Deux ONG partent en campagne contre la pollution atmosphérique provoquée dans les ports par les bateaux de croisière dont les puissants moteurs fonctionnent en continu même lors des escales. Elles demandent des mesures pour réduire cette pollution nocive pour la santé.
"La croisière abuse": sous ce titre provocateur, deux ONG dénoncent la pollution atmosphérique générée par les géants des mers lors de leurs escales. " C'est une petite ville qui arrive", explique Adrien Brunetti de France Nature Environnement (FNE), alors que derrière lui, se dresse le paquebot de la Royal Carribean "Allure of the Seas", en escale à Marseille. Ce navire, le plus grand bateau de croisière du monde, accueille à son bord 5.230 passagers et 2.300 membres d'équipage. "Les moteurs tournent en permanence pour alimenter les besoins des passagers" et faire fonctionner les 25 restaurants, quatre piscines, deux simulateurs de surf ou encore la patinoire, déplore le coordinateur santé environnement à FNE. L'ONG allemande Nabu, partenaire de FNE, organise une campagne de mesures dans plusieurs ports européens, Marseille, mais aussi Venise, Barcelone, Lisbonne, Athènes ou Hambourg, pour mettre en évidence la pollution atmosphérique de ces géants des mers, dont "Allure of the Seas" est l'archétype.
3.500 fois plus polluant que les voitures
Le Dr Axel Friedrich, consultant pour Nabu, est venu de Berlin spécialement mesurer la pollution dans le port de Marseille avec un petit détecteur à particules. Un paquebot comme "Allure of the Seas" produit 80 mégawatts pour l'énergie à bord et 60 pour la propulsion, simplement en brûlant du diesel, entraînant le rejet d'oxydes de soufre, oxydes d'azote et particules fines. D'où une pollution en mer, à l'approche des côtes et au stationnement que la brise marine repousse le plus souvent à l'intérieur des terres. Mais c'est surtout le type de carburant utilisé qui exaspère les défenseurs de l'environnement: du fioul lourd, peu cher, très chargé en soufre, à 3,5%, "jusqu'à 3.500 fois plus polluant que les voitures". "Et les moteurs ne sont pas équipés de filtres à particules!". "Cinquante mètres plus loin", sur le rivage, "une usine semblable n'aurait pas le droit de fonctionner" sans filtres, assure le Dr Friedrich. En Méditerranée, contrairement à l'Europe du Nord, aucune législation n'impose l'utilisation d'un carburant moins polluant. La seule contrainte est d'utiliser un carburant avec 0,1% de souffre dans les ports. "Mais il n'y a pas de contrôle", constate le Dr Friedrich.Systèmes de lavage de fumée
A Marseille, FNE et Nabu ont mesuré une pollution "de fond", en l'absence de paquebot, de 3.000 particules fines entre 20 nanomètres (milliardièmes de mètres) et 1 micromètre (millionième de mètre) au cm3, explique M. Friedrich. Quand le paquebot est à l'escale, ce taux atteint jusqu'à 6.000, en fonction du vent et 200.000 au cm3 dans le panache de fumée. Selon Cédric Rivoire, directeur général France de la CLIA, une organisation qui regroupe les croisiéristes, la plupart des paquebots récents - dont "Allure ofthe Seas", souligne-t-il - sont désormais équipés de "scrubbers", des systèmes de lavage des fumées qui réduisent de 90% les émissions d'oxydes d'azote et de soufre, et les microparticules supérieures à 100 nanomètres. "Pour les particules plus fines, la technologie n'existe pas", d'après lui. Ces scrubbers permettent ainsi de naviguer partout avec du fioul lourd, même dans les zones d'émissions contrôlés (Emission Control Area définies par l'Organisation maritime internationale), comme en Baltique et mer du Nord. "Les armateurs de croisières ont toujours été impliqués dans l'environnement partout où elles opèrent, et elles appliquent, voire devancent les mesures", ajoute M. Rivoire.
La plupart des paquebots modernes, également, "ont la capacité d'être branchés à quai" pour éviter de laisser les moteurs allumés, poursuit-il. Mais cela demande des investissements lourds pour les ports.