À partir de ce vendredi 5 mai, l'exposition "Magenta, sur les traces des empires engloutis" transporte le public dans l'histoire passionnante et dramatique de ces stèles gravées il y a 2.200 ans à Carthage, puis englouties dans le port de Toulon au 19e siècle. Un prêt exceptionnel du musée du Louvre.
Gants blancs de rigueur pour réceptionner ces pièces qui ont traversé les âges.
Les équipes du musée archéologique de Saint-Raphaël, accompagnées des conservateurs du musée du Louvre, procèdent au constat d'état, obligatoire lors d'un tel prêt, exceptionnel, de la part du musée parisien.
Il faut s'assurer que l'objet ne change pas d'état entre le moment où le Louvre le prête, et le moment où on va le rendre. C'est très important... on s'engage contractuellement dessus !
Anne Joncheray, directrice du musée d'archéologie sous-marine de Saint-Raphaël
Car ces pierres sont on ne peut plus précieuses. Leur datation nous emmène au 2e, et même 3e siècle avant JC, sur les rives tunisiennes de la Méditerranée.
Carthage. Une des civilisations les plus puissantes de l'Antiquité dans le bassin méditerranéen, considérablement développée du point de vue commercial, militaire et culturel.
Tout juste arrivées du Louvre, ces stèles nous parlent des croyances de la civilisation punique. Au micro de l'équipe de France 3 Côte d'Azur Véronique Varin et Eric Jacquet, la conservatrice du Louvre qui a suivi ces pièces jusqu'à Saint-Raphaël explique leur signification :
Ces stèles sont des ex-voto qui ont été offerts par les fidèles de Carthage à deux divinités, Tanit et Ba'al Hammon. Elles ont été offertes entre le 3e et le 2e siècle avant JC.
Hélène Le Meaux, conservatrice du département Antiquités orientales du musée du Louvre
Ba'al Hammon. Le « Saturne africain », divinité centrale de la religion carthaginoise. Tanit. Déesse de la fertilité et de la croissance.
Ces stèles votives, vestiges de la civilisation punique, ont été découvertes lors de fouilles archéologiques au 19e siècle. Sept d'entre elles sont présentées au public à partir de ce vendredi 5 mai, au musée archéologique de Saint-Raphaël.
Sept seulement, rescapées parmi les 2 000 vestiges qui auraient dû être ramenés en France à bord de la frégate Magenta en 1875.
Disparues lors du naufrage du Magenta
Car l'histoire joue parfois des tours. Le destin de ces stèles qui avaient traversé les siècles bascule le 31 octobre 1875. Cette nuit-là, la frégate Magenta, tout juste de retour de Tunis avec sa précieuse cargaison archéologique, est victime, dans le port de Toulon, d'un violent incendie suivi d'une explosion. Le navire de 92 mètres est envoyé par le fond, et avec lui 46 caisses renfermant plus de 2 000 antiquités puniques.
Des plongeurs sont alors immédiatement dépêchés sur place.
Des "scaphandriers pieds lourds", grosse combinaison, casque en bronze, sont alors envoyés au fond pour récupérer à la fois les objets archéologiques et les vestiges du bateau.
Anne Joncheray, directrice du musée d'archéologie sous-marine de Saint-Raphaël.
Du fond du port, ces précurseurs des fouilles sous-marines remontent des stèles, des fragments, dont des éléments d'une statue de l'impératrice Sabine, épouse d'Hadrien. Mais sa tête est introuvable. Elle restera, comme des centaines d'autres pièces, engloutie pendant plus d'un siècle.
En 1994, l'épave, identifiée dans le port varois, fait l'objet d'une nouvelle campagne de fouilles de la part du Groupe de recherche en archéologie navale.
France 3 avait alors consacré un reportage à ces fouilles :
De nouvelles stèles sont remontées à la surface, ainsi que la tête de la statue de Sabine. Cette statue, restaurée, est exposée au Louvre depuis fin 1997.
Si cette œuvre n'est pas du voyage dans le Var, le musée parisien a accepté de prêter de magnifiques stèles au musée archéologique de Saint-Raphaël pour l'exposition "Magenta, sur les traces des empires engloutis". Une exposition à plusieurs niveaux, puisqu'elle nous plonge à la fois dans les richesses de la civilisation carthaginoise, et dans l'aventure de la recherche archéologique sous-marine.
L'exposition est à voir jusqu'au 30 septembre 2023 au musée archéologique de Saint-Raphaël.