La maison des compagnons du devoir de la cité phocéenne fête cette année ses 70 ans. Alexandre Berthe est un des compagnons qui résident à la maison de Marseille depuis octobre 2022. Entre un examen et le travail, il revient sur son tour de France.
"J’ai fait un bac général parce qu’on m’a dit que ça m’ouvrirait plus de portes." Ce discours, combien de jeunes l’ont entendu et surtout suivi, en dépit de leur propre volonté ? Alexandre a obtenu son bac S du premier coup, puis il a intégré une fac de physique. Tout ça, sans que cela lui plaise pour autant, et pour lui, c’était un échec. "Moi, je voulais faire un CAP mécanique. Rester sur les bancs de l’école, ça ne m’allait pas, je cherchais à changer de cadre", nous explique le jeune homme, aujourd’hui âgé de 27 ans.
Pas de hasard, que des rendez-vous
Et puis, il paraît qu’il n’y a pas de hasard dans la vie. Lors d'un rendez-vous chez l’ostéopathe, Alexandre lui fait part de sa volonté de faire autre chose. Le professionnel le met alors en relation avec le patient précédent, "un bon menuisier". Et la magie opère. "Je suis allé le voir, et il m’a pris en stage. J’ai participé à la fabrication et à la pose d’un escalier", raconte Alexandre, avec beaucoup plus d’entrain que lorsqu’il nous parlait de son parcours scolaire.
Après ce stage qui l’a conquis, il se lance dans un CAP menuiserie, puis dans le célèbre tour de France qui permet de devenir compagnon du devoir. Montpellier, Castres, Colmar… "des régions à forte identité. C’était très agréable de les découvrir, j’ai aimé changer régulièrement de villes." Cette expérience permet de partir à l’international. Alors qu’il devait partir en Espagne, le Covid s’en est mêlé, comme bien souvent à cette époque. Alexandre finit par partir en Guadeloupe, puis au Canada l’année suivante. "C’était incroyable !"
Un savoir-faire incomparable
Sa première source de motivation, c’était le voyage. "J’ai toujours eu envie de voyager, mais j’avais une appréhension de partir, de lâcher un peu de lest et de prendre l’ascendant. Ça a été un véritable chemin personnel", se souvient Alexandre. Ce tour de France ne lui a pas seulement apporté le gout du voyage, mais aussi "une capacité d’adaptation incroyable", et tant d’autres choses. Alexandre ne s’arrête plus dans ses souvenirs.
On découvre d’autres cultures, ça nous apporte une certaine ouverture d’esprit de découvrir l’autre.
Alexandre Berthe
Une autre qualité qu’Alexandre relève, et pas des moindres, c’est le savoir-faire que cette expérience permet d’acquérir. "Le savoir-faire se développe selon la spécificité des régions. Le savoir-faire français est davantage dans l’apprentissage, le partage du savoir." Ce qui a également charmé le jeune homme, c’est le fait que rapidement, on lui confie des responsabilités, "j’ai très rapidement progressé et aujourd’hui, j’ai une vraie qualité de savoir-faire. En changeant régulièrement d’entreprises, j’ai pu comparer ce que j’avais appris. On a une caisse à outils que l’on remplit pendant le tour de France, et à la fin, on choisit l’outil qu’on veut utiliser", compare Alexandre.
Si le menuisier ne connaissait pas les compagnons du devoir avant ce fameux rendez-vous, aujourd’hui, il ne peut que recommander de se lancer dans cette aventure. "Je conseille d’aller faire des stages en entreprise. C’est en rencontrant les personnes qu’on découvre. La dextérité des mains aide à comprendre ce qu’on veut. D’autant que ce sont toujours des personnes à l’écoute", insiste le futur formateur à temps plein.
Des valeurs uniques
Il est unanime, les valeurs qu’il a découvertes durant ces huit années sont uniques.
Le partage, la vie en communauté… et puis la difficulté est moindre quand on est plusieurs à la vivre. Les anciens qui nous partagent toute leur carrière, c’est incroyable. Il y a une transmission que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Il n’y a pas cet individualisme que l’on retrouve dans la société actuelle, et c’est la force des compagnons
Alexandre Berthe
Avant de conclure cet échange, Alexandre revient sur les préjugés qu’il y a autour des contrats d’apprentissage. "Le CAP, ce n'est pas la voie de garage. À l’heure actuelle, les personnes qui gèrent le mieux les chantiers, ce sont ceux qui ont fait un CAP, qui connaissent la réalité du terrain. On ne peut pas tout acquérir sur les bancs de l’école"