Face aux nombreux règlements de comptes qui ont eu lieu récemment à Marseille, la procureure Dominique Laurens évoque le rythme des enquêtes, les moyens alloués à la police et à la justice et les solutions pour enrayer cette escalade.
Le lundi 12 juin, une nouvelle fusillade a fait quatre blessés, dont deux graves, à Marseille. Depuis le début de l'année, 23 personnes sont mortes dans des règlements de comptes liés aux trafics de stupéfiants. Face à cette flambée de violence, un collectif de familles de victimes, plus de 100 parlementaires et une dizaine de maires, dont celui de Marseille, ont fait paraître mardi une tribune dans laquelle ils demandent notamment plus de moyens pour résoudre ces affaires. Dans ce contexte, la procureure de la République de Marseille Dominique Laurens a répondu à trois questions de France 3 Provence-Alpes.
- Pourquoi ne stoppe-t-on pas cette flambée de violence ?
Les enquêteurs ont déjà interpellé des individus, voire des équipes. On n'arrive pas pour l'instant à maîtriser ce phénomène parce que, derrière, des individus lourdement armés avec des intérêts financiers très importants continuent à s'affronter pour s'approprier un certain nombre de points de revente de stupéfiants. C'est ça qui est en train de se jouer. Mais nous, nous travaillons et il y a déjà eu des interpellations dans des dossiers de cette année.
- Avez-vous les moyens pour y arriver ?
Ce qui est important pour nous, ce sont les stratégies d'enquête que nous développons et donc la capacité des services de police judiciaire de services spécialisés à avoir des enquêteurs en nombre suffisant, pour arriver à prendre les dossiers où ils arrivent, mais aussi à faire des investigations longues et complexes pour aboutir à des interpellations. Nous avons besoin tant sur le plan police que sur le plan justice, d'être outillés pour réussir à avoir une structure qui nous permette de réagir très rapidement en terme d'enquête.
Des moyens supplémentaires nous ont été octroyés. Mais en l'état, on voit bien qu'ils ne sont pas à la hauteur des enjeux qui nous sont retransmis par l'ensemble des familles des victimes, qui souhaitent que nous arrivions beaucoup plus rapidement à des interpellations.
"En réalité nous sommes sans arrêt sous la pression des faits qui sont commis."
Dominique Laurens, procureure de Marseille
L'élucidation derrière nécessite du temps, des investigations longues et complexes. C'est en cela que nous avons besoin de moyens aussi.
- Ces affaires sont-elles élucidées ?
Ce qui m'a surprise dans la tribune publiée par Mediapart, c'est qu'on a dit que le parquet aurait une politique de classement sans suite de tels actes. C'est totalement faux. Je pense qu'on ne peut pas dire que les enquêtes avancent trop lentement.
La difficulté des services de police judiciaire, c'est qu'actuellement il y a une densité et un rythme des passages à l'acte très important. Mais ils ont une connaissance du milieu qui leur permet d'aboutir, parfois immédiatement. Il y a eu des arrestations importantes. C'est vraiment la démonstration que les services de police judiciaire sont très impliqués et travaillent en lien étroit avec notre division d'action publique criminalité organisée pour mettre un terme à ces actes. Nous élucidons aussi des faits du passé. Nous avons élucidé cette année des faits qui s'étaient déroulés en 2021 et en 2022. Les informations judiciaires sont ouvertes, elles sont effectivement compliquées.
Je pense que la situation a besoin d'être très stabilisée au niveau des services d'enquête et au niveau des services judiciaires. On ne peut plus se permettre d'avoir des difficultés en terme de greffe par exemple, et en terme de juge qui ne serait pas remplacé, en terme de magistrat du parquet qui ne serait pas remplacé immédiatement. On a besoin de stabilisation des effectifs et de montée en puissance pour affronter cette densité actuelle des enquêtes.