Grotte Cosquer : dans les coulisses de la construction de la réplique à Marseille

Elle a ouvert ses portes au public le 4 juin 2022, au terme d’un chantier hors du commun qui a mobilisé de multiples corps de métiers. Pendant près de 2 ans, entrepreneurs, charpentiers, plasticiens, géologues, préhistoriens… ont conjugué leurs savoirs et leurs talents pour reconstituer, avec un réalisme minutieux, la célèbre grotte ornée. Le film "Grotte Cosquer : de l’ombre à la lumière" nous emmène dans les coulisses de ce projet grandiose.

Quand il a conçu la Villa Méditerranée, l’architecte Ivan Di Pol n’imaginait pas que son bâtiment, défi architectural aux dimensions atypiques, servirait un jour d’arche de Noé à une grotte submergée des calanques de Marseille.

Et pas n’importe laquelle : la grotte Cosquer, découverte en 1985 par le plongeur Henri Cosquer. Un site exceptionnel par sa richesse archéologique et son état de conservation. La cavité, vieille de plus de 30 000 ans, est ornée de centaines de dessins d’animaux, de gravures, d’empreintes de mains… autant de vestiges précieux laissés par nos ancêtres du Paléolithique.

Mais ce joyau de l’art pariétal est aujourd’hui menacé de disparition par la montée des eaux. Comment sauvegarder et valoriser ces fragiles traces d’humanité ?

Une fourmilière humaine

Longtemps évoquée par les politiques à Marseille, la création d’une réplique est finalement lancée par Renaud Muselier, Président de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, à l’automne 2019.

Depuis, c’est une véritable fourmilière humaine qui s’active sur l’esplanade du J4 : entrepreneurs, charpentiers, plasticiens, géologues, préhistoriens vont se croiser, se succéder pendant plusieurs mois pour mener à bien ce projet ambitieux.

Reconstituer une grotte partiellement immergée à l’intérieur de la Villa Méditerranée était déjà un défi osé. Si les lieux se prêtent au jeu - le bâtiment construit à fleur d’eau est doté d’un sous-sol à plus d’une dizaine de mètres sous le niveau de la mer –  les difficultés ne manquent pas : exploiter un espace plus petit que la grotte d’origine, parvenir à gommer la superstructure et à lui donner un aspect géologique le plus réaliste possible…

L’architecte Corinne Vezzoni sait qu’il va falloir jouer d'artifices et faire appel à des experts et des artistes pour relever le défi. "Ce qui m’a touchée, c'est que ces hommes préhistoriques faisaient avec l'existant, ils faisaient avec le volume, la spatialité de la grotte, et nous, architectes, on fait toujours pareil" raconte-t-elle. "Et ça, c’est quelque chose d’assez émouvant à mon sens : on s’adapte à un lieu."

Au sous-sol, un ballet commence, au rythme des soudures, des découpes, des coups de truelles et de perceuses. Les corps de métiers se croisent, se complètent sur un ouvrage qui va les transformer, les marquer à jamais.

A des kilomètres de là, dans le sud-ouest, les équipes de Gilles Tosello et Alain Dalis entrent en action : c’est dans leurs ateliers que vont être reproduits les pariétaux, à partir des photos et relevés des scientifiques qui ont pu plonger dans la grotte.

Un nouveau défi

Pour ces artistes plasticiens, déjà rompus au travail de réplique, Cosquer est un nouveau défi. "L’art préhistorique restitue une énergie, qui est conservée par delà les dizaines de millénaires, que l’on doit transmettre. Le but, c’est de traduire l’œuvre d’un autre et c’est là que ça devient difficile" confie Gilles Tosello. "La documentation a une très grande importance, particulièrement dans le cas de cette grotte qui est inaccessible"

Tapissant les murs de l'atelier, des dizaines de photos vont permettre de recueillir des informations visuelles à différents niveaux, de loin comme de près, dans les moindres détails.

"Surtout, il ne faut pas qu’on interprète ce qui a été fait. On doit avoir le plus grand respect de ces œuvres paléolithiques, donc on va refaire exactement comme c’est" souligne Alain Dalis. "Il faut vraiment qu’on sente l’impulsion du geste, la rapidité d’exécution, ça c’est très important parce que ça montre toute la maîtrise qu’avaient ces hommes préhistoriques."

Les panneaux ainsi créés vont être intégrés - opération délicate - dans une superstructure d’acier et de béton, puis assemblés pour ne faire qu'une seule et même paroi.

Mais le chantier n’est pas terminé. Outre les parois ornées, il faut aussi reconstituer les strates géologiques, les concrétions, les couleurs... Là encore, le souci du micro détail est permanent, pour rendre le support parfaitement crédible.

"Dans la grotte Cosquer, on a tout le panel géologique, c’est très fouillé, presque de la dentelle, certains appellent ça une forêt géologique" explique Marc Burdet, chef de travaux. "Ces formations-là se font sur 17, 18 000 ans. Donc il faut tricher pour avoir la même vraisemblance et le même rendu final." 

Moi je suis un faussaire, je donne l’impression que les murs sont là depuis une éternité.

Roger Mattei, artiste plasticien

La mise en lumière a aussi toute son importance. Quelques jours avant l’ouverture, Solveig Pezin, conceptrice lumière, procède aux ultimes ajustements : "il y a 350 luminaires à régler en intensité, en orientation, et à cacher. L’idée, c’est de ne pas voir les luminaires, ni les sources…"

Contrairement à d'autres répliques, comme celle de Chauvet, ici le parcours n'est pas déambulatoire. Les visiteurs emprunteront des "modules d'exploration", petits wagonnets circulaires, équipés d'audio-guides, qui les emmèneront à basse vitesse le long d'un tunnel. 

Un choix original lié à la configuration de la cavité d'origine. "La vraie grotte est penchée, elle débouche sur une cheminée qui monte très haut et un puits qui descend à 24 mètres. Et dans la grosse partie de la grotte, il faut parfois ramper, grimper, passer sous la roche, c'est extrêmement complexe... Donc en faire une grotte déambulatoire avait moins de sens" explique Sylvain Depitout, responsable communication de la réplique.  

C'est pourquoi l'intérieur de la cavité a été entièrement scanné : "on a obtenu 344 scans différents, qu’on a remis à plat et qui numériquement ont été positionnés pour former un tunnel de 220 mètres de long".

L'idée est donc de découvrir le site "à la manière d'Henri Cosquer". "Devant vous, le tunnel sera sombre, quasiment noir, et c’est votre module qui déclenchera des éléments lumineux qui vont permettre de découvrir petit à petit les œuvres de la grotte Cosquer".  

De quoi s’immerger dans le monde de la Préhistoire et admirer de près les chefs d’œuvre réalisés par nos ancêtres. Une nouvelle vie pour la grotte Cosquer ?

Découverte il y a plus de 30 ans, cette dernière a été à un moment donné quelque peu oubliée : "elle s’est un peu dissoute dans la mémoire collective" observe Cyril Montoya, directeur de l'équipe scientifique. "La restitution va la faire redécouvrir une nouvelle fois".

Pour autant, ce site exceptionnel n’a pas encore livré tous ses secrets. Les missions de recherche se poursuivent donc sur place... pendant qu’il en est encore temps.

Une course contre la montre pour sauver la mémoire de la grotte avant qu'elle ne soit à jamais engloutie.

"Grotte Cosquer : de l’ombre à la lumière"
Un film de 52 mn réalisé par Jean-Claude Pascal Flaccomio.
Coproduction France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur / WeGo Productions.
Diffusion jeudi 2 juin 2022 à 23h50 sur France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur.

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