Présentant ses ambitions pour Marseille jeudi, Emmanuel Macron a fustigé les mouvements de grève et les "personnels municipaux" perturbant le fonctionnement des écoles. Le patron du syndicat des agents territoriaux, Patrick Rué, lui renvoie le manque criant d'effectifs et la pénibilité du métier.
Les personnels municipaux de Marseille n'ont pas manqué cette petite phrase, lâchée par le président pendant son discours sur ses "ambitions" pour la ville : "Vous avez un problème avec vos personnels municipaux et vous avez trop de grèves", a-t-il attaqué devant un parterre de ministres et d'élus locaux.
"L'absentéisme, les grèves perlées, c'est un sujet, dont il faut se parler en toute franchise, parce que l'État ne vient pas investir pour, en quelque sorte, que certains viennent prendre leur dîme", a-t-il asséné, peu avant d'annoncer qu'1,5 milliard d'euros seraient débloqués pour venir en aide à la ville.
De quoi susciter la colère de Patrick Rué, secrétaire général du syndicat Force ouvrière des agents territoriaux, majoritaire à Marseille. "Parlons en des grèves ! Pour qu'il n'y en ait plus, il faudrait commencer par supprimer ce qui provoque des conflits récurrents", ironise-t-il.
"Cela fait une éternité qu'on est en manque d'effectifs dans les écoles, dans les crèches" ajoute-t-il, assurant que la situation a empiré avec la pandémie. "Quand les enfants sont dans la cour de récréation, il y a un agent pour 60 enfants : c'est épuisant, c'est pénible, et ce n'est pas rassurant pour les petits Marseillais".
Julien Houlès, membre du Collectif des écoles de Marseille, s'est également dit "particulièrement choqué" par les propos d'Emmanuel Macron : "je pense que manifestement il ne sait pas de quoi il parle", rétorque-t-il sur France Info, "beaucoup de grèves prennent leur fondement dans le manque chronique de personnel".
Une aide financière sous conditions
Jeudi en fin d'après-midi au Palais du Pharo, le président de la République a annoncé la création d'une structure ad hoc, présidée par le maire de Marseille et pilotée par l'État, pour amorcer un grand chantier de rénovation des écoles.
Pendant son discours, Emmanuel Macron n'a pas manqué de conditionner le versement de cette enveloppe conséquente à des engagements de la part de la Ville : "En même temps qu'on investit, M. le maire, j'attends de vous que vous réformiez", a-t-il adressé à Benoît Payan.
"La deuxième ville de France ne peut pas supporter cette situation : ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de courage", a-t-il achevé, récoltant les applaudissements de l'audience réunie au Palais du Pharo.
Il n'a, toutefois, pas annoncé le montant de l'enveloppe allouée à ce chantier, alors qu'1,2 milliard d'euros avaient été évoqués dans la presse la veille du discours. De quoi provoquer la déception des parents d'élèves, qui s'attendaient à un investissement massif pour 174 écoles "en état de délabrement".
"On a envie d'être optimistes, mais je reste quand même très sceptique après ces annonces", réagit Patrick Rué, surpris que le président "vienne ainsi nous donner des leçons". "Nous ne sommes pas dupes : est-ce qu'il y aura une continuité s'il n'est pas réélu en 2022 ?"
L'épineuse question des grèves à Marseille
Sujet sensible dans la ville, les grèves des "tatas" dans les cantines pour dénoncer le manque de personnel et les conditions de travail perturbent régulièrement le fonctionnement des établissements, et ce depuis plusieurs années.
Si ces grèves suscitent à chaque fois la colère et l'épuisement des familles, les associations comme le mouvement des parents d'élèves MEP 13 s'accordent à dénoncer la pénibilité du travail des agents territoriaux, étrillant volontiers la gestion des écoles publiques par l'ancienne municipalité.
Quelques mois après son élection, le Printemps marseillais avait annoncé le lancement une commission d'enquête sur les écoles au mois de février dernier. 120 cantines étaient alors fermées , avec des parents, enfants et personnels à bout de nerfs. Benoît Payan avait à ce moment-là plaidé pour "sortir de 25 ans d'archaïsme".
Quelques jours plus tard, un accord sur la continuité du service public a été voté en conseil municipal, signé par la Ville, la CFTC-CGC et FO. Il vise à encadrer le droit de grève dans les cantines scolaires : les agents doivent l'exercer dès leur prise de fonction, et doivent désormer se déclarer 48 heures auparavant.
Une atteinte au droit des salariés, selon SUD et la CGT, qui a toutefois "ralenti les petites grèves", reconnaît Patrick Rué. Des recrutements de plusieurs centaines d'agents ont aussi eu lieu, mais restent toujours trop en décalage avec les besoins sur le moment, estime-t-il.
De manière générale, le syndicat FO dénonce le protocole sanitaire dans les écoles, "difficilement applicable" selon lui à cause du manque de personnel. Le 5 octobre prochain, il participera à un mouvement national pour réclamer le retrait de la réforme des retraites, et une augmentation de salaire pour les fonctionnaires.