L'Union européenne a adopté un amendement mercredi visant à sortir les huiles essentielles de la règlementation des substances chimiques dangereuses, ce que les lavandiculteurs demandaient depuis deux ans.
La lavande, symbole de la Provence sauvée d'une classification en produit toxique. C'est ce dont se targue dans un tweet jeudi 5 coctobre, la députée européeenne Renaissance Irène Tolleret, félicitée par le président de la région Renaud Muselier. Lavandiculteurs, syndicats agricoles, élus de la région, tous, poussent un ouf de soulagement. Mais la lavande était-elle réellement menacée par cette mise à jour de cette règlementation européenne ?
Le ton est victorieux. Dans une vidéo, la députée européenne Irène Tolleret annonce : "la lavande sauvée par un amendement Renew !". "Ce texte protège les spécificités des huiles essentielles de lavande", explique l'élue Renaissance taclant au passage le RN. Un tweet reposté par Renaud Muselier : "Bravo, chère Irène. Ton combat pour la lavande est remarquable et couronné de succès - les acteurs de la filière et la Région Sud t’en sont très reconnaissants !", commente-t-il.
En session plénière, le 4 octobre, le Parlement européen a introduit une dérogation lors du vote du règlement CLP, qui impose la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances et des mélanges dangereux pour la santé humaine et l'environnement. Lors des débats, Irène Tolleret a plaidé pour que le Parlement ne règle le problème des substances pétrochimiques, en causant "un préjudice inutile aux cultivateurs de plantes aromatiques et aux autres acteurs de la chaîne".
Une dérogation salutaire selon les producteurs
L'adoption de l'amendement du groupe Renew introduit une dérogation sur les substances d'origine botanique naturelle, elle sort les huiles essentielles d'une règlementation qui aurait entraîné pour les producteurs d'importants surcoûts pour analyser et identifier les centaines de molécules qui entrent dans la composition des huiles essentielles.
Dans un communiqué ce jeudi, le président des Hautes-Alpes Jean-Marie Bernard a salué cette bonne nouvelle, rappelant que les 9 000 emplois directs de la filière et 17 000 emplois indirects issus le du tourisme en Paca étaient en jeu.
De son côté, le député Christophe Clergeau du groupe de l'Alliance progressiste des Socialistes et Démocrates se félicite dans un communiqué que son combat pour préserver les producteurs d'huiles essentielles ait porté ses fruits. "J'ai obtenu que les huiles essentielles soient toujours valorisées comme produit naturel à part entière".
S'il n'y avait pas eu le vote, on était morts.
Alain Aubanel, président PPAMFrance 3 Provence-Alpes
Pour les professionnels du secteur de la lavande, pas de doute, cet engagement a évité le pire. "Ce texte renforce vraiment la protection et la sauvegarde de la lavande, et surtout la possibilité de continuer à en utiliser dans les années à venir", souligne Alain Aubanel, le président du syndicat des Plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM). Sans cette dérogation, la règlementation aurait favoriser l'utilisation des substituts de synthèse au détriment des produits naturels.
"La victoire aujourd'hui, c'est que les industriels peuvent utiliser de l'huile essentielle en étant serein", résume Alain Aubanel.
Une mobilisation inutile pour la Comission européenne
L'inquiétude est née chez les producteurs d’huiles essentielles du Sud Est avec une disposition du Pacte vert, voté le 15 janvier 2021, par la Commission européenne. Avec cette règlementation imposée par Bruxelles, les huiles essentielles et les produits naturels risquaient selon eux d'être interdites dans la composition des produits de grande consommation, comme les cosmétiques, les parfums, ou encore les lessives.
C'est le début d'une mobilisation sur tous les fronts. A l'été 2021, des panneaux "Lavande en danger, cessation d'activité" fleurissent dans les champs de Haute-Provence, sous l'impulsion du comité des plantes à parfum aromatiques et médicinales (CPPAM). Une pétition en ligne " est également lancée en juillet 2021 pour demander à la Commission Européenne de prendre en compte la spécificité des produits naturels, elle recueille plus de 200 000 signatures.
Pourtant selon Bruxelles, ces inquiétudes sont "infondées". "Non, la Commission européenne ne veut pas interdire l’huile essentielle de lavande comme l’on a pu l’entendre ces derniers mois !", assure-t-elle dans un communiqué publié le 11 juillet 2021. "Les huiles essentielles sont déjà définies comme de substances chimiques et réglementées comme telles. Les révisions prévues ne vont pas modifier cette définition, ni exiger l’analyse de chaque molécule des huiles essentielles", précise la commission européenne.
Mais cette mise au point ne rassure personne. Ni les producteurs, ni les élus locaux, soucieux de préserver une filière pourvoyeuse d'emplois sur leurs territoires. En août 2021, le sénateur des Alpes-de-Haute-Provence, Jean-Yves Roux, interpelle le ministre de l'Agriculture pour savoir comment la France va défendre la filière.
En juin 2022, c'est une centaine de sénateurs menés cette fois par le Haut-Alpin Jean-Michel Arnaud qui signe une tribune dans le JDD intitulée "La lavande provençale est en danger".
Après un long combat, cette dérogation reconnaît donc enfin la spécificité des produits naturels dans la règlementation des produits chimiques toxiques pour la santé. La filière de la lavande française peut être rassurée. Pour un temps au moins. "Il y a une clause de révision dans six ans, note Alain Aubanel. Six ans de tranquillité que la filière entend mettre à profit pour conforter cette protection européenne.