Tentative de suicide d'une collégienne à Avignon : encore 700.000 victimes de harcèlement scolaire en France

Victime de harcèlement, une jeune fille de 14 ans a tenté de se suicider en avalant une boîte de paracétamol, dans son collège, lundi dernier, à Avignon. Selon l'Unicef, 700.000 élèves seraient victimes de harcèlement scolaire en France, dès le primaire jusqu'au lycée.

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Lundi 3 février, vers 14h, une jeune fille de 14 ans, élève de 3e au collège Alphonse Tavan à Avignon, a tenté de se suicider, dans son établissement, en avalant une boîte de paracétamol.

Grâce à l'intervention rapide du personnel et des secours, la jeune fille a pu être sauvée et a été transportée à l'hôpital d'Avignon, où elle reste sous surveillance.

Pour justifier son acte désespéré, l'adolescente s'est plainte de faits de harcèlement. "A la maison, ça faisait quelque temps qu'on la voyait plus confinée", a confié son père, à nos confrères de La Provence et ajoute que plusieurs élèves l'auraient "prise en grippe". Elle en aurait parlé à l'infirmerie.

Cette tentative de suicide n'était peut-être qu'un "appel à l'aide", mais qui aurait pu être dramatique, quand on connaît la dangerosité du paracétamol lorsqu'il est consommé à forte dose.

"Les responsables du collège prennent cette affaire très au sérieux", indique un responsable de l'académie Aix-Marseille, "une enquête est menée pour déterminer précisément les circonstances qui ont conduit à cette acte, pour apporter une réponse adaptée et sensibiliser les collégiens".

Un fléau dans les écoles

La Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère de l'Education Nationale, indique que 5,6% des élèves se disaient harcelés en 2018 contre 7% en 2015, en France.

La DEPP étudie tous les deux ans, alternativement, la situation dans les collèges et les lycées. Les derniers chiffres pour les collèges remontent à 2017, ceux de 2019 vont paraître prochainement.
 
L’Unicef évalue en France à 700.000 élèves le nombre de victimes de harcèlement scolaire. Les chiffres varient de 12 % en primaire, 10 % au collège et 4 % au lycée.

"Ces chiffres ne sont que la partie émergée de l'iceberg", indique Rémy Sirvent, secrétaire national du syndicat enseignant SE-UNSA, en charge de la laïcité, de l'école et de la société.

"Si le harcèlement prend sa source dans l'établissement (95 %), il s'exporte via les réseaux sociaux", ajoute-t-il, précisant que contrairement à une idée ancienne, "ce n'est pas un enjeu extra-scolaire, cette violence est inhérente à la vie scolaire".

En juin dernier, le ministre de l'Education Nationale, Jean-Michel Blanquer, indiquait que le harcèlement scolaire était une priorité et qu'il représente "un fléau dans les écoles". Pour lutter contre ce phénomène, il avait annoncé dix nouvelles mesures.

Qu'est-ce que le harcèlement entre élèves ?

Le harcèlement est une violence, peu visible, qui peut prendre la forme de violences physiques répétées, souvent accompagnées de violences verbales et psychologiques (insultes, moqueries, etc.), destinées à blesser et à nuire à la cible des attaques.

"C'est un mécanisme très présent dans notre société, c'est le "nous contre toi", l'intolérance au "différent" qui s'exprime", explique Rémy Sirvent.

"Au début, c'est censé être drôle, puis de moins en moins drôle, jusqu'à la persécution", poursuit le secrétaire national SE-UNSA.

Avec le développement des nouvelles technologies et des réseaux sociaux, le harcèlement dépasse le cadre scolaire et affecte aussi les jeunes à travers le cyber harcèlement.

Les victimes sont souvent seules face à cette menace diffuse. "Avant, le harcèlement était cantonné à l'établissement. Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, la plage horaire du harcèlement s'étend et se poursuit jusque dans la maison", insiste le responsable de l'académie.

On peut considérer qu'il y a harcèlement quand :
  • un rapport de force et de domination s'installe entre un ou plusieurs élèves et une ou plusieurs victimes ;
  • il y a répétitivité : différentes formes d'agressions se répètent régulièrement durant une longue période ;
  • il y a volonté délibérée de nuire à la victime, avec une absence d'empathie de la part des auteurs ;
  • Les conséquences du harcèlement en milieu scolaire peuvent être graves et multiples.
"Les conséquences d'un harcèlement peuvent être dévastatrices à court et à long terme", explique Rémy Sirvent :
  • décrochage scolaire voire déscolarisation (des études montrent que la peur des agressions expliquerait 25% de l'absentéisme des collégiens et lycéens) ;
  • désocialisation, anxiété, dépression; 
  • somatisation (maux de tête, de ventre, maladies) ; 
  • conduites autodestructrices, voire suicidaires.
Outre les effets à court terme, le harcèlement peut avoir des conséquences importantes sur le développement psychologique et social de l'enfant et de l'adolescent : sentiment de honte, perte d'estime de soi, difficulté à aller vers les autres et développement de conduites d'évitement. S'ils ne sont pas pris en compte, ces effets peuvent se prolonger à l'âge adulte.

