Entre guerre de territoire et trafics de drogue, les habitants de Cavaillon vivent dans la peur depuis plusieurs mois. Pour Marine Le Pen, en visite dans le Vaucluse, il faut mener une "guerre". Mais la police, confrontée à des individus de plus en plus armés, manque de moyens.
La cité du Docteur Ayme à Cavaillon fait la Une des pages faits-divers ces derniers mois. Des épisodes de violence en série inscrits dans un contexte d'une guerre de territoire entre trafiquants de drogue.
Le scénario, lui, est tristement monotone. Le 16 juillet, des individus ont ouvert le feu et pris à partie des habitants. Le 4 août, deux hommes ont tiré à moto. Le 24 août, un homme a été blessé dans un point de deal par trois individus armés de pistolets-mitrailleurs et d'un fusil à pompe.
Le 21 septembre, toutes les écoles de Cavaillon ont été fermées plusieurs heures. Des coups de feu ont été échangés, une parente d'élève a annoncé avoir été menacée. Point d'orgue de cette escalade, le 27 septembre, un jeune homme a été tué, achevé d'une balle dans la tête.
En visite dans le département ce vendredi, Marine Le Pen a affirmé sur France Bleu qu'il fallait mener "une guerre contre le trafic de drogue". La police tente de lutter, mais les moeurs se durcissent dans certains quartiers.
Davantage d'armes en circulation
Pour la police de Cavaillon, les phénomènes de violences ne sont, hélas, pas nouveaux de cet été. S'ils sont en augmentation depuis quelques années, ce sont surtout les méthodes utilisées qui sont nouvelles.
"Nous constatons une forte circulation d'armes, notamment dans les cités", explique David Fiorentini, délégué départemental Alliance police dans le Vaucluse. "On peut interpeller un petit charbonneur et ce dernier cache une arme à feu sur lui".
C'est ce qui est arrivé au policier Eric Masson, tué à Avignon le 5 mai dernier lors d'une banale intervention près d'un point de vente de stupéfiants.
Les saisies d'armes se multiplient. Mais malgré leur action, le nombre de blessés et tués progresse jusqu'à donner le vertige. Et pas uniquement dans la cité du Docteur Ayme. "C'est un phénomène plus général dans toutes les cités du Vaucluse. A Carpentras cité du Pous-du-Plan, à Orange dans le quartier Fourchevieilles, à Avignon..."
On est la banlieue élargie de Marseille.
"Il y a des personnes qu'on ne voyait jamais sur le département. Des Marseillais qui montent sur le Vaucluse. On est la banlieue élargie de Marseille. Et puis il y a ceux d'Avignon qui vont en découdre à Cavaillon, à Carpentras..."
"Ce qu'on observe, ce sont des règlements de comptes très réguliers sur des points de deals". Des points stratégiques qui rapportent énormément d'argent, comme la cité du Docteur Ayme. "Un des plus gros points de deal de Paca".
C'est notamment ce qu'il s'est passé pour le jeune homme de 22 ans qui a perdu la vie en septembre. "C'est de la prise de territoire. On veut impressionner. C'est à celui qui sera le plus fort".
Dans cette cité, tout a commencé quand la tête du réseau s'est fait éliminer en avril, à Cavaillon. Depuis, les dealers en prison tentent d'organiser à nouveau le trafic. Certains opportunistes arrivent et essaient de prendre les points de deal. Et la suite est dans les journaux.
Une lutte "sans merci"... sans assez de moyens
La situation s'aggrave et pourtant, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est félicité, le 28 septembre, des résultats de la lutte "sans merci" contre les trafiquants de drogue à Cavaillon.
L’Etat mène une lutte sans merci contre les trafiquants de drogue, à Cavaillon comme partout en France, grâce à l’action déterminante de la police et de la gendarmerie.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) September 28, 2021
Et les résultats sont là? pic.twitter.com/sLUpRW6Xbp
Le 1er octobre, les habitants et des élus se sont rassemblés pour "crier leur peur" et demander une "protection". "J'en appelle solennellement au procureur de la République pour une réaction judiciaire implacable et rapide. Tous les leviers de la sécurité publique ont été activés mais ça ne suffit plus", a déclaré le maire Gérard Daudet.
"J'en appelle au ministre de l'Intérieur, pour que son engagement d'une BAC de nuit à Cavaillon devienne une réalité dans les meilleurs délais", a-t-il ajouté.
Le ministre de l'Intérieur avait annoncé la réactivation de la Brigade Anti Criminalité de nuit en 2022 et l’arrivée de cinq policiers supplémentaires dès le mois de septembre à Cavaillon. Selon le syndicat Unité SGP Police ces policiers viendraient remplacer six départs à la retraite.
Les choses avancent. Un appel à candidature a été lancé pour la BAC de nuit. Sa mise en place est prévue début janvier.
"C'est très bien mais les faits nous démontrent que les règlements de comptes ont souvent lieu la journée", glisse David Fiorentini. Comme le dernier mort, cité du Docteur Ayme.
"La problématique dans les petites circonscriptions comme Cavaillon ou Orange, c'est qu'il n'y a pas assez d'effectifs de jour. Une BAC ne résout pas tout non plus. Elle travaille en civil, alors la population ne peut pas s'en rendre compte, et se sentir protégée".
En plus du manque d'effectifs sur le terrain, David Fiorentini pointe la charge judiciaire des services d'investigation qui nécessitent, eux aussi, d'être renforcés.
"Il y a un certain nombre de dossiers en attente, malheureusement. L'efficacité du travail de la police dépend des décisions judiciaires qui suivent. Mais jusqu'à présent, c'est un processus complexe, long, pénalisé par le manque de moyens".