Christophe Gonzalez a remporté dimanche 24 novembre, le second tour des élections municipales partielles de Rognac dans les Bouches-du-Rhône. Une victoire qualifiée d'historique par le RN.
Tenue par la droite depuis 2001, la mairie de Rognac, près de Marseille, a basculé dimanche à l'extrême droite lors des élections municipales anticipées. Christophe Gonzalez étiqueté RN, soutenu par le RPR a battu la maire sortante UDI Sylvie Micelli-Houdais, dont la majorité s'est effritée ces derniers mois. À un an et demi des prochaines municipales, le Rassemblement national remporte ainsi sa première ville dans le département depuis près de 30 ans. Le politologue, sociologue et philosophe Raphaël Liogier, auteur de "Ce populisme qui vient", paru en 2013, a répondu à nos questions sur les enjeux nationaux derrière cette élection.
France 3 Provence-Alpes : Avez-vous été surpris par cette victoire du RN à Rognac ?
Raphaël Liogier : "Ce qui marche de plus en plus aujourd'hui, ce n'est plus la logique droite-gauche, c'est la logique populiste, des candidats qui semblent le plus exprimer la voix d'un peuple qui semble brimé et qui ne peut pas s'exprimer. C'est à la fois anti-capitaliste, et c'est critique de toutes les forces qui nous empêcheraient d'être nous, d'être aussi bien que ce qu'on était avant, c'est ce qu'on appelle l'identitarisme.
Ce qui m'étonne le plus, c'est que ça étonne. C'est ce qu'on voit non-stop depuis 2003, dans les élections. On voit cette montée qui était au départ un peu faible, fragile, et qui s'est accrue. Le parti politique qui a su le mieux s'approprier cette dimension identitaire, c'est jadis, le Front national et maintenant, le Rassemblement national, qui a effectué une mue, y compris de son nom dans cette logique populiste".
À Rognac, cette logique populiste a-t-elle profité des affaires impliquant la maire sortante ?
"Tout ce qui semble être la corruption de cette fameuse élite, détournements et autres accélère le processus de populisme et cet identitarisme. Non seulement ils nous prennent notre identité, mais ils nous prennent même notre argent, et nous sommes, nous, le vrai peuple le dindon de la farce. C'est un mouvement de fond très inquiétant, car c'est un mouvement planétaire en réalité. Il se manifeste de façon locale, mais c'est un mouvement planétaire.
Il n'est freiné par rien, y compris lorsque c'est le RN lui-même qui est empêtré dans des affaires de corruption, comme c'est le cas aujourd'hui avec Marine Le Pen ou Trump aux États-Unis. Parce que chaque fois qu'ils sont pris dans ces affaires de corruption, c'est immédiatement intégré à la rhétorique populiste en se situant eux-mêmes comme victimes du système qui lui est fondamentalement corrompu. C'est le système corrompu qui les accuse de corruption".
Est-ce le signe d'une poussée du RN dans les élections locales ?
"C'est le signe d'une poussée locale et de la tendance générale à l'identitarisme, dont bénéficie le Rassemblement national. Et il va en bénéficier encore plus. Trump a bénéficié de l'idée qu'on lui a volé l'élection. L'élite lui a volé l'élection et le prochain coup, il a gagné. Marine Le Pen sans le dire, elle bénéficie de cette suspicion, qu'on lui a volé l'élection présidentielle et surtout qu'on lui a volé les élections législatives. En réalité, elle arrive majoritaire, premier parti, mais elle ne peut pas gouverner. C'est extrêmement bon pour elle à moyen terme, pour les prochaines élections, ça amplifie le mouvement jusqu'à la victoire.
Peut-on parler de victoire "historique" pour le Rassemblement national ?
"Ce qui est historique, c'est la lame de fond depuis 2003. D'habitude, une lame de fond, ça monte et ça descend, etc. Alors que là, on voit bien que ce n'est pas une sorte de crise électorale ou politique, c'est un mouvement qui dure et qui ne fait que s'amplifier".
La victoire de Rognac peut-elle servir de tremplin pour les municipales de 2026 dans les Bouches-du-Rhône ?
"Ça peut servir plus que de tremplin, ça peut servir de quartier général, c'est-à-dire que c'est là où ça peut se passer. À partir du moment où on a des cadres et qu'on paie des gens, on se sert de ça comme d'un espace de force, un endroit où on peut gérer.
Avec Marseille dans le viseur ?
Ça va de soi, c'est assez clair...