la loi.
Comment réagit le président de la République ?
"C'est une décision qui a été prise par un magistrat et donc je ne me prononcerai pas sur celle-ci", a expliqué le chef de l'Etat, soulignant qu'il est "le garant des institutions et aussi de l'indépendance de l'autorité judiciaire".
Emmanuel Macron a affirmé comprendre "l'émotion" des policiers, rappelant que 900 policiers avaient été blessés lors des émeutes et qu'ils avaient été confrontés à une "violence extrême".Mais il a toutefois rappelé que "nul en République était au-dessus de la loi", refusant de commenter les propos polémiques du patron de la DGPN qui a estimé qu'un policier "n'a pas sa place en prison".
La "légitimité" des policiers "tient du fait qu'ils protègent le cadre républicain et qu'ils font respecter les lois démocratiquement votées", a répondu le président de la République sur TF1 et France 2.
"Bien évidemment, eux-mêmes s'inscrivent dans le cadre de la loi et de l'état de droit", a-t-il déclaré. M. Macron. Après avoir rappelé que 900 policiers avaient été blessés lors des émeutes et qu'ils avaient été confrontés à une "violence extrême".
Au sein du gouvernement d'Elisabeth Borne, seule la voix de Gérald Darmanin s'est fait entendre. Le ministre de l'Intérieur a fait connaître auprès de BFMTV son soutien au directeur de la police nationale, qu'il a nommé en 2020. "Le ministre a une très grande confiance en son directeur général de la police nationale", a expliqué ainsi lundi 24 juillet un proche de Gérald Darmanin.