Le maire de Châteauneuf-du-Pape a dénoncé les effets négatifs du Dry January, qui fait chaque année plus d'adeptes, un sentiment partage par les vignerons de la commune, comme Serge Gradassi, confrontés à un contexte difficile qui impacte les ventes de vins français depuis plusieurs années.
Serge Gradassi est vigneron à Châteauneuf-du-Pape depuis 30 ans. Il dirige avec sa nièce un domaine de 28 hectares, dans la famille depuis six générations. Sur les 50 000 bouteilles vendues par an, 90 % partent à l’export, en Chine et surtout en Europe du Nord. Il partage sans réserve l’exaspération du maire de la commune, Claude Avril, qui juge le "Dry January", "Janvier sec" en français, comme une "insulte" pour le monde viticole.
Détox après les fêtes de fin d'année
Le Dry January consiste à ne plus toucher une goutte d’alcool pendant un mois. Cette détox ciblée pour mettre son foie au repos, après les excès des repas des fêtes de fin d'année, n’a pas vraiment de sens pour Serge Gradassi, qui a présidé du syndicat des vignerons de Châteauneuf-du-Pape de 2013 à 2023. Les viticulteurs se sentent "visés" par cette campagne zéro alcool qui, selon eux, stigmatise le vin en particulier. "Je ne vois pas trop à quoi ça sert, pour moi, c’est qu’une histoire de faire le buzz".
"Après Dry January, pourquoi pas novembre et on ne s’arrête plus, et après ils vont nous sortir une année sans alcool…", ironise-t-il. "Je n’en vois pas trop la nécessité, pour quoi faire ? à ce moment-là, on va arrêter de manger de la viande en janvier, parce qu’on en a trop mangé ?, ajoute-t-il, nous, on ne prône pas la consommation de vin pour la consommation, on prône plutôt consommer bien, faites-vous plaisir avec de bonnes bouteilles".
Pour "une consommation raisonnée et raisonnable"
L'association Addiction France soutient l'initiative soulignant les nombreux bienfaits d'une pause avec l'alcool sur l'organisme : meilleur sommeil, regain d'énergie, meilleure concentration... Au-delà des effets à court-terme, les experts mettent en avant des habitudes de consommation plus maîtrisées. Pour Serge Gradassi, il vaudrait mieux "prôner une consommation raisonnée et raisonnable, c’est permettrait de montrer aux gens qu’il faut se faire plaisir avec des bons produits".
Lancé en 2013 au Royaume-Uni, ce défi est arrivé en France en 2020, à l’initiative de l'association de prévention de l’alcoolisme "France janvier Sobre". L’an dernier, 4, 5 millions de Français ont participé à ce mois sans alcool.
La consommation de vin a baissé de moité en 20 ans
Les viticulteurs se sentent stigmatisés par cet appel à l’abstinence, alors que la filière doit s’adapter dans une conjoncture négative depuis plusieurs années. "La consommation de vin a diminué de presque 50% sur les 20 dernières années", constate Serge Gradassi.
Déjà fortement impactés par les hausses douanières du Brexit, les viticulteurs français s’inquiètent d’un retour au protectionnisme aux États-Unis avec l’élection de Donald Trump. "C’est vrai que la fin d’année a été assez morose sur l’ensemble des marchés export, on n’a plus qu’à espérer que le moral revienne et que les gens aient envie d’acheter nos bouteilles", avec "modération si on veut l’apprécier et que ça ne fasse pas de mal à la santé".
L’appellation Châteauneuf représente 3150 hectares en production, 12,5 millions de bouteilles vendues chaque année pour un chiffre d’affaires de 120 millions d’euros annuels.