TEMOIGNAGE. 30 ans des inondations de Vaison-la-Romaine : le journaliste Michel Partage se souvient "cet événement m'a marqué à vie"

Le 22 septembre 1992, des pluies torrentielles se sont abattues sur Vaison-la-Romaine, provoquant une crue historique de la rivière et des inondations sans précédent dans le nord Vaucluse. Premier journaliste sur place, Michel Partage revient sur cette catastrophe qui a fait 39 morts et 4 disparus, et ému la France entière.

Dans sa mémoire, les souvenirs de la catastrophe restent gravés. Tout est intact. Le 22 septembre 1992, après un tournage dans le Luberon, Michel Partage alors journaliste reporter d'image pour France 3 au bureau d'Avignon, est appelé par sa rédaction pour se rendre à Vaison-la-Romaine, dans le nord  Vaucluse. 

On le prévient que l'Ouvèze a débordé de son lit et qu'il y a des coulées de boues à cause des orages. " Mais personne n'en savait plus, sur ce qui se passait là-bas, avant que j'arrive. A aucun moment je n'ai imaginé que ce serait un événement de cet ampleur", complète-t-il. 

Une violence des flots inimaginable

A l'époque, il a 36 ans. Il se revoit, avançant en voiture vers sa destination, sous un ciel noir inhabituellement  chargé : "ça faisait peur, on sentait la violence de l'orage". Très vite, il se rend compte qu'il n'y a pas que Vaison-la-Romaine qui est touché, mais que c'est tout le secteur aux alentours de la rivière, qui a débordé.

Il roule et s'approche au plus près, jusqu'à ce que la route ne soit plus praticable et disparaisse sous les eaux et la boue. A ce moment-là, il commence à prendre conscience de la situation. Il constate que les lignes téléphoniques sont coupées. Qu'il n'y a plus d'électricité. Il est le premier journaliste à se rendre sur place pour diffuser ses images dans le journal télévisé du soir.

Les équipes régionales alimentent les éditions spéciales qui se font sur face, avec Elise Lucet pour le 19-20 de France 3 :

"Et là, je me rends compte que les dégâts sont beaucoup plus importants que ce qui était annoncé, ce n'était pas juste un cours d'eau qui débordait comme on avait l'habitude sur les inondations, c'était assez violent", explique Michel Partage. 

Un silence de mort 

Le jour suivant, de nombreux autres journalistes arrivent sur place, constatant qu'il y a des victimes et que les ravages sont conséquents. "Il y a ce que j'avais vu la veille, dans la nuit, et la vision le lendemain, au petit matin. Et là, on voit tout et on se dit que c'est pas possible", témoigne avec émotion l'ancien caméraman, aujourd'hui à la retraite.

Il se rappelle du "silence de mort", l'eau est alors redescendue, il n'y a plus de bruits. Et la boue a tout envahi, "le paysage est lunaire". "C'est comme si vous étiez dans un autre monde, c'est quelque chose qui est inimaginable dans l'esprit d'un être humain", raconte le journaliste.  

Il y a ce que j'avais vu la veille dans la nuit, et la vision le lendemain, au petit matin et là on voit tout et on se dit que c'est pas possible

Michel Partage

Une image lugubre lui revient plus précisément en tête. Les arbres du village étaient remplis de valises, vêtements et jouets d'enfants. L'eau était montée tellement haut, de plusieurs mètres, qu'elle avait coincé des objets en tout genre dans les branches.

Au même moment, commence aussi un décompte macabre des victimes, qui augmente au fur et à mesure de la journée. Au total, 39 personnes sont mortes et quatre sont disparues. 

Des conditions de travail difficiles

Michel Partage passe quinze jours sur place pour couvrir la catastrophe avec les équipes de France 3. Les conditions de travail sont éreintantes, "une prouesse technique et physique", pour lui. Les tournages se font parfois dans la boue, le matin et le soir, et les nuits sont courtes. 

Mais ce qui a été le plus compliqué pour lui c'était de pouvoir concilier son travail de journaliste et ce qu'il vivait en tant qu'humain. Il le répète : cet " événement m'a marqué à vie ". Dans sa carrière de journaliste, cette catastrophe compte parmi ses tournages les plus mémorables. 

Les premiers jours de la catastrophe, j'avais les larmes aux yeux tout le temps.

Michel Partage

"Les premiers jours de la catastrophe, j'avais les larmes aux yeux tout le temps ", raconte Michel Partage. Un jour alors qu'il filme, il pose sa caméra et va aider une femme qui tentait de traverser un torrent de boue après être tombée à plusieurs reprises. "L'humain est passé au-dessus du professionnel à ce moment-là" , commente le retraité. 

La solidarité des premiers jours 

A l'époque, il demande même à la rédaction de France 3 de pouvoir continuer à travailler encore six mois sur la catastrophe. Cela lui tient particulièrement à cœur de suivre le dossier et la reconstruction du territoire. 

Ce qui l'a surtout marqué dans les premiers jours après les inondations, c'est la solidarité. Les gens s'entraidaient beaucoup entre eux. " Dès que je tendais le micro pour recueillir leurs témoignages, alors qu'ils avaient déjà beaucoup perdu, ils relativisaient toujours sur la situation par rapport à leurs voisins, qui était pire selon eux et ne se plaignaient pas", se rappelle Michel Partage.  

Mais il constate aussi que cette solidarité ne dure pas indéfiniment. Au bout de quelques mois, après les inondations, il voit des tensions qui se créent entre les habitants et notamment en raison des assurances de dédommagement.

"J'ai vu l'être humain changer et la solidarité qu'il y avait entre eux se dissoudre et s'effilocher. Les jalousies et le côté individualiste est ressorti. Ce sont les mêmes lieux, les mêmes personnes, ça vous apprend à vivre..." atteste-t-il. C'est l'une des leçons de vie qu'il retire de cet événement. 

De retour sur les lieux du drame

Cet été, l'ancien journaliste est retourné sur le pont romain en pierre, au-dessus de l'Ouvèze. Après la catastrophe, une plaque y a été installée : "Crue du 22/09/92". "Je n'y avais pas été depuis 10 ans, et j'ai tout revécu en y allant, c'était assez dur ", témoigne-t-il.

Michel Partage sait déjà qu'il se rendra aux cérémonies de commémoration des 30 ans de la catastrophe. Pour lui, c'est une évidence : " cet événement m'a affecté et meurtri, mais aussi fait grandir dans la réflexion et les relations avec les êtres humains". 

Cet événement m'a affecté et meurtri, mais aussi fait grandir dans la réflexion et les relations avec les êtres humains

Michel Partage

Aujourd'hui, à 66 ans, maire de la commune de la Bastidonne, dans le Vaucluse, il se sent d'autant plus investi et responsable des risques de catastrophes qui pourraient toucher son propre village. 

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