L'abbé Raymond Melizan, directeur et professeur dans le lycée de Marseille qui porte le même nom, entre les années 1950 et 1980, est accusé d'agression sexuelle. D'anciens élèves de l'institution témoignent depuis la confirmation par le Diocèse de Marseille de victimes recensées en 2018.
L'affaire a été révélée sur le site du diocèse de Marseille le 12 novembre dernier. C'est en 2018 que les premières victimes parlent. Mais l'affaire est restée discrète. Depuis le 12 novembre, sept nouvelles victimes se sont fait connaître. France 3 Provence-Alpes fait le point sur ce que l'on sait de cette affaire restée au sein de l'Eglise.
L'affaire connue en interne depuis 2018
“En 2018, j’ai reçu plusieurs témoignages crédibles d’anciens élèves qui attestaient avoir été victimes d’abus sexuels de la part de l’abbé Melizan”. C’est ce qu’affirme Pierre Brunet, vicaire général du diocèse de Marseille, dans une interview croisée publiée sur le site du Diocèse.
Les faits remontent aux années 1950 et ont eu lieu dans le lycée Melizan, fondé par le père de Raymond Melizan en 1908. Une douzaine d’élèves accusent celui qui était alors professeur dans l’établissement de 1951 à 1997 d’agression sexuelle.
“Ils n’ont pas exprimé le désir que cela soit rendu public, mais seulement d’être écoutés par une autorité ecclésiale. Nous avons pris en considération leur parole, qui nous a rendus attentifs à de potentiels autres témoignages qui nous parviendraient”, explique le Vicaire.
En 2024, un signalement auprès de la justice
En 2023, deux nouveaux témoignages parviennent jusqu'au Diocèse. L'un d'entre eux est rapporté par le biais de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), mise en place par les évêques de France. Cette victime de l’abbé, cette fois-ci dans les années 1980, a été reconnue et indemnisée au terme de son parcours d'accompagnement. Le procureur de la république est alors alerté mi-octobre 2024.
Comme la personne est décédée, il n’y a plus de risque qu’elle commette des méfaits, certes, mais signaler les abus qu’elle a commis au Procureur est important pour recouper les informations avec d’autres situations dont lui aurait connaissance mais dont nous n’aurions pas été informés.
Jacques Le LoupDirecteur diocésain de l’enseignement catholique.
Il espère avec cette publication que justice soit faite pour les victimes, "afin que leur parole soit accueillie et que leur souffrance reconnue". "Nous sommes passés d’une attitude d’accueil et d’écoute à une attitude proactive", ajoute Pierre Brunet.
Une figure emblématique de l'église
L’abbé Melizan était une figure reconnue dans l’établissement. Il en fut le directeur de 1965 à 1997, lorsqu’il était encore situé rue Jean Fiolle, prenant ainsi le relais de son père. Fais chevalier de la Légion d’honneur par René Monory, alors président du Sénat, Raymond Melizan est resté présent dans le lycée jusqu'en 2001, date à laquelle il a cessé toute activité pastorale ou pédagogique après des élèves.
L'abbé est décédé en 2016. "Il a fait honneur à l'église, qu'il a servie, et à l'Éducation nationale à Marseille", souligne le sénateur-maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin.
Ses portraits enlevés dans le lycée
Son visage figure sur tous les murs du lycée qui porte son nom encore aujourd'hui. Dans l'établissement, tous les portraits et les noms de salle qui lui rendent hommage ont déjà été retirés.
C’est évidemment un moment très difficile, qui marque une étape douloureuse mais nécessaire dans l’histoire de notre lycée.
Caroline AmencDirectrice du lycée Paul Mélizan
“Nous avons bien conscience que cette information va provoquer la sidération et choquer", ajoute Pierre Brunet.
Quant à changer le lycée de nom, l’établissement ne l’envisage pas. “Le lycée Paul Melizan porte à juste titre le nom de son fondateur, Monsieur Paul Melizan, et, à travers son projet pédagogique et pastoral, l’équipe du lycée cultive et transmet les valeurs qui lui étaient chères”, explique Jacques Le Loup.
7 nouveaux témoignages en une semaine
Le 12 novembre dernier, personnels de l’établissement, familles du lycée et certains élèves de Melizan se sont réunis pour évoquer l’affaire. Un courrier leur a également été adressé. Depuis, sept nouvelles victimes se sont manifestées.
“Nous poursuivons notre travail dans le cadre de la cellule diocésaine d’accueil et d’écoute « Agir contre les abus » et de la charte de protection des mineurs et des personnes vulnérables du diocèse, que l’archevêque de Marseille a promulguée en janvier 2024. Nous collaborons avec le Procureur de la République et le Tribunal pénal canonique national mis en place pour la Conférence des évêques de France en 2021”, affirme Pierre Brunet.
Il appelle les personnes susceptibles d’avoir des informations supplémentaires à se manifester, et les victimes, à se rapprocher des cellules d’écoute, soit auprès d’instances diocésaines, soit auprès d’instances indépendantes de l’Eglise, comme le Procureur de la République ou France Victimes.