L'odyssée de Fiona et de sa mamie de 101 ans, parties en vadrouille en camping-car, est de passage à Marseille et Toulon. "Mémé" n'est plus là, mais sa petite-fille a fait de ce voyage hors-norme, un livre. Elle poursuit aujourd'hui un tour de France pour changer le regard de la société sur nos aînés.
Le corps médical lui avait annoncé la mort imminente de sa grand-mère. Selon les médecins, il ne lui restait plus qu'une semaine à vivre. L'annonce tombe comme un couperet mais Fiona refuse de s'y résoudre. Elle décide alors de la sortir de l'Ehpad où elle dépérit pour lui faire vivre une aventure extraordinaire. Un road-trip de 15 000 kilomètres en camping-car, à sillonner le sud de l'Europe.
Alors qu'on lui avait prédit plus qu'une semaine à vivre, la "mémé" de Fiona va vivre trois ans de plus.
Partir en vadrouille avec mémé, une "folle" idée
Fiona Lauriol a grandi dans l'itinérance de parents qui ont été sa seule école. Le voyage est inscrit dans son ADN, mais de là "à transporter mémé centenaire en camping-car avec son déambulateur et son fauteuil roulant", la fille de mémé - maman de Fiona - n'est pas du tout d'accord. C'est trop risqué.
"Cette idée me semblait totalement folle ; déjà pour la sortir du camping-car, la faire voyager, ça me faisait très peur, je pensais que cela était impossible", raconte la mère de Fiona, Fosca Lauriol.
Une idée d'autant plus folle que la grand-mère, d'origine italienne, n'a pas toujours été très aimable voire "méchante" envers sa fille unique et son gendre. "Elle avait un fort caractère qu'elle s'est forgé parce qu'elle a été malheureuse au cours de sa vie, et après elle a voulu se venger sur les gens", comme l'explique, le papa de Fiona.
"C'était très dur à supporter quand elle me parlait mal devant les gens et qu'elle n'acceptait pas l'amour qu'il y avait entre ma femme et moi. Donc elle a essayé plusieurs fois de faire casser notre mariage mais elle n'y est pas arrivée."
"Finalement, je ne regrette pas qu'elle soit partie en voyage avec nous parce qu'un jour elle m'a appelé le "brave homme" et ça, ça a été exceptionnel, alors qu'elle n'avait jamais dit "excuse-moi" ou "merci", ce n'était pas dans son vocabulaire", sourit le père de Fiona, Thierry Lauriol.
Un premier test "catastrophe"
Finalement, les parents de Fiona acceptent de laisser partir leur fille et mémé en camping-car pour un premier essai de quarante jours. Seule condition : ils les accompagneront avec leur fourgon aménagé.
Ce sera quarante jours de galères !
Mémé se casse le nez en pleine nuit au lac du Salagou. Un soir, la grêle s'abat sur le véhicule et mémé imagine qu'il s'agit d'un bombardement. De retour à la maison, le calme revenu, la grand-mère reprend des forces dès le lendemain. "Quand, c'est qu'on repart ?" Le ton est donné. Le périple va durer un an et demi, sans interruption quasiment jusqu'à sa mort, en juin 2020.
Un road-trip de dix-huit mois "sensationnel"
"On a mis en fuite des voleurs de fauteuils roulants, elle a chanté avec des artistes de rue, elle s'est prélassée dans des sources d'eaux chaudes à Ourense en Galice, elle a assisté à sa première semaine sainte en Espagne, à son premier concert à 102 ans dans le désert de Bardenas, elle a vécu un confinement en Espagne juste après ses 103 ans... Bref, je lui en ai fait voir de toutes les couleurs", relate Fiona en souriant.
"La métamorphose était incroyable entre le moment où je l'ai récupérée dans son Ehpad, où elle était en plein glissement, elle était terne, elle avait perdu 15 kg et le moment où l'on a voyagé. Au plus elle participait, au plus elle était au centre de l'histoire, s'émerveillait, son visage s'éclairait, ses yeux pétillaient, elle reprenait goût à la vie. On aurait dit une adolescente qui découvrait pour la 1ère fois plein de choses", décrit Fiona Lauriol.
"De voir ce sourire radieux sur son visage, ça vaut tout l'or du monde."
Fiona Lauriol
Son combat contre l'isolement des personnes âgées
Fiona n'en a pas encore fini avec mémé. Au mois de mars 2023, elle ira à l'Assemblée nationale pour alerter sur la mort sociale des personnes âgées, et parler d'un mot qu'elle a inventé. "Il y avait l'adolescence, l'adulescence, et "l'arthrolescence" ! Pour moi, ce mot sonne juste. Ce sont des "arthrolescents", laissons-les vivre pleinement. Arrêtons de les surprotéger. Ce sont ces messages-là que nous souhaitons faire passer avec mes parents", défend Fiona Lauriol.
Fiona, et ses parents seront ce vendredi à Toulon, d'abord dans un centre aéré avec des enfants, puis dans une maison de retraite, pour livrer le récit de leur folle odyssée et évoquer leur combat contre l'isolement de nos aînés.