Le Grand Prix automobile de France est plombé par une dette de 32 millions d'euros. Le département du Var et la Métropole de Toulon, financeurs de l'évènement, refusent de payer la note tant que lumière n'a pas été faite sur la gestion des comptes. Ils soupçonnent "des problèmes de rémunération de ressources humaines" et des irrégularités de commandes publiques.
Une dette de plus de 32 millions d'euros plombe les finances du groupement d'intérêt public (GIP) qui gère le Grand Prix automobile de France, qui se tient chaque été depuis 2018 sur le circuit Paul-Ricard, au Castellet (Var). En décembre dernier, elle était chiffrée à 27 millions d'euros.
Et les élus qui ont accordé des financements au Grand Prix de Formule 1 s'interrogent sur ce déficit. "C'est la question que je pose depuis des mois : où sont passés les millions ? C'est ma préoccupation. Je ne peux pas accepter de donner de l'argent public, de l'argent des contribuables, sans savoir pourquoi il y a un tel déficit", avance Jean-Louis Masson, président (LR) du Conseil départemental du Var.
À l'été 2022, la dissolution du GIP avait été amorcée par son conseil d'administration, le contrat liant le Grand Prix au circuit du Castellet arrivant à son terme. La poursuite du prix sur un autre circuit français est depuis en question.
Mais certains élus du Conseil départemental du Var et des Métropoles niçoises et toulonnaises, qui subventionnent toutes les deux le prix automobile, soupçonnent des "problèmes de rémunération de ressources humaines" et des irrégularités dans la passation de commandes publiques par le GIP. En l'absence d'une mise au clair sur les comptes financiers, le Département du Var et la Métropole de Toulon, qui siègent au sein du conseil d'administration du GIP, refusent de payer l'ardoise et bloquent de fait sa dissolution.
Une enquête a été ouverte par le parquet de Marseille, où se trouve le siège du GIP, sur le financement du Grand Prix du Castellet, menée par la police judiciaire de Toulon. Les auditions ont déjà débuté.
Les conclusions des audits en débat
Le GIP, quant à lui, attribue son déficit à la crise économique, aux "difficultés marquées d'accès au site du Castellet" ayant "nécessité d’adopter des mesures correctives très importantes" ainsi qu'à la pandémie de Covid, qui a mené à l'annulation du prix de Formule 1 en 2020. "La gestion du GIP n’est donc pas en cause", affirme Eric Boullier, son directeur général.
Deux audits ont été commandés par le conseil d'administration du GIP du Grand Prix de France à des cabinets extérieurs, afin de mettre au clair sur d'éventuelles irrégularités.
Les conclusions des audits, confidentielles, n'ont été présentées qu'aux élus, qui en tirent des interprétations diamétralement opposées. Pour Christian Estrosi, maire (Horizons) de Nice, président de la Métropole Nice Côte d'Azur, mais aussi président du GIP entre 2018 et 2023, aucune anomalie n'a été constatée et les accusations doivent cesser. "S’agissant des frais, le cabinet souligne que 'les documents contrôlés n’ont pas révélé d’anomalie'", relève-t-il dans un communiqué daté de ce 13 septembre.
"Il est temps que cessent les mensonges et les accusations"
Christian Estrosi, président de la Métropole Nice Côte d'Azurdans un communiqué
"Il y a un très grand nombre de commandes publiques qui n'ont pas été faites dans les règles de l'art et puis des problèmes de rémunération de ressources humaines", comprend pourtant Jean-Pierre Giran, président (LR) de la Métropole Toulon Provence Méditerranée, à la lecture des audits.
Controverse sur les subventions niçoises
Outre les accusations d'irrégularités, à la Métropole de Nice, la dépense de fonds au bénéfice du prix automobile passe mal. La Métropole Nice Côte d'Azur, présidée par M. Estrosi, subventionne le Prix du Castellet à hauteur de deux millions d'euros par an depuis 2018, auxquels se sont ajoutés cet été cinq millions d'euros pour participer à éponger la dette du GIP, dont le président n'était alors autre que Christian Estrosi lui-même.
En 2018, en créant le Grand Prix d'automobile de France au Castellet, l'édile de Nice avait été à l'initiative du retour des compétitions de Formule 1 en France. L'Hexagone n'en avait plus hébergé depuis dix ans. Christian Estrosi avait alors participé à créer le GIP, dont il avait pris la présidence. Le déplacement du Grand Prix dans la capitale azuréenne avait ensuite été envisagé, avant que le projet ne soit écarté par le maire de Nice.
"Il n'y a aucun intérêt métropolitain à subventionner un évènement qui se passe à 200 km de Nice, dans un autre département que les Alpes-Maritimes", dénonce Jean-Christophe Picard, conseiller métropolitain du groupe écologiste.
En août, la députée (LR) des Alpes-Maritimes et conseillère départementale Christelle d'Intorni a déposé un recours devant le Tribunal administratif.
"J'estime que ce n'est pas au contribuable métropolitain de combler le passif du GIP, qui a été mal géré par Christian Estrosi."
Christelle d'Intorni, députée des Alpes-Maritimesà France Bleu Azur
Le maire de Nice rétorque qu'il faut éponger la dette du GIP, de nombreux prestataires du Grand Prix attendant encore d'être payés. "Pour honorer leur engagement contractuel avec les partenaires à l’échelle de la région Sud, le Conseil régional et la Métropole Nice Côte d’Azur ont souhaité procéder à des versements d’avances sur leurs engagements financiers pour procéder à la prise en charge d’une partie du passif", affirme-t-il dans son communiqué.
"Les manœuvres dilatoires de certains membres n’ont pas lieu de perdurer", assène en outre Christian Estrosi, jugeant que "la Métropole Nice Côte d’Azur n’a pas vocation à demeurer éternellement au sein d’un Groupement dont certains des partenaires fondateurs voudraient tirer les bénéfices sans assumer leur responsabilité". Aux côtés de Renaud Muselier, président (LR) de la région Provence Alpes-Côte d'Azur, il appelle à la dissolution du GIP.
Ce vendredi, Christian Estrosi et Renaud Muselier ont indiqué à Var-Matin avoir remis au Procureur de la République les rapports des cabinets d'audit sur la gestion du GIP afin de "jouer le jeu de la transparence".