Des héros. Un projet réalisé en partenariat avec le Ministère de l'Education nationale et de la Jeunesse, spot de prévention contre le harcélement scolaire. 

Comment repérer et lutter contre le harcèlement à l'école ?

Si le harcèlement scolaire existe depuis toujours, il a réellement était pris en considération par l'Education Nationale depuis 2012, rappelle Rémy Sirvent. Depuis, "des pas-de-géant ont été faits", affirme-t-il. Le problème est bien cerné, les chefs d'établissement sont sensibilisés, "même si beaucoup de chemin reste à parcourir".

Le cyber harcèlement est devenu un phénomène très inquiétant, mais "des policiers viennent régulièrement dans les collèges pour expliquer les risques sur Internet".

Pour lutter efficacement contre le harcèlement scolaire, "il faut avoir des actions de prévention, de repérage et de traitement", explique un responsable de l'académie Aix-Marseille.

Au niveau de la prévention, plusieurs actions sont menées de front pour sensibiliser les élèves. Chaque année, le premier jeudi de novembre, c'est la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire. Pour la sixième édition, le 7 novembre dernier, les organisateurs ont souhaité focaliser leur action "à mieux détecter le harcèlement entre élèves, à libérer la parole et permettre aux victimes de trouver l'aide nécessaire".

Chaque année, un prix académique et un prix national "Non au Harcèlement" est décerné à des élèves pour leur action de sensibilisation. "L'objectif est de permettre aux élèves d'être acteur de cette thématique", explique un responsable de l'académie. L'an dernier, 1.700 élèves du CP à la terminale ont participé au concours.Pour les élèves, les parents et les professionnels, une plateforme Internet et une ligne téléphonique ont été mises en place. Composez le 3020.

Plus accès sur le cyber-harcèlement, un site Internet "Net Ecoute" et une ligne téléphonique a également été ouverte, composez le 0 800 200 000.

Des élèves ambassadeurs

La prévention passe aussi et surtout par la formation, pour mieux repérer et mieux prendre en charge les cas de harcèlement. "Chaque année, nous formons 300 élèves à devenir des ambassadeurs de la lutte contre le harcèlement scolaire", indique le responsable de l'académie Aix-Marseille.

"Ces élèves sont d'abord formés à l'écoute et ensuite à alerter, notamment le CPE", ajoute-t-il.

Tous les ans, une vingtaine d'établissements s'inscrivent dans le cadre de formations longues. "2.500 professionnels sont formés à la prévention, au repérage et au traitement du harcèlement, dans l'académie, chaque année".

"C'est bien qu'on prenne ce problème autrement que par une politique sécuritaire, comme les portiques électronique", indique Rémy Sirvent.

"Éduquer, c'est long, mais c'est efficace", conclut-il.

Les dix mesures gouvernementales pour lutter contre le harcèlement

  • Inscrire dans le Code de l’éducation le droit des enfants à suivre une scolarité sans harcèlement.
  • Proposer un programme anti-harcèlement clé en main aux écoles et aux collèges.
  • Mesurer la qualité du climat scolaire en incluant explicitement le harcèlement dans l’évaluation des établissements.
  • Former l’ensemble des acteurs à la prévention du harcèlement.
  • Étendre les horaires de la plateforme Net écoute (joignable au 0800 200 000) dédiée au cyber harcèlement.
  • Aider les écoles et les établissements via un réseau départemental d’intervention en cas de situation de harcèlement complexe.
  • S’appuyer sur un comité national d'experts pour enrichir les contenus diffusés aux personnels, élèves et familles autour du harcèlement.
  • Créer une plateforme nationale pour identifier les intervenants à contacter dans le cadre d’actions de prévention.
  • Instituer dès le CP un prix “Non au harcèlement” et lancer une campagne de communication pour les élèves du 1er degré.
  • Organiser un colloque international en France et prendre l’initiative d’une convention internationale d’engagement des pays contre le harcèlement entre élèves.
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