Législatives 2022. Comment dans le Sud-Est, le RN est désormais perçu comme "une alternative" à la droite

Dans le sud-est de la France, la vague couvait depuis la présidentielle. Dimanche, elle a déferlé jusqu'à l'hémicycle. Pour un électorat de droite orphelin, le Rassemblement national y est désormais perçu comme "une alternative", "un repère stable". Analyse de la banalisation du vote d'un extrême.

Sur les 42 circonscriptions de Provence-Alpes-Côte d'Azur, l'extrême droite en a remporté la moitié, 20 pour le RN, une pour la candidate sortante de la Ligue du Sud dans le Vaucluse.

Et si l'abstention a atteint 44,16% dans la région, elle est loin d'être la seule responsable de ce score historique du RN, qui n'y avait jamais remporté qu'un seul siège au scrutin majoritaire, avec Marion Maréchal-Le Pen en 2012 dans le Vaucluse.

"Il n'y a pas de dynamique de participation en faveur du Rassemblement national, il est sur ses bases électorales dans le Sud-Est", analyse Christèle Lagier, maître de conférence en sciences politiques à l'université d'Avignon: en fait, il "s'est très largement renforcé là où il était déjà très fort".

Les résultats du parti d'extrême droite aux législatives sont en effet le reflet quasi exact de ceux réalisés au second tour de la présidentielle par Marine Le Pen, la candidate du RN, arrivée en tête dans 24 des 42 circonscriptions de Paca.

La classique "dépression frontiste" observable entre la présidentielle et les législatives n'a pas eu lieu en proportion habituelle preuve d'un  "enracinement territorial", selon Emmanuel Négrier, directeur de recherche au CNRS à Montpellier, en évoquant le cas de l'Occitanie, où le RN a décroché 10 des 18 postes de députés.

Droite, extrême droite, une frontière de plus en plus poreuse

En Paca aussi, cet enracinement est réel. Paca a été la première région française à être Front national en 1995, lors des municipales, avec quatre villes FN, Orange, Toulon, Vitrolles et Marignane.

Selon les analyses, avec une arrivée massive au Palais Bourbon, le RN a franchi une étape majeure dans sa politique de "dédiabolisation".

En cause, une frontière de plus en plus poreuse entre la droite traditionnelle et l'extrême droite, qui a aussi profité de la confusion générée par "des gens qui passent d'une étiquette politique à l'autre", souligne Cristèle Lagier. "Le Rassemblement national est devenu une alternative à droite, sur des territoires (...) où il est un des repères à peu près stables".

Le résultat de ces législatives est en fait l'aboutissement du "long processus de désagrégation de la droite", analyse la politologue. Dans cette déportation de l'électorat vers l'extrême droite, Christèle Lagier voit une lourde responsabilité de la droite classique, notamment depuis Nicolas Sarkozy, mais aussi de la majorité présidentielle, dont la position n'a "pas été claire du tout".

La droite traditionnelle, "à force de faire de la surenchère programmatique par rapport au RN (...), en étant une droite qui se droitise au fur et à mesure des différents scrutins", a entraîné "beaucoup de confusion", juge-t-elle.

Il y a une angoisse identitaire et la pandémie a accéléré ce phénomène, renforçant chez certains un sentiment d'envahissement.

Jean Viard, sociologue

Ce vote RN s'explique aussi, selon le sociologue Jean Viard, par une fracture identitaire propre au Sud-Est, où la majorité des actifs ne sont plus nés sur le territoire, entraînant "un problème de construction du lien social".

"Il y a une angoisse identitaire, insiste le sociologue, et la pandémie a accéléré ce phénomène", renforçant chez certains "un sentiment d'envahissement".

Un envahissement contre lequel Reconquête!, la formation d'Eric Zemmour, s'est érigée en barrage ultime, contribuant largement à crédibiliser le RN de Marine Le Pen.

"À la longue, les idées d'extrême droite se diffusent, mais en même temps (...) le créneau raciste a été sous-traité à Zemmour", constate Jean Viard. Et de conclure : "Aujourd'hui le RN, c'est le parti de droite dans le sud".

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