VIDEO. Calanques : derrière la carte postale, les vestiges d’une pollution industrielle de deux siècles

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Derrière les eaux turquoise, les cabanons et les collines, l'héritage d'un lourd passé industriel
Extrait du documentaire "Calanques, les usines du bout du monde" réalisé par Chloé Henry-Biabaud ©13 Prods / FTV

Les Goudes, Callelongue, l’Escalette, la Madrague… Des noms qui font rêver. Pourtant ces petits coins de paradis, au coeur du Parc national des calanques, ont longtemps abrité les usines les plus polluantes de Marseille. Si elles ont fermé, la pollution, elle, est restée. Un documentaire se penche sur l’héritage de ce lourd passé industriel.

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Ici, on a un peu l’impression d’être au bout du monde. Entre mer et collines, ces quartiers du littoral sud de Marseille, véritables villages aux maisons bigarrées, semblent suspendus dans le temps. 

Mais ces endroits très prisés n’ont pas toujours été aussi enchanteurs. Pendant près de deux siècles, ils ont été la zone de relégation des industries les plus polluantes de la cité phocéenne.

Aujourd’hui, scories et cheminées rampantes, saturées de métaux lourds, témoignent d’un pan de l’histoire de la ville volontairement oublié. "Une histoire bien ensevelie, que l’on aborde aujourd’hui avec beaucoup de réticence" observe Chloé Henry-Biabaud, réalisatrice du film "Calanques, les usines du bout du monde".

Durant cette époque désormais révolue, plus d’une douzaine d’usines crachaient des fumées noires toxiques sur les pins et déversaient du plomb dans les eaux turquoise des criques. Ces collines étaient alors peuplées d’ouvriers, pour la plupart des immigrés italiens ou espagnols, qui exécutaient des tâches ingrates et dangereuses dans un cadre idyllique. 

Une plainte contre X en 2019

Si les usines ont fermé - la dernière en 2009 - la pollution, elle, est restée. Des décennies, voire des siècles plus tard. Les gens qui y vivent le savent. Certains s’en accommodent, d’autres tentent de la combattre, une partie d’entre eux préfère carrément l’oublier. 

Même si tous les riverains partagent un amour profond et sincère pour leur petit eden, la gestion complexe de la pollution donne lieu à des débats extrêmement houleux. Une plainte contre X a même été déposée en 2019 pour mise en danger de la vie d’autrui.

Chloé Henry-Biabaud a vécu aux Goudes pendant plus de huit ans. Elle y a élevé ses enfants, rencontré beaucoup d’amis. Comme tous les riverains, elle aime cet endroit plus que tout.

Pourtant, son histoire la questionne : "que reste-t-il de cette époque ? Cette histoire occultée a-t-elle un impact sur la santé des habitants ? Faut-il gommer à tout prix ce patrimoine industriel ?" A travers le documentaire, la réalisatrice explore l’héritage de ce lourd passé industriel, tant sur les sols contaminés que sur les habitants, quotidiennement exposés à une pollution chronique.

Deux siècles d’activité industrielle

La friche de l’Escalette, devenue aujourd'hui un parc de sculpture et d’architecture, est sans doute la plus visible. Mais un œil aguerri peut déceler bien d’autres traces de ce passé industriel. Des vestiges, qui rappellent que les quartiers excentrés de la ville ont joué un rôle essentiel au cours des révolutions industrielles et dans l’écosystème.

Depuis une quinzaine d’années, une équipe de chercheurs s’emploie à répertorier les sites concernés. Les premières installations datent de 1809, principalement des usines d’acide sulfurique et de soude. Elles étaient indispensables à la fabrication du savon de Marseille, une économie alors très importante pour la ville et la région.

Une fois ces usines installées, les calanques sont devenues une sorte de zone de relégation : par la suite, il a été décidé d’implanter des usines de plomb, dont l’activité était classée parmi les plus dangereuses et les plus polluantes…

On a un ensemble de sites industriels qui, contre toute attente, va vivre à l’intérieur des calanques pendant deux siècles.

Xavier Daumalin, professeur d’histoire contemporaine Aix-Marseille Université

Malgré tout, les habitants entretiennent une relation ambivalente et particulièrement affective avec les lieux. Certains ont même réinvesti certains anciens bâtiments des sites industriels et les ont réaménagés à leur façon. "Il y a une espèce d’attachement viscéral à ce lieu, car pour certains, il est lié à leur enfance et leur histoire" analyse Carole Barthélémy, maître de conférences en sociologie à Aix-Marseille Université.

Un chantier de dépollution titanesque

Les deux siècles d’héritage industriel rendent la tâche non seulement longue et fastidieuse, mais aussi particulièrement coûteuse. Dépolluer les calanques nécessiterait des centaines de millions d’euros. État, collectivités, mairie… Qui doit agir et comment ? Des projets sont à l’étude, des investissements envisagés. Mais combien de temps faudrait-il pour venir à bout d’un tel chantier ?

En attendant, des initiatives émergent pour tenter de dépolluer certains secteurs. Ainsi, depuis 2015, Pascale Prudent, chimiste de l’environnement, et Isabelle Laffont-Schwob, écologue à Aix-Marseille Université, ont lancé une opération inédite de restauration écologique de la cheminée rampante de l’Escalette.

Elles ont créé un site pilote pour aider la végétation locale à se réinstaller malgré la contamination des sols et ainsi contenir la pollution en sous-sol pour éviter qu’elle ne se dissipe dans l’air…

>> "Calanques, les usines du bout du monde" à voir et revoir sur france.tv

Un film de Chloé Henry-Biabaud. Une coproduction France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur / 13 Prods. Diffusion jeudi 14 mars 2024 à 22h45 sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur.

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