Placez cinq navigatrices du Vendée Globe en altitude. A 2000 mètres dans la vallée de la Clarée dans les Hautes-Alpes, plus précisément. Faîtes-les dormir dans un refuge. Mettez-leur des skis aux pieds et observez-les.
Elles connaissent la solitude du grand large. Elles flirtent avec le danger et ont toutes couru le dernier Vendée Globe. Leurs exploits font frissonner.
"Moi, ça fait un mois que je suis redevenue terrienne. J’ai repris le sport hier avec 20 petits kilomètres à vélo", décrit Alexia Barrier.
Cinq navigatrices terriennes s’éloignent de leur bord de mer pour un entraînement à la montagne. Et elles sentent bien l’effet de la reprise de l'exercice physique.
Pour arriver jusqu’au refuge Buffère, à 2000 mètres d’altitude, elles commencent par fournir un gros effort. Elles ont trop chaud, souffrent d’ampoules aux pieds, mais avancent.
Miranda Merron, Clarisse Cremer, Alexia Barrier, Isabelle Joschke et Samantha Davies goûtent pendant quatre jours à la neige et l'air des Hautes-Alpes, entre le 29 mars et le 1er avril.
En arrivant au refuge, Samantha Davies affiche son bonheur. Comme si elle bouclait un Vendée Globe... Une habitude prise en arrivant aux Sables-d’Olonne ?
Avant de s’élancer en hors-piste, elles apprennent à utiliser le DVA, Détecteur de Victime d’Avalanche. Une fois formée à la sécurité, elles skient. Elles ont tout un massif pour elles. Elles découvrent des points communs entre la montagne et la course au large. Deux milieux à la fois sublimes et hostiles.
"Il y a plein de similitudes dans l’état d’esprit. On est très vigilants parce qu’on est dans un environnement qu’on ne maîtrise absolument pas. On ne le contrôle pas. Alors il faut beaucoup de vigilance, d’appréhension, d’étude de l’élément dans lequel on évolue", observe Clarisse Crémer,"les passionnés de mer et de montagne aiment les grands espaces, sont assez respectueux de la nature et des éléments."
Elles ne peuvent pas s’empêcher de "parler travail". La mer les rattrape. Concurrentes sur l’eau, elles sont ici des amies et échangent sur leur expérience du Vendée Globe.
"Ce qui est chouette, c’est de constater qu’on a rencontré parfois les mêmes problèmes. Et si on en avait parlé avant, on aurait peut-être pu trouver des solutions", constate Isabelle Joschke.
Quand les images de leur course sont projetées au refuge, certaines ont la larme à l'oeil. Souvent, elles ne les ont pas vues. Alexia Barrier est arrivée blessée, à la 24ème place, sur le plus vieux bateau de la flotte.
« Rien n’est impossible », des mots qui ont résonné en conférence de presse après cette très belle arrivée d'@Alexia_Barrier.
— Vendée Globe (@VendeeGlobe) February 28, 2021
Un passage de ligne chargé d'émotions avec une navigatrice blessée sur le plus vieux bateau de la flotte !#VG2020 pic.twitter.com/ATqvNBVXgm
Elles ont beau observer l’élément montagne, elles ne sont pas de grandes skieuses. Ces championnes de navigation sont plutôt débutantes sur la neige. La différence entre un humain basique et ce type de femmes, c’est qu’elles apprennent tout très vite ! Encadrées par un guide de montagne, Jean-Luc Bigou, elles intégrent les gestes très rapidement et ont un sens de l’équilibre hors normes.
Le refuge de montagne qui invite les navigateurs
Six femmes ont couru le Vendée Globe cette année. Une seule, la Britannique Pip Hare, n’a pas pu suivre ce stage dans les Hautes-Alpes, bloquée dans son pays par la Covid.
Réunir toutes ces championnes de voile dans un refuge de montagne peut paraître exceptionnel. C’est pourtant la cinquième édition de cet événement appelé Marins des Cimes au féminin. L’idée est venue de l’ancien gardien du refuge Buffère.
"On a la chance, ou je dirais l’honneur d’accueillir les filles qui ont fait le vendée globe. Elles ont fait le tour du monde toutes seules sur un bateau de 18 mètres. C’est quand juste… respect" s’enthousiasme Claude Devalle, l'organisateur de Marins des Cimes.
Un lien fort s’est créé entre les navigateurs et ce refuge. Un lien d’affection.