L’école d'Éoures dans le 11ᵉ arrondissement de Marseille est depuis plus de 20 ans dans un état de délabrement avancé. Le lundi 7 novembre, le conseil d'établissement a acté l'urgence d'intervenir. Les parents d'élèves alertent sur les craintes d'une pollution à l'amiante et s'agacent de l'indifférence de la mairie face à leurs nombreux signalements.
L'école d'Eoures, située dans le 11ᵉ arrondissement de Marseille, est une école dite de type Pailleron, elle a une partie en "dur" et une partie en préfabriqués, provisoires, datant des années 1970. Le provisoire est devenu définitif avec les problèmes d'insalubrité et de vétusté liés au temps. Ce lundi, le conseil d'établissement fait état de dégâts causés par des fourmis charpentières, qui détruisent une partie des bâtiments et les personnels d'entretien ramassent " des tonnes de poussières". L'école contenant de l'amiante, les parents d'élèves s'inquiètent de ce que respirent leurs enfants. Le dortoir et une classe ont été délocalisés à cause des dégâts.
Une situation qui dure depuis des années dans l'indifférence
Depuis 2020, l'association des Parents d'Élèves "Les Minots d'Eoures" alerte sur la situation de l'établissement. Le 1ᵉʳ octobre dernier, c'est la directrice de l'établissement qui rédige une fiche sécurité et hygiène, ce que confirme à France 3 Provence-Alpes le maire de secteur, Sylvain Souvestre (LR). " J'ai relayé aussi cette note pour cette école, car il y a des fourmis Charpentières qui sont apparues, il y a une dégradation du bâti, un dortoir et une salle de classe ont dû être délocalisés. Nous n'avons pas de réponses de la mairie", indique l'élu, ajoutant que cette école a déjà eu par le passé des problèmes avec "des infestations de rats" et que les préfabriqués "sont en mauvais état" et "le sol de l'école est en mouvement ce qui crée des fissures au sein de l'école".
Les Minots d'Eoures regrettent que leurs nombreux courriers depuis 2020 soient restés sans réponse. France 3 Provence Alpes a pu les consulter, et effectivement, des soucis sont régulièrement signalés. Pire, au printemps 2020, un projet d'agrandissement de l'école est en projet, quatre classes sont prévues dans des Algeco, une proposition qui arrive quelques mois après un premier projet qui semblait satisfaire toutes les parties. À la suite de cela, des courriers sont envoyés au maire, Benoît Payan et ses adjoints, aucune réponse.
"Depuis toujours, c'est silence radio. Une honte ! Après tout, nous sommes censés être des administrés avec les mêmes droits et devoirs que les autres. Ce n'est clairement pas le cas. Nous sommes clairement mis au ban par la Mairie centrale", indique Sébastien Guillo, président des minots d'Eoures.
Et la colère est grande de la part des parents d'élèves de cette école : "Au-delà de constater un flot continu de prises de paroles dans les médias et les réseaux sociaux, aucune réponse ne nous est apportée alors qu'il s'agit là d'un problème de sécurité et de salubrité pour nos enfants et plus généralement des personnels fréquentant l'école".
Le collectif rappelle que "Notre école ne fait même pas partie des trois premières vagues du plan des écoles".
Le ras-le-bol est palpable, le collectif attend des réponses et des actes avec un vrai calendrier pour "faire bouger les choses à l'école d'Eoures. Cette situation n'étant plus acceptable. Effectivement, faute d'action de la part des différentes personnes aux responsabilités, nous serons contraints d'étudier les possibilités d'une action judiciaire à leur encontre", conclut le collectif.
"Les écoles ne sont ni de droite ni de gauche"
Christophe Pierrel, ancien directeur de cabinet de Michèle Rubirola et ex-directeur général adjoint de la Ville de Marseille en charge du Plan Écoles présent à une réunion politique du collectif "Une Génération pour Marseille", ce vendredi 8 novembre a expliqué comment le plan Marseille et le volet école, louable à l'origine du projet a dévié vers un outil électoraliste. Joint par France 3 Provence-Alpes, il détaille, " à notre arrivée, l'état des écoles est catastrophique, 25% des sanitaires ne sont pas opérationnels, près de 70% des écoles ont des problèmes d'étanchéité, et 15% ont des soucis d'infiltrations et 17% des écoles avaient des signalements de la commission de sécurité".
