Au cours des siècles, les Provençaux n’ont jamais compromis la disponibilité en eau. Mais la donne pourrait bien changer. Explication avec le film "Empreinte, la signature de l’eau en Provence", qui trouve un écho particulier dans l'actualité, marquée par la sécheresse.
"Est-il vraiment nécessaire de rappeler que nous devons tout à l’eau, que nous en avons tous la responsabilité ? Malheureusement oui. Il devient donc urgent de faire de cette ressource une priorité en matière de protection et de gestion, d’éducation et de sensibilisation".
En 2015, Nelly Kars et Bruno Lambert lançaient Water stories, un projet éducatif dont le propos est d'inciter le public à transformer sa relation à l’eau.
Après "La dame des lacs" et "Il était un Verdon", les deux réalisateurs, amoureux de nature et d’aventure, signent ici un nouvel opus dans lequel ils interrogent "l’empreinte" laissée par l’eau en Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Depuis plus de trois milliards et demi d’années, l’eau façonne les reliefs et la vie. Elle imprime de sa signature tout ce qui nous environne : paysages, milieux, atmosphère, aménagements, agglomérations, voies de communication…
"L’eau en Provence, c’est toute une histoire" disait Marcel Pagnol et cette histoire est inscrite dans le paysage.
Bruno Lambert
L’empreinte de l’eau, c’est la mémoire d’une région marquée par cet élément souverain. La mémoire collective d’un peuple très ancien qui a dû faire preuve d’audace et d’ingéniosité pour composer avec l’eau, la dompter, l’apprivoiser.
Car les Provençaux ont appris très tôt à considérer et à gérer cette ressource comme nulle part ailleurs.
Climat contrasté, sécheresses endémiques et contraintes du relief les ont obligés à en faire bon usage, à trouver la juste mesure dans les aménagements destinés à irriguer les plaines avec l’eau des montagnes ou à canaliser les crues particulièrement violentes de certains cours.
Si l'on regarde une carte, on se rend compte que l’eau est inscrite partout sur le territoire, elle est dans les noms de lieux.
Bruno Lambert
Bien avant les grands ouvrages de la seconde moitié du 20ème siècle - barrage de Serre-Ponçon, retenue de Sainte-Croix ou canal de Provence par exemple - les aqueducs romains symbolisent cette conquête de l’eau en Provence. Au Moyen-Age, on s’attelle à des assèchements de zones humides. Puis dès le 18ème siècle, on construit des aménagements comme le barrage Zola ou le canal de Craponne…
Une explosion de l'utilisation
Au cours des siècles, la disponibilité en eau n’a jamais été compromise. Mais aujourd’hui, ce bien commun irremplaçable est menacé par l’évolution de la société, soulignent les réalisateurs.
L’essor démographique et l’élévation des niveaux de vie que connaîtra le territoire dans les prochaines décennies s’accompagneront nécessairement d’une explosion de l’utilisation de l’eau, alors qu’il faudra de surcroît préserver les milieux.
"La singularité provençale, c’est d’avoir un cycle de l’eau qui ne correspond pas au cycle des besoins humains. Au moment où l'on a le plus besoin d’eau en été, c’est là où il y en a le moins" rappelle Georges Olivari, cofondateur de la Maison Régionale de l’Eau. "Le deuxième élément qui marque le territoire, c’est que 80% de la population vit sur la frange littorale, très éloignée des ressources en eau".
Un enjeu d’autant plus crucial à l’aune du changement climatique qui impacte particulièrement le sud-est.
"Toutes les études abondent dans le même sens : la ressource en eau est menacée, pas forcément en volume mais dans la façon dont elle va se disperser, être captée, dont elle va se manifester et dont on va pouvoir l’utiliser" explique Ariane Beauvillain, directrice concessions EDF Hydro Méditerranée.
Alors, la guerre de l’eau aura-t-elle lieu ? Comment concilier les différents usages, domestiques, agricoles, industriels ou touristiques ?
"On voit bien que réchauffement climatique, plus développement économique, développement de l’urbanisation, essor démographique, tout cela ne va pas sans heurts et sans difficultés. Comment l’ensemble du multi-usages va-t-il résister, c’est une vraie question" reprend Ariane Beauvillain.
La Provence a-t-elle la capacité d’amorcer ce tournant ? Inscrite dans le paysage et dans la mémoire collective, la signature de l’eau pourrait-elle nous aider à mieux appréhender notre futur ?
Entre documentaire pédagogique et manifeste poétique, ce film, tourné dans les paysages splendides d’une région de caractère, nous invite à repenser notre rapport à la nature.
EMPREINTE, la signature de l'eau en Provence
Un film de 52 mn de Nelly Kars et Bruno Lambert.
Produit par Octopuce Production sous tutelle du programme d'éducation environnemental Les Marcheurs de la Terre®.
Diffusion jeudi 16 mars à 22h50 sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur.