Trafics de drogue à Marseille : au coeur des descentes "pilonnage" de la brigade des stups

Marseille, quartiers nord, cité de la Bricarde. C'est l'un des points noirs du trafic de stupéfiants de la cité phocéenne. Depuis l'arrivée de la nouvelle préfète,de nouvelles opérations ont vu le jour pour combattre les réseaux de drogue dans les cités : les opérations de pilonnage.

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Depuis peu la police pratique une politique assumée de harcèlement des points de stupéfiants avec des opérations XXL et à répétitions. Ils appellent ça : le pilonnage.

Nous avons suivi la brigade Nord au cours d’une de ses descentes. Ce jour-là, 80 fonctionnaires sont programmés pour cette intervention. Leur routine depuis trois mois : prendre d’assaut les points de stups.

Patrick Longuet est le commissaire en chef de la division Nord de Marseille. Dans la cour petit briefing à ses hommes et c'est parti. Sur le trajet petite explication à notre intention.

"Le but du jeu c’est d’insécuriser le trafic, leur faire comprendre qu'à tout moment on peut intervenir sur le point stup et donc le casser. C’est également nuire au trafic a minima en l’interdisant pendant plusieurs heures, le temps qu’on soit dans la cité. C’est plusieurs dizaines de milliers d’euros de préjudice pour eux, quoi qu’il arrive."

En première ligne de l’offensive la brigade anticriminalité des quartiers Nord de Marseille et la brigade spécialisée de terrain qui connaissent bien les lieux.

Les portières claquent, ça descend vite des voitures et des camions. La course-poursuite s’engage dans la cité. La mission : interpeller les charbonneurs en flagrant délit. Sauf que les lieux sont déjà quasi déserts. À la première voiture, l’alerte a été donnée par les cris des guetteurs, "Ara ! Ara !".

Le charbonneur c’est le vendeur qui ce jour-là s’est enfui à temps. Mais la partie n’est pas tout à fait perdue pour les policiers, car il a peut-être laissé des traces derrière lui. Commence alors une fouille des lieux en profondeur dans les étages et dans le parc de la cité.

Les parties communes des immeubles sont explorées à la recherche d’éventuelles caches, d’armes ou de produits stupéfiants.

Et c'est finalement une plaque d’égout qui va révéler le trafic. Dessous, un sac rempli de cannabis et de crack. Le charbonneur n’a pas eu le temps de retirer son produit.

Un peu plus loin une sacoche a été abandonnée avec à l’intérieur une arme à feu. Une arme de poing type revolver semblant être approvisionnée. Pas de photo autorisée pour ne pas griller la procédure judiciaire. 

Toutes les personnes aux alentours sont contrôlées. Les policiers vérifient si elles sont connues des services de police, si elles ne sont pas recherchées.

Lui n'aura pas réussi à s'échapper. Un jeune homme est rapidement escorté par la police pour être conduit hors de la cité. Lors de sa fouille, une arme blanche et des produits stupéfiants ont été trouvés. Il est placé en garde à vue.

Pendant que les policiers procèdent aux vérifications, un cordon de CRS a encerclé toute la cité pour une opération quasi militaire, pour assurer une plus grande visibilité pour le secteur. Personne ne sort, personne ne rentre non plus. 

Nettoyage des lieux

C’est la force de frappe de ces nouvelles méthodes : assiéger la cité durant plusieurs heures et laisser la voie libre à des équipes de nettoyeurs.

Ils viennent retirer toutes les installations des trafiquants et recouvrir les tags présents sur tous les bâtiments. Ces tags guident les acheteurs vers les points de vente. Une signalétique ostentatoire recouverte en quelques heures.

Une façon aussi de reprendre possession des lieux de montrer qu'"ici ce n’est pas un point de vente, c’est d’abord la République, c’est d’abord la cité", récite le commissaire Patrick Longuet.

Les agents d’entretien retirent également les canapés des guetteurs, des braseros ou encore des tableaux d’affichage qui indiquent les tarifs de la drogue comme une carte de restaurant.

Au total 30 m3 d’encombrants seront retirés. Caddies et palettes qui servent de barrières à l’entrée du quartier, défiant là aussi l’autorité, sont emportés.

Ce type de grand nettoyage est assez rare dans les quartiers Nord. Selon les agents d’entretien, une telle opération n’est possible que sous escorte policière.

L'opération de pilonnage touche à sa fin. Les habitants reprennent les lieux. "Ça le rend plus propre le quartier, c’est vrai que c’est bien. Mais les contrôles sont des fois un peu trop musclés, ils nous agressent ou ils nous envoient des coups alors qu’on fait rien", témoigne un jeune homme.

Une habitante aimerait voir plus souvent ce type d'opération, guère convaincue de leur efficacité : "ça va reprendre, ils vont remettre les chariots, ils vont reprendre encore leurs activités".

La méthode de pilonnage a été mise en place il y a un peu plus de mois, mais pour l’instant la stratégie ne porte pas vraiment ses fruits. Avec environ 140 interpellations et 40 kilos de stupéfiants saisis, le bilan est deux fois moins important que celui des brigades de terrain sur la même période, en dehors de ces opérations.

Le pilonnage, la stratégie Camilleri

Derrière ces opérations de matraquages des cités, on trouve la nouvelle préfète de police des Bouches-du-Rhône. Nommée en novembre 2020, Frédérique Camilleri place la lutte contre les trafics de stupéfiants en priorité absolue. Et elle défend la méthode. 

"Par rapport aux résultats des opérations quotidiennes de la DDSP (direction départementale de la sécurité publique), le résultat peut sembler moins important, mais en réalité ces opérations permettent surtout de restaurer un cadre de vie aux habitants". 

Et le message est répété. "Avec l’enlèvement de ces encombrants qui servent de barricades, qui empêchent l’intervention des services de police, qui sont aussi des lieux où les habitants de la cité sont arrêtés par les trafiquants (...) ça déstabilise le trafic pendant plusieurs heures lorsque nous sommes présents".

La police peut effectuer jusqu’à six opérations de ce type par jour. Un rythme qui pourrait encore s’intensifier. En février dernier, Gérald Darmanin, le ministre de l’intérieur, a promis un renfort de 300 policiers supplémentaires à Marseille.

Et il y a du travail. Selon l'adjoint à la sécurité de Marseille à peine six équipages de BAC circulent la nuit dans la deuxième ville de France.  

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