La pollution liée au dégazage sauvage en Corse pourrait-elle arriver sur les plages de la Côte d'Azur ?

Alors que les premières boulettes d'hydrocarbures arrivent sur les plages corses, le littoral de la Côte d'Azur pourrait-il être impacté ? La préfecture maritime fait le point sur ces opérations délicates. 

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Le scénario redouté par les autorités s'est malheureusement réalisé. Malgré les efforts déployés au large par les marins toulonnais, les premières boulettes sont arrivées dès dimanche 13 juin sur les plages corses de Solenzara-Sari. 

Nicolas Tamic, directeur-adjoint du Cèdre, une entreprise bretonne spécialisée dans les interventions de dépollution en urgence, parle d'une "arrivée en spray sur le littoral." Deux experts de cette société ont été envoyés sur place aujourd'hui.

Plusieurs tonnes ont été récupérées dans le week-end, mais la "pollution est de plus en plus morcelée et dispersée", a expliqué la capitaine de frégate Christine Ribbe, porte-parole de la préfecture maritime de Méditerranée.

En mer, cinq bateaux sont à l'oeuvre et seront rejoints par un remorqueur d'Ajaccio dans la journée pour repêcher les hydrocarbures. 

Les gendarmes et les pompiers doivent réaliser des reconnaissances à terre pour identifier "d'éventuelles autres zones d'échouages". Un drone est également mobilisé.

Combinaisons blanches

Sur la plage de Solaro (Haute-Corse), une dizaine de pompiers vêtus de combinaisons blanches ramassaient lundi matin à la pelle de petites galettes d'hydrocarbures. Ces résidus pourraient provenir du dégazage sauvage d'un navire. L'expert, habitué à ces pollutions côtières explique : 

Il faut faire du ramassage sélectif, ne pas passer le bulldozer, pour ne pas enlever les sédiments et déséquilibrer l'environnement. Nous ce qu'on préconise c'est du nettoyage sélectif. C'est un pétrole très lourd, très visqueux. On va l'expertiser pour éviter que les opérations de nettoyage soient trop agressives. 

Nicolas Tamic, directeur adjoint du Cèdre

L'accès de la plage, située à la limite de la station balnéaire de Solenzara, était bloqué par les gendarmes de même que l'accès au camping voisin. Un tracteur a filtré ensuite les résidus restants sur le sable.

"Les résidus sont répartis sur environ 500 mètres de long et 50 centimètres de large de manière discontinue", a précisé la préfecture, ajoutant que des moyens étaient déployés pour ramasser ces restes d'hydrocarbures. 
"Après reconnaissance sur site dans la soirée d'hier (dimanche), il s'agit des seules traces découvertes depuis samedi" sur la côte, a-t-elle précisé. 

Dérive vers le sud

A Toulon, la capitaine Christine Ribbe refait un point tous les jours. « Cet après-midi un hélicoptère a survolé la zone. Là on ne voit plus rien au large… il n’y a plus que des micro micro boulettes. (…) On en a récupéré une bonne partie en mer mais on ne savait pas ce qu’il y avait avant. » Les survols aériens vont donc rapidement montrer leurs limites.

Avec ce type de pollution, la difficulté ce sont : "les hydrocarbures lourds qui coulent, seule une partie reste à la surface."

Pourrait-on retrouver des boulettes d’hydrocarbures sur les plages de la Côte d’Azur ? "On n’en est pas là ! On est très très loin… c’est situé au sud-est de la Corse. Le courant ligure suit normalement la côte. Mais très sincèrement, la dérive est vers le sud depuis le début", tempère la capitaine. 

"Les courants permanents partent vers le sud", affirme également Nicolas Tamic du Cèdre, "si la pollution était survenue au nord, il y aurait eu une dérive vers le golfe de Gênes." 

Ces résidus qui pourraient donc dériver au sud de la Corse, jusqu’à la grande réserve naturelle des Lavezzi ? Cette question semble trop prématurée. 

Sur ces opérations de dépollution, la capitaine reste prudente :"on ne voit pas tout… on est sur du résidu."

"En octobre 2018 il y avait eu une collision avec un déversement"

En octobre 2018, une collision entre deux bateaux au large du Cap Corse avait provoqué une nappe de pétrole qui avait rejoint les côtes varoises. Une semaine après cet accident, une pollution aux hydrocarbures avait atteint les côtes varoises, principalement  la plage de Pampelonne, à Saint-Tropez et Ramatuelle.

L’est du Cap Lardier, toute la côte jusqu'au Cap Taillat avait été impactée. L'île de Porquerolles avait aussi été touchée par cette pollution. Les opérations de nettoyage avaient duré six mois, d'octobre à avril. 

Mais la situation actuelle est très différente : "en octobre 2018 il y avait eu une collision avec un déversement … là c’est un bateau qui a dégazé, il y a moins d’hydrocarbures qu’il y a deux ans, ce sont des eaux de cale. Et normalement le volume d'hydrocarbures est moindre," précise la capitaine. 

"Calculs de dérive"

D’autres facteurs vont disperser, diluer cette nappe d’hydrocarbures dans l’eau. D’abord, la météo : il fait chaud, une partie s’évapore dans l'air, la température de l’eau joue ainsi que les courants changeants et les vents.

"C’est jamais facile de savoir", lâche Christine Ribbe qui travaille sur des modélisations, "on fait des calculs de dérive très régulièrement… mais c’est très difficile car c’est très lié au courant local. Dès qu’on a un vol, on reprend les analyses."

La préfecture rappelle que l'accès aux plages et la baignade restent strictement interdits et qu'il faut contacter les pompiers ou la gendarmerie en cas de découverte de résidus d'hydrocarbures.

Une enquête a été ouverte par le parquet de Marseille sur cette pollution probablement due au dégazage illégal d'un navire. Les enquêteurs cherchent à l'identifier.

Combien de temps pourrait durer la vision des plages souillées et surtout leur dépollution ? Le directeur adjoint du Cèdre se montre confiant : "vu les moyens déployés par la Marine Nationale, 4 tonnes ont été récupérées ce matin, le pétrole peut se chaluter facilement, j'ai l'impression que c'est assez rapide". 

Heureusement ! Car la saison estivale approche. 

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