L'ancien directeur général adjoint assure, ne pas dénigrer le plan école, ni régler des comptes, d'ailleurs, il l'assure " les chicayas, tout le monde s'en moque, les écoles ne sont ni de droite ni de gauche".
"Il y a une incapacité à travailler ensemble à Marseille"
Mais pour Christophe Pierrel, "les seules écoles qui sont sorties de terre ou qui ont fait l'objet de rénovation (Les Abeilles, Marceau, Jolie Manon, Capelette) sont des projets qui avaient été lancés par la majorité municipale précédente". Lorsqu'il arrive à la mairie, son travail se base sur un audit de 2019, "une cartographie claire est établie, avec les problématiques de chaque école, sur le bâti, sur le nombre d'écoliers, etc, une étude est menée sur les prospectives d'évolution de la ville et avec ces données, 174 écoles avaient été ciblées pour une action rapide avec des critères objectifs ", mais l'ex-directeur général adjoint de la Ville de Marseille en charge du Plan Écoles le regrette, "après la création de La Société publique des écoles marseillaises (SPEM)" associant Ville et État afin de structurer les chantiers," les projets n'avancent plus". Et il explique pourquoi " le souci, c'est que des élus de la majorité sont au conseil d'administration et peu à peu des blocages apparaissent et la liste des 174 écoles monte à 188 avec des critères moins objectifs.
LA SPEM a été créée en 2021 "et depuis, plus aucun chantier n'est lancé" ; regrette l'ancien directeur de cabinet. "Au détriment des techniciens, qui ne sont pas écoutés et les décisions ne sont pas prises avec courage", précise Christophe Pierrel.
Par exemple, selon lui, le cas s'est présenté plusieurs fois " pour la rénovation de certaines écoles, il faudrait déplacer pendant 2 ou 3 ans les élèves de leur école actuelle, mais les élus craignent des réactions des parents d'élèves et des potentiels électeurs, donc la rénovation n'a pas lieu".
Pour l'ex-directeur général adjoint de la Ville de Marseille en charge du Plan Écoles , "on a un problème à Marseille à faire confiance aux techniciens, c'est de la politique et cela bloque l'avancée des projets, cela tourne en rond pendant des mois et des mois, c'est pour cela que la société des écoles de Marseille n'est pas à la hauteur des enjeux".
"Si rien n'est fait, on va passer à côté d'un beau projet, d'un projet historique pour les écoles de Marseille et c'est dommage", conclu Christophe Pierrel rappelant que la Chambre régionale des comptes "a tiré une sonnette d'alarme et qu'il faut être attentif".
"On n'a pas abandonné les écoles"
De son côté, Pierre-Marie Ganozzi, adjoint aux écoles de Marseille, a apporté des éléments de réponses et confirme, "il y a eu des signalements qui ont été faits, nous travaillons par ordre d'urgence et de priorité, mais il y a malheureusement d'autres écoles beaucoup plus délabrées, comme dans le 3e, 13ᵉ, 14ᵉ et 15ᵉ. Là où on a vraiment mis le paquet". L'élu assure du travail de la mairie "mais pour autant on n'a pas abandonné les écoles, on a doublé les investissements des écoles du 11/12".
Pierre-Marie Ganozzi détaille ce qui a été fait dans cette école,"des travaux sur la toiture sur la maternelle ont été réalisés en avril dernier. Concernant l'école élémentaire, un bureau d'études a été mandaté, il observe les fissures sur les murs et pour le moment, il n'y a pas de mouvement constaté. L'élu assure que "des dalles de faux plafonds ont été remplacées, après réparations des causes suite aux infiltrations ". Selon lui, le problème est le même dans de nombreuses écoles, "les infiltrations sont dues à une mauvaise installation des panneaux photovoltaïques par le passé". Et pour s'assurer d'une d'installation dans les normes, "une intervention dans les semaines à venir d'une entreprise de photovoltaïques va être effectuée".
Concernant la crainte de l'amiante, " la mission amiante va se rendre sur l'école, rapidement, pour faire des prélèvements et des analyses et rassurer les parents ainsi que le personnel".