L'ancien directeur de l'Ifremer, Jean Jarry, qui a eu l'occasion d'effectuer des expéditions à 9000 mètres de profondeurs décrit les conditions à l'intérieur d'un sous-marin. Et revient sur ses récents échanges avec Paul-Henri Nargeolet, membre de l'équipage du sous-marin Titan porté disparu près du Titanic.
Dimanche 18 juin, le sous-marin de poche Titan était porté disparu au large de la côte est américaine. À son bord, cinq passagers dont Paul-Henri Nargeolet, ancien officier de marine et grand spécialiste français de l'épave du Titanic.
L'équipage effectuait une plongée à proximité de la zone de naufrage de cet emblématique bateau, situé à plus de 4 000 mètres de profondeurs. Pour une raison encore inconnue, le sous-marin a disparu des radars.
Des opérations importantes de sauvetage ont été mises en place par les garde-côtes américains pour tenter de le retrouver. L'Ifremer va aussi apporter son aide au départ de La-Seyne-sur-Mer dans le Var. Un bateau a été dérouté et une équipe spéciale a été envoyée pour piloter le robot Victor 6 000, capable de plonger à des milliers de mètres en profondeur.
Un spécialiste de l'épave du Titanic
Une aide de taille de l'Ifremer, qui connaît très bien Paul-Henri Nargeolet. Il a travaillé au centre et était pilote de sous-marin. Il a réalisé les premières explorations de l'épave du Titanic dans les années 80 à bord du Nautile.
L'ancien directeur de l'Ifremer Méditerranée, Jean Jarry, qui a eu l'occasion d'échanger samedi dernier avant sa plongée avec Paul-Henri Nargeolet, revient sur cette situation au micro de Margaïd Quioc et Romain Fiorucci, journalistes à France 3 Toulon.
Il m'expliquait qu'il était très content de replonger pour découvrir des choses qu'ils n'avaient pas encore vues. Puisque son but, c'est d'avoir le maximum de détails sur l'épave du Titanic, un champ de débris qui s'étend sur des kilomètres.
Jean Jarry.
L'incertitude de la réussite du sauvetage
Jean Jarry ne cache pas son inquiétude quant au sauvetage de l'équipage du Titan. Il se remémore la lecture d'un livre, lu un an plus tôt qui raconte le naufrage d'un sous-marin dans l'Atlantique Nord en 1973, et compare avec la situation actuelle.
À l'époque, après une série de fausses manœuvres le sous-marin s'était retrouvé collé sur le fond à 500 mètres de profondeur. "Ils avaient de l'oxygène pour 2-3 jours. Ils ont été secourus juste à temps, au bout de trois jours et demi et c'était limite. Ils étaient seulement à 250 km des côtes et à une profondeur de 500 mètres, ce qui est nettement plus simple que d'intervenir à 4 000 mètres", raconte-t-il.
Le robot Victor 6 000 sera sur le lieu du naufrage, entre ce mercredi soir et jeudi matin, "les secours font le maximum mais ça va être très limite au niveau du temps", lâche-t-il.
Le robot devra tout d'abord repérer le sonar. "Ça peut demander une demi-heure comme ça peut demander un grand nombre d'heures, ça, c'est l'incertitude totale", atteste Jean Jarry.
Une fois le sous-marin repéré, il faut aussi réussir à faire remonter ce poids conséquent à la surface. Au cours des dernières années, l'Ifremer a réussi à faire remonter des objets très lourds du Titanic comme "The big Pieces", une partie de la coque qui pèse entre 7 ou 8 tonnes.
"Ils ont eu besoin de tas de flotteurs et ça a demandé plusieurs jours", se rappelle l'ancien directeur de l'Ifremer.
Des conditions difficiles
Les conditions de sauvetage sont difficiles mais les conditions à l'intérieur du sous-marin le sont tout autant selon Jean Jarry qui a eu l'occasion d'effectuer de grandes plongées à 9 000 mètres de profondeurs.
Le froid doit se faire ressentir. Ils doivent aussi ne plus avoir beaucoup de batterie, car ils l'économisent sûrement pour alimenter le ventilateur qui envoie le gaz carbonique, sur l'absorbant de gaz carbonique, afin de respirer...
Jean Jarry, ce 21 juin.
Les passagers devraient aussi selon lui avoir une lumière minimum à l'intérieur du sous-marin et une atmosphère très humide. "J'imagine qu'ils essayent aussi au maximum de diminuer leur consommation d'oxygène. Ils doivent pour cela se mettre pratiquement en position du fœtus et ne pas bouger, respirer le moins possible. C'est une atmosphère assez angoissante", dit-il avec de l'émotion dans la voix.
Plusieurs secouristes américains et canadiens ont expliqué dans la journée du mercredi 21 juin avoir entendu des bruits réguliers dans le secteur de l'épave. "Une technique ancestrale, qui consiste à frapper sur la coque pour faire comprendre leur présence, car il n'y a que les humains qui puissent faire ça à intervalles réguliers, ça va permettre de réduire le périmètre de recherche", termine-t-il.
Les gardes-côtes américains ont annoncé sur Twitter qu'ils tiendraient une conférence de presse ce mercredi soir.