La ministre de la Santé a signé un arrêté d'interdiction de Sniffy, au cœur d'une polémique depuis quelques mois après sa commercialisation sous la forme d'une poudre blanche à sniffer par le nez avec une paille.
Sniffy aura connu un succès commercial aussi fulgurant et qu'éphémère. Au cœur d'une polémique depuis quelques mois, le produit énergisant lancé par des entrepreneurs basés à Marseille va être retiré du marché. La ministre de la Santé a signé, mercredi 24 juillet, un arrêté d'interdiction de Sniffy, commercialisée sous la forme d'une poudre blanche à sniffer par le nez avec une paille, comme la cocaïne. France 3 Provence-Alpes revient en 5 actes sur cette affaire.
Acte 1 : des Marseillais lancent la vente de Sniffy sur internet
En juin 2023, deux entrepreneurs, Mathieu Norton et Jonathan Dery, dépose la marque Sniffy à l'Iinpi. La poudre blanche à inhaler par le nez avec une paille est fabriquée dans "un laboratoire artisanal", installé au cœur du quartier de la Pomme, à Marseille, comme le révèle France Bleu Provence.
VIDÉO - C'est ici à Marseille qu'est fabriquée la "Sniffy", la poudre à sniffer qui fait polémique, désormais en vente dans certains bureaux-tabac.@bleuprovence a retrouvé un "laboratoire" artisanal dans le 11e arrondissement, quartier de la Pomme
— France Bleu Provence (@bleuprovence) May 28, 2024
vidéo P. Boccara/France Bleu pic.twitter.com/tWx9oGPJz5
Sniffy est présenté comme un produit énergisant tout à fait légal, à base de la l-arginine, un acide aminé, de la caféine, de la créatinine, de la l-citrulline, la taurine ou encore de la maltodextrine et agissant pendant 20 à 30 minutes. Il se décline en plusieurs saveurs sucrées, menthe, citron vert, ou fraise bonbon, etc. Interdit aux mineurs, il est en vente libre sur Internet et chez certains buralistes, autour de 15 euros, la boîte (correspondant à environ 20 "sniffs", soit des inhalations par le nez).
Acte 2 : la publicité de Sniffy déclenche la polémique
Le 24 mai, Nahida Eddine, lance une pétition qui récolte plus de 21 300 signatures, pour "interdire immédiatement Sniffy, qui est une apologie de la drogue". Le lendemain, sur Franceinfo, le ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, monte au créneau contre cette "cochonnerie"qu'il faut "interdire dès qu'on peut".
🔴Poudre blanche vendue en bureau de tabac ➡️ "C’est rageant de voir ce genre de produits vendus à la jeunesse (…) il faut l’interdire dès que l’on peut", lance Frédéric Valletoux. pic.twitter.com/Uerzpe0YrZ
— franceinfo (@franceinfo) May 25, 2024
L'euphorisant instantané vise les jeunes consommateurs sur les réseaux sociaux. Sur Tik Tok, les vidéos de promotion ont dépassé le million de vues en quelques mois. Les ventes explosent. "Une poudre blanche qu'on inhale par le nez ? Bien que cela puisse évoquer le plaisir interdit, c'est totalement conforme à la loi", vante alors la marque Sniffy sur son site internet, jouant sur les codes de la consommation de cocaïne.
Mais le succès fulgurant attire l'attention des autorités et des toxicologues. "C'est une référence perverse à la cocaïne", s'indigne l'addictologue Michael Bazin auprès de France 3 Provence-Alpes, qui estime que Sniffy "vient indirectement alimenter la consommation de cocaïne", déjà en constante augmentation.
Les spécialistes des addictions condamnent unanimement le produit, tout comme les syndicats policiers et les buralistes.
Acte 3 : le gouvernement saisit la Commission européenne
Le 3 juin, le gouvernement français dépose un arrêté auprès de l'Europe pour faire interdire Sniffy. Le texte demande "la suspension pour une durée d’un an de la mise sur le marché, à titre gratuit ou onéreux, des produits vendus sous forme de poudre destinés à être consommés par voie intranasale entretenant une confusion avec la consommation de stupéfiants".
Dans sa notification, l'arrêté argumente que les "modalités de consommation et de commercialisation" de ces poudres "sont de nature à banaliser l’utilisation de ce produit stupéfiant" et "que la voie d’administration intranasale de ces poudres présente un risque avéré, en cas de recours répété, de fragilisation des voies nasales avec des effets délétères associés tels que saignements, congestion, infections des sinus, pouvant aller jusqu’à une rupture du septum, et que les substances actives contenues dans ces poudres sont susceptibles de produire des effets nocifs sur l’épithélium nasal et son environnement".
Acte 4 : Sniffy transforme sa poudre à sniffer en poudre à avaler
Face aux menaces d'interdiction, la marque se repositionne et revoit sa communication du tout au tout. Sniffy n'est plus une poudre à sniffer. La poudre ne s'inhale plus par le nez avec une paille, l'absorption se fait "par voie orale" ou "sublinguale". Sur ses réseaux sociaux, c'est le grand ménage. Disparues les vidéos faisant référence à la consommation de la poudre par le nez.
Acte 5 : la France interdit Sniffy
Le mercredi 24 juillet, la ministre de la Santé en visite à l'hôpital Necker à Paris a annoncé avoir signé un arrêté d'interdiction de Sniffy, qui devrait être publié au Journal officiel dans la semaine pour une entrée immédiate en application. "Ma crainte, c'est celle d'une très mauvaise habitude, parce qu'une poudre blanche que vous commencez à sniffer, c'est parfaitement addictif et le lien avec des produits illicites est évident", a expliqué Catherine Vautrin.