Les remontées mécaniques resteront fermées. L'annonce faite mercredi soir par le secrétaire d'Etat chargé du Tourisme n'a guère étonné les professionnels de la montagne qui s'étaient pourtant préparés à une réouverture possible. Ils se montrent très inquiets pour les territoires montagnards.
"Le plus dur, c'est l'incertitude. Nous sommes à la veille d'une décision, et rien n'a filtré jusqu'à maintenant. Nous ne savons toujours pas si demain, nous pourrons rouvrir nos remontées mécaniques", pestait ainsi mercredi 6 janvier Patrick Arnaud, le responsable des remontées mécaniques de Serre-Chevalier, dans les Hautes-Alpes.
Quelques heures après, le secrétaire d'Etat chargé du Tourisme Jean-Baptiste Lemoyne, annonçait le maintien de la fermeture des stations des remontées mécaniques.
Joint de nouveau aujourd'hui 7 janvier, Patrick Arnaud ne se montre guère étonné de la décision :
"On s'y attendait un peu... Cela confirme leur méthode de nous prévenir un jour avant. Alors qu'on leur demande depuis le départ, beaucoup plus de visibilité. Se tenir prêts la veille pour le lendemain, cela se chiffre en centaines de milliers d'euros : on produit de la neige, on dame les piste, l'office du tourisme communique sur les animations..."
"On en a marre !"
"On en a marre ! Il nous faut une date ferme et définitive, et qu'on arrête de nous promener", s'est exclamé Jean-Luc Bloch le président de l'Association nationale des maires de stations de montagne (ANMSM).
Du côté de Domaines Skiables de France (DSF), le président Alexandre Maulin parle de "catastrophe économique" du fait que la clientèle étrangère n'est déjà pas présente sur les cîmes.
La situation est très tendue également pour les stations comme celle de Montclar dans les Alpes de Haute-Provence.
" Nous sommes une station privée, qui fonctionne en économie sociale et solidaire", explique Alain Quièvre, président de Montclar domaines skiables. "Nous sommes mis à mal, et riquons de devoir passer par un plan de restructuration".
Dans les montagnes, la santé économique est attachée à celle des sports d'hiver.
"En général, dans les stations moyennes comme la nôtre, on fait 1,5 million d'euros. Mais cela génère 10 millions d'euros sur notre territoire. Et cela concerne tout le monde, du pharmacien à l'artisan, en passant par le kinésythérapeute, le loueur de chaussures, la boulangerie..."
Difficile lorsque la neige est au rendez-vous
Si la date de ce 7 janvier avait été préalablement donnée comme "revoyure" par le gouvernement, le secrétaire d'Etat chargé du tourisme a précisé qu'aucune nouvelle date ne serait fixée avant le Conseil de défense de la semaine prochaine.
Les professionnels du ski et du tourisme en montagne en ont assez de "ne pas savoir". Alors que la neige est au rendez-vous cette année.
Dans un communiqué cette semaine, Domaines skiables de France (DSF) avait enjoint le gouvernement "à l'action et à la prise de décision", alors que celui-ci ne s'était toujours pas officiellement prononcé sur la date du 7 janvier, avancée en décembre pour la réouverture des remontées mécaniques.
"On a tout de même fait en sorte d'être prêts", poursuit Patrick Arnaud. "70% de nos chargers sont fixes. Alors on a produit de la neige comme d'habitude par grand froid, nous avons damé nos pistes, les formations de notre personnel sont terminées. Mais tout de même, nous mettre en situation d'ouvrir du jour au lendemain, c'est problématique".
Rester fermés l'a été tout autant pour beaucoup de montagnards à la vue "des avions remplis durant des heures à destination de régions chaudes" souffle-t-on en haut des cîmes. Beaucoup disent avoir souffert de mesures leur semblant "inéquitables" ou "incohérentes", en comparaison avec les centres commerciaux à forte fréquentation restés ouverts durant les fêtes...
