A une époque où les réseaux sociaux n'existaient pas, pas plus que les chaînes toute info, cette vidéo amateur des inondations de Vaison-la-Romaine, le 22 septembre 1992,a ému la France entière. Robert Gaillard a filmé les caravanes emportées par les flots s'écrasant contre le pont romain.
A l'époque de la catastrophe, Robert Gaillard avait 35 ans. Il résidait dans la ville haute de Vaison-la-Romaine (Vaucluse), connue pour ses vestiges romains particulièrement riches. Alors qu'il était calfeutré chez lui, le 22 septembre 1992, comme tous les autres habitants du village en raison des fortes précipitations et de l'orage, il a entendu un grand bruit comme un grand bouillonnement. Sa femme lui dit alors, "c'est l'Ouvèze qui déborde".
Filmer pour l'Histoire
Ni une, ni deux, il fonce pour arriver en bas du village, caméra à la main. Le vidéaste amateur s'intéresse énormément à l'histoire, il sait que ce phénomène rare s'est déjà produit par le passé. Il veut capter ce moment.
"Cette année là, je voulais écrire un livre sur les ruines romaines, alors je suis allée en mairie dans les archives me renseigner. C'est comme ça que j'ai vu qu'il y avait déjà eu de grandes crues au moment de la révolution française et même avant, dans le village", rapporte Robert Gaillard.
C'est comme ça que j'ai vu qu'il y avait déjà eu de grandes crues au moment de la révolution française et même avant dans le village
Robert Gaillard
Robert Gaillard arrive vers 15h30 sur une place qui surplombe le pont romain, une vingtaine de personnes sont déjà là. Dans un premier temps, il est le seul avec sa caméra. Il filme tout ce qu'il voit : "en tant que historien, c'était important pour moi de garder des images de cet événement marquant et d'avoir des archives".
Ses images ont fait le tour du monde
En continue, il tourne pendant un peu plus d'une heure trente et les images sont ahurissantes, on y voit de l'eau qui sort des fenêtres des habitations et des torrents qui emportent tout.
"C'était très impressionnant. Mais à ce moment là, tout le monde pensait que la situation était sous contrôle et que nous étions protégés", se remémore celui qui est aujourd'hui antiquaire à Vedène, près d'Avignon.
"Il y avait beaucoup d'insouciance. Je me rappelle d'une dame qui était entrain de balayer sa terrasse alors que juste à côté des mètres d'eau s'écoulaient", ajoute-t-il.
Mais une séquence reste plus particulièrement associée à cette catastrophe, dans le monde entier : des caravanes du camping voisin, chahutées par l'Ouvèze venant se fracassent violemment contre l'arcade du pont romain.
Assister à de telles scènes l'a profondément marqué. Certaines visions restent ancrées comme les cris des gens qu'on entend dans sa vidéo.
Ce n'est que le lendemain que le vidéaste amateur se rend compte de la gravité de la situation, quand on lui annonce la mort de plusieurs dizaines de personnes et notamment au camping.
Il se souvient très bien du jour qui a suivi l'inondation : " c'était une journée radieuse mais terrible, les gens étaient tristes, en deuil car il y avait des victimes. Il y avait le va-et-vient des hélicoptères et des plongeurs dans l'Ouvèze. La population était en état de choc".
A Vaison et alentours, 39 personnes sont mortes dans la catastrophe et quatre autres ont disparu.
Des fonds récoltés pour les sinistrés
Comme lui, deux autres personnes ont aussi eu le réflexe de filmer la catastrophe. Robert Gaillard propose ses images à France Télévisions. La chaîne les lui achète et il reverse l'argent aux sinistrés. "J'ai fait ça dans une démarche informative", précise l'antiquaire.
Avec les deux autres vidéastes amateurs, ils décident de rassembler leurs images et d'en faire un film sur l'inondation. "On a réussi à vendre 6.000 cassettes, c'est énorme quand même !, s'exclame t-il. Avec ça, on a pu collecter 7.000 francs à peu près, c'était une belle action pour les victimes".
On a réussi à vendre 6000 cassettes, c'est énorme quand même !
Robert Gaillard
Aujourd'hui, Robert Gaillard n'aime pas revoir ces images, "c'est trop dur, ça ravive des souvenirs". Il ajoute : " ce sont des choses qu'on préfère oublier". Pour autant, il se rendra à la cérémonie commémorative organisée dans le jardin des neuf damoiselles, au niveau de l'ancien emplacement du lotissement Thaos, qui a été emporté par les eaux.