Depuis septembre 2023, Marseille, ses élus, ses personnalités et ses habitants, s'impliquent largement dans l'aide apportée aux victimes du conflit au Haut-Karabakh. La ville a noué depuis des dizaines d'années des relations privilégiées avec l'Arménie.
Main dans la main, le Conseil national des Conseils de coordination des organisations arméniennes de France Sud (CCAF), SOS Chrétiens d’Orient et le Conseil démocratique kurde en France appelaient à manifester le 1ᵉʳ octobre à Marseille.
Le conflit du Haut-Karabakh (Artsakh) touche en plein cœur la communauté arménienne de Marseille et plus largement les Marseillais qui se sont immédiatement mobilisés pour venir en aide aux réfugiés.
Après une offensive éclair des forces azéries en septembre 2023, la quasi-totalité de la population arménienne a dû fuir ce territoire indépendantiste, enclavé en Azerbaïdjan. Depuis deux semaines, la République autoproclamée du Haut-Karabakh se vide de ses habitants. Près de 120 000 Arméniens ont pris la route et les exilés se retrouvent en Arménie, un tout petit pays dépassé par l'ampleur de cet exode.
L'aide internationale s'organise notamment au départ de Marseille, car la ville a un lien particulier avec l'Arménie.
La mobilisation associative s'organise depuis Marseille
Il y a quelques semaines, le réalisateur marseillais et arménien Robert Guédiguian lançait un vaste appel aux dons auprès de la communauté arménienne, pour soutenir ce pays "menacé de disparition".
Aujourd'hui, trois associations pilotent l'aide d'urgence à Marseille au travers de collectes de fonds en ligne, La Croix Bleue des Arméniens de France, Altitude 5165 et l'UGAB, l'Union générale arménienne de bienfaisance.
Selon la présidente de la section marseillaise de l'UGAB, Aurore Bruna, "en Arménie, on trouve tous les produits de première nécessité, l'argent collecté permettra d'acheter les produits sur place, ce qui fait tourner l'économie et permet de fournir l'aide au plus près des réfugiés, de leurs besoins et d'éviter les problèmes de logistique que l’on peut rencontrer dans l'acheminement des dons." Cette association n'exclut pas d’organiser dans les jours qui viennent un appel à volontaires, lesquels pourraient être envoyés en renfort des bénévoles déjà sur place.
Par ailleurs, l'antenne locale du CCAF coordonne l'aide médicale. Les Hôpitaux Universitaires de Marseille (AP-HM) fournissent des équipements (lits médicalisés, fauteuils roulants etc...) ainsi que des médecins volontaires. L'Agence régionale de santé (ARS) approvisionne en médicaments vitaux manquants, listés par les autorités arméniennes. Des spécialistes sont envoyés au chevet des enfants traumatisés nécessitant un accompagnement psychologique.
Guédiguian, Payan et Delogu s'engagent
Si Robert Guédiguian est la figure de proue de cette mobilisation à Marseille, c'est à sa demande que la mairie de Marseille a hissé le drapeau arménien au balcon de l'hôtel de ville. Un geste de solidarité pour protester contre l'agression de l’Azerbaïdjan.
Au fil de ses prises de paroles, Benoît Payan n'a cessé de s'indigner avec véhémence, notamment sur X (ex-twitter) où il exprime sa position politique : "Le peuple arménien du Haut-Karabakh fait face à la guerre, à une épuration ethnique et à l’exil. Nous ne pouvons pas nous taire. J'appelle, avec de nombreux élus, à des actes forts et à des sanctions contre l'Azerbaïdjan".
De nombreux parlementaires de la région ont eux aussi affiché leur soutien à la cause des exilés. C'est le cas de Sébastien Delogu, député des Bouches-du-Rhône d'origine arménienne, qui s'est rendu ce mardi sur les traces des réfugiés avant de rencontrer des parlementaires arméniens, dénonçant le sacrifice humain sur l'autel des enjeux financiers : "dans ce monde où la seule et unique boussole est l'argent, il n'y a plus de place pour le droit humain ", s'est-il indigné sur BFM-TV, rappelant que la menace d'une guerre en Arménie fait trembler tout un peuple.
Près de 80 000 Arméniens vivent à Marseille
La création de l'antenne marseillaise de l'UGAB remonte à 1910, mais le lien privilégié entre Marseille et l'Arménie s'établit véritablement quelques années plus tard.
Après le génocide de 1915, fuyant la terreur instaurée par le gouvernement turc de l’époque, des dizaines de milliers d'Arméniens se sont installés en France, transitant par Marseille avant de partir vivre ailleurs en France ou aux États-Unis.
Entre 1922 et 1925, près de 60 000 Arméniens débarquent sur les quais de la Joliette. "Marseille était la terre de la paix et de la liberté retrouvées, celle où ils se sont enracinés" explique Aurore Bruna, "donc forcément, il y a cet attachement pour une ville d'accueil, un lien de cœur qui s'est noué".
La seconde vague d'exilés surviendra dans les années 50. À ce jour, ce sont près de 80 000 Arméniens qui vivent, dans la cité phocéenne, "intégrés et non assimilés", précise Aurore Bruna, "parce que l'assimilation sous-entend que l’on oublie ses racines. Nous, on les cultive, tout en étant, comme le disait Charles Aznavour, 100% français et 100% arméniens."