Un moral "en berne"
D'autres se demandent pour quelles raisons les remontées mécaniques qui dépendent du ministère des transports, sont restées fermées "pendant que les bus et métro fonctionnaient ?"
"Le moral est en berne et la colère est en train de monter", poursuit Patrick Arnaud.
"La différence avec les autres territoires peut-être, c'est qu'en montagne, toutes les familles sont impactées par ces mesures. Quasiment tout le monde vit du tourisme".
Le président du Conseil départemental des Alpes Maritimes estimait mercredi que "l'on ne peut pas mettre l'économie à genoux" et appellait à la responsabilisation des Français.
Nous avons beaucoup travaillé avec les différents Ministres à l’élaboration de protocoles pour ouvrir les #stationsdeski.
— Charles Ange Ginesy (@ca_ginesy) January 6, 2021
Cela n’a pas été le choix du Gouvernement. On ne peut pas continuer à mettre l’#économie à genoux ! Il faut responsabiliser les français. @francebleuazur
Dans un premier bilan d'étape de la saison, les professionnels de la montagne ont fait état cette semaine d'un taux d'occupation en "chute libre", évoquant la perte de chiffre d'affaires de l'ensemble de la filière à 1,5 milliard d'euros sur les deux semaines des congés de Noël, "une catastrophe économique pour tout l'écosystème de la montagne".
Les stations nordiques, tournées vers le ski de fond, s'en sont mieux sorties pour ce démarrage de saison.
"Nous avons eu plus de 70% de baisse de fréquentation par rapport aux autres années", précise Nicole Gaillan, directrice de l'Office de tourisme de Vars. "La période du nouvel an a été un tout petit peu moins catastrophique, grâce aux résidences secondaires, qui preprésentent près de la moitié des lits. Les propriétaires nous ont été fidèles, avec un besoin de se retrouver chez eux, dans leur station de coeur. Nous avons acueilli des gens qui avaient besoin de convivialité et de sourire".
"La montagne se meurt un peu plus"
Ces vacances de Noël non rentables se rajoutent à une fin de saison subitement amputée le 16 mars dernier par le confinement. L'addition devient lourde pour les acteurs du tourisme de montagne.
"Sur un plan humain, c'est dramatique", poursuit Nicole Gaillan. "Ne parlons pas du problème économique. On n'oppose pas la sécurité à la fréquentation de la montagne, bien sûr, mais là, la montagne se meurt un peu plus".
Lucides sur la forte probabilité de voir la fermeture des remontées mécaniques prolongée, les stations de ski françaises espèrent que le gouvernement suivra les préconisations du secteur pour au moins sauver les vacances de février, cruciales pour leur économie #AFP pic.twitter.com/DbeCRm4clg
— Agence France-Presse (@afpfr) January 6, 2021
Les syndicats professionnels ont bien travaillé avec les ministères sur des protocoles sanitaires à mettre en place dans les stations, en intégrant notamment la notion de jauge pour éviter une trop forte fréquentation. ...
Une réponse avant le 20 janvier
"Le plus important c'est qu'on ait une date définitive, qui ne peut pas être postérieure au 20 janvier", affirme Éric Bouchet, directeur de l'office du tourisme des Deux Alpes.
"Si ce n'est pas le cas, cela pourrait signifier ne pas ouvrir en février et par effet domino ne pas rouvrir de la saison".
"On a vraiment un sentiment de discrimination. Aujourd'hui, les protocoles anti -19 élaborés avec les préfets sont pertinents, avec la mise en place de tests, des hébergements réquisitionnés pour isoler, et des protocoles pour l'accès aux remontées. Et puis en Isère, on a établi que moins de 10 personnes sont susceptibles de descendre en réanimation, pour nous la question n'est donc pas celle de la traumatologie", poursuit-il.
"À quatre semaines des vacances de février, l'enjeu est majeur pour remettre en route les stations, privées de 80% d'activité à Noël", insiste Domaines skiables de France, estimant que "le ski n'est pas une activité à risque".