2 décembre 1959, la voûte du barrage de Malpasset en amont de Fréjus dans le Var se fissure, avant de céder. En quelques minutes, une vague de 40 mètres de haut déferle dans la vallée du Reyran à 70 km/h ; elle dévaste campagnes et fermes. Elle a fait 423 morts.
2 décembre 1959, la voûte du barrage de Malpasset en amont de Fréjus dans le Var se fissure, avant de céder.
En quelques minutes, une vague de 40 mètres de haut déferle dans la vallée du Reyran à 70 km/h; elle dévaste campagnes et fermes.
Le bilan de la catastrophe s'élèvera à 423 morts et disparus, 155 immeubles entièrement détruits, mille hectares de terres agricoles ravagés et des dégâts incalculables.
2 décembre 1959 - 21h13 : un grondement déchire la nuit varoise
Simone, Michel et Daniel étaient enfants. Ils se souviennent de ce drame qui reste une des plus grandes catastrophes civiles que la France ait connue.Ce 2 décembre, alors que ces enfants regardent la télévision en famille ou commencent leur nuit, la voûte du barrage de Malpasset cède seulement cinq ans après la fin de sa construction.
Michel, Simone et Daniel avaient entre 8 et 12 ans à l'époque. Ils nous racontent l'instant et comment leur vie a basculé.
Simone : "Ma tante tricotait, les adultes discutaient..."
Simone Mercier, née Infantolino, était alors une petite fille de 12 ans. Lors de cette nuit, elle a perdu son père, sa mère, un oncle, une tante et deux jeunes cousines. Elle et ses deux frères sont les seuls survivants de la famille.
Ce soir-là, chez Simone, une famille d'immigrés siciliens, on se réchauffait autour d'un feu dans une grande maison où logeaient plusieurs familles.
"J'ai toujours le souvenir du cri de mon oncle... Ce cri terrible qu'il a lancé, un cri qui se prolongeait comme un film au ralenti..."
Vous vous retrouvez dans la boue, le froid, les cris... Vous savez, autrefois lors de la veillée, on n'avait pas de chauffage alors on se couvrait de manteaux, pulls etc. Là, quand on m'a retrouvé j'étais nue."
La petite fille, est restée complément nue pendant un long moment ; "la vague ou les débris avaient complètement arraché mes vêtements..."
"Moi je n'ai pas entendu le cri des autres car j'étais sûrement préoccupée par ma propre survie et même si je n'ai pas ressenti la peur, j'étais résignée. C'était fini. Mais j'ai toujours dans la tête le cri de mon oncle, toujours ça revient, comme si c'était hier...
Il lui aura fallu cinquante longues années avant de pouvoir enfin se raconter et partager ces lourds souvenirs. Simone n'a commencé à parler du drame que lors des hommages organisés en 2009. Elle s'est alors engagée auprès des bénévoles de l'association ACC Malpasset - Association du cinquantenaire de la catastrophe de Malpasset.
"Pendant tout ce temps, la douleur, mais aussi la peur d'être pris en pitié, la pudeur et le manque de mots, ont empêché les rescapés de parler", dit-elle avec un peu de regret et beaucoup de compréhension envers ces personnes.
> Simone et ses frères apparaissent dans cette vidéo du 16 décembre 1959 :
Cette institutrice à la retraite aime aussi raconter aux plus jeunes cet événement, ce moment historique pour une vallée et tout un pays.
Les jours suivants seront "terribles". Avec ses deux frères miraculés, Simone cherche ses parents. "J'étais à l'hôpital sans savoir, je passais mes journées à regarder arriver les corps couverts de boue, les gens couraient pour les nettoyer, je ne ressentais rien, j'étais vide".
Des vies bouleversées
Sur son passage, la vague de 50 millions de mètres cubes d'eau a ravagé campagnes et fermes jusqu'à la mer : la zone entière est dévastée. Daniel Castelly ne se considère pas lui comme un rescapé. Mais à sa façon, l'histoire de sa famille a aussi été bouleversée.
À Fréjus, chacun connaît une victime, parmi ses parents, ses voisins ou ses amis. Le drame suscitera, en France, un élan de solidarité phénoménal.
Des noms, des hommages, des familles décimées... Et des vies bouleversées. Dans les corps et dans les têtes "Malpasset" a laissé sa marque. Pour Daniel, c'est évident, "je n'ai pas vécu la vie que j'aurais pu vivre...Ça m'a changé par rapport à ce que l'on peut bâtir comme les grandes réalisations de l'homme... J'y suis très attentif... "
"Un grondement indescriptible et surtout... Les cris... Ma famille a été sauvée grâce à Madame Rouchon..."
Michel Ruby n'avait lui que 8 ans à l'époque. Son drame se résume en une phrase simple, celle d'un écolier, fils de l'institutrice de Fréjus :
"En janvier, à la reprise de l'école... La moitié de la classe avait sauté..."
Il ne veut pas dire à qui il pense, mais Michel le reconnaît, autour de lui, nombreux sont ceux qui ont porté une "boule dans leur ventre toute leur vie. Les cellules d'aide, on n'a pas connu...
Les gens ont fait comme ils ont pu..."
Ce qu'il a du mal à comprendre "c'est la confiance que l'on avait à cette période pour ces ouvrages... On ne remettait pas en cause les choses... Aujourd'hui, 20 associations auraient déjà dénoncé les ancrages..."
"Quelque part je crois que si j'ai assuré dans ma vie des opérations de sauvetage, de l'aide sur les feux de forêt et avec les bénévoles de la SNSM, ce n'est pas pour rien..."
Des chiffres et des hommes
- 423 morts
- 27 non identifiés
- 135 enfants de moins de quinze ans
- 15 enfants de 15 à 21 ans
- 134 adultes hommes
- 112 adultes femmes
- 79 orphelins
- 951 immeubles touchés dont 155 entièrement détruits
- 1 350 hectares de terres agricoles sinistrées dont 1 030 hectares totalement.
A qui la faute ?
De nombreuses rumeurs, la piste d'un attentat du FLN fut même un temps envisagé... Les Fréjusiens sont passés à autre chose. Après plusieurs années d'enquête judiciaire, la catastrophe a été attribuée à la fatalité.
En 1971, un arrêt du conseil d'État conclut à une absence réelle de faute. L'emplacement de la construction du barrage et sa nature : une roche peu homogène semblent pour les experts les principaux motifs de la rupture. Comme les anciens, nous l'ont tous raconté : "les fortes précipitations enregistrées dans les semaines précédant le drame ne sont pas pour rien..."
Pour les rescapés, "toute la vérité n'a pas été dite, mais l'heure est au recueillement."
Le 60e anniversaire, c'est le moment de parler parce qu'après ce sera fini", reprend Simone.
Ce que ne disent pas ces Fréjusiens mais qui lors de notre rencontre ressort cruellement, c'est le vide laissé par cette vague. C'est presque une génération qui localement a été emportée par les flots.
► Le programme des hommages.
► Une marche du souvenir sera organisée ce dimanche 1er décembre 2019 à partir du parking à 14h30. Se renseigner auprès de Daniel Castelly 06.72.54.30.78.