Médecin aux urgences de l'hôpital de Draguignan dans le Var qui ont dû, faute de personnel, fermer la nuit, Pierre-Emmanuel Lebas lance un cri du coeur aux candidats à l'élection présidentielle. Rencontre.
A 61 ans, Pierre-Emmanuel Lebas travaille depuis l'âge de 26 ans dans le service de santé publique, "sans jamais" s'arrêter.
"L'hôpital public, au présent, est un sujet complètement absent du débat de cette élection présidentielle. Je n'ai pas entendu de propos de la part des candidats qui sont maintenant nombreux, de propos qui puissent me permettre d'avoir un certain espoir concernant la gestion des hôpitaux publics."
Durant cette campagne, "on saupoudre, comme d'habitude et je ne cible pas un candidat plutôt qu'un autre".
La situation à l'hôpital de Draguignan, est délicate. Ce centre hospitalier de l'arrière-pays couvre les besoins en soins d'un bassin de 100.000 habitants.
Depuis le mois d'octobre dernier, elles sont fermées la nuit faute de moyens. Face à la pénurie de praticiens, "le quotidien était devenu très compliqué", témoigne-t-il.
La pénurie est telle que l'établissement conseillait aux patients de se diriger vers leur médecin en ville durant les fêtes de fin d'année :
Au-delà de 20h30, les urgences n'acceptent plus que les malades "qui ne peuvent pas être transférés".
Pour Pierre-Emmanuel Lebas, la situation progresse malgré tout :
Depuis décembre, il y a en plus un collectif qui est animé par des urgentistes de la région, surtout du Var. Il y a un espoir, mais l’espoir c’est une chose. Il nous faut encore recruter trois médecins avant de pouvoir ouvrir sans risque, sans risque pour les patients et sans risque pour le personnel. Nous avons déjà recruté les trois premiers médecin, nous il nous en faut encore trois autres.
Pierre-Emmanuel Lebas
Pour le praticien du Centre hospitalier de la Dracénie, "on ne peut pas laisser périr un système qui a sauvé des gens et en sauve encore alors que les failles qu'on dénonce vont devenir dangereuses pour la population."
Une situation qui selon lui "nous a amené à travailler pendant près de deux ans entre 80 et 100 heures par semaine et à différer nos vacances".
Aucun des médecins n'a pu prendre de congés à Noël.
Cette fermeture est un échec pour nous qui sommes la deuxième génération à avoir créé les services d'urgence. On ne peut pas admettre que pour des raisons budgétaires et peut-être plus ou moins idéologiques on puisse détruire ce système,
déplore l'urgentiste.
D'autant qu'il voit des solutions: "Les jeunes médecins qui souhaitent s'installer comme généralistes pourraient démarrer obligatoirement par un mi-temps salarié de cinq ans en médecine de ville et un mi-temps à l'hôpital".
Il dénonce aussi le numerus clausus - ce système qui limite le nombre d'étudiants
- qui a été "entre guillemets supprimé" par une réforme en 2019 en laissant toutefois les universités fixer elles-mêmes leurs capacités d'accueil : "c'est de la poudre aux yeux".
Le délégué de l’ARS PACA a fait un point le 21 janvier dernier. Comme le relate Var-Matin, l'agence veut "tenir un discours de réalité" et assure "l’objectif est de rouvrir les urgences la nuit, fût-ce de manière programmée, deux à trois heures par semaine de plus le soir, par étapes."
L'ARS envisage la réouverture à temps